« Je pense que je ne me trompe pas si je dis que nous sommes ici pour montrer comment, dans l’Église du Christ, il y a de la place pour tout le monde »: cette phrase du témoignage d’un prêtre Rom, le p. Ioan, a été reprise par le pape François ensuite dans son allocution lors de sa visite le quartier rom de Barbu Lautaru de Blaj, en Roumanie, dernier rendez-vous de ses trois jours de voyage (31 mai-2 juin 2019) dans ce pays appelé le « Jardin de Marie ».
Le pape s’est rendu à la petite église dédiée à Saint-André apôtre et à l’évêque martyr Ioan Suciu (Blaj, 1907-prison de Sighet, 1953), béatifié le matin même, autrefois engagé pour l’annonce de l’Evangile aux Roms. Elle a été consacrée en mai dernier.
Au témoignage du p. Ioan, le pape a en effet répondu ensuite: « Tu n’as pas tort d’affirmer cette conviction aussi certaine qu’elle est parfois oubliée : dans l’Église du Christ, il y a de la place pour tous. S’il n’en était pas ainsi, ce ne serait pas l’Eglise du Christ. »
« L’Église, a insisté le pape, est un lieu de rencontre et nous avons besoin de le rappeler non pas comme un beau slogan mais comme un élément de la carte d’identité de notre être chrétien. »
Le pape a aussi relevé que le p. Ioan a cité le nouveau bienheureux Ioan Suciu, martyr du communisme qui venait là jouer au football avec les enfants roms: « Tu nous l’as rappelé en donnant l’exemple de l’évêque martyr Ioan Suciu, qui a su traduire par des gestes concrets le désir de Dieu le Père de rencontrer chaque personne dans l’amitié et dans le partage. L’Évangile de la joie se transmet dans la joie de se rencontrer et de savoir que nous avons un Père qui nous aime. »
L’évêque dont l’église porte le nom, Ioan Suciu (Blaj, 1907- prison de Sighet, 1953), béatifié le matin même, avait commencé, dès 1948 après l’arrivée des communistes au pouvoir et l’interdiction de l’Église gréco-catholique par Staline, à donner une série de sermons, au cours desquelles il faisait valoir l’impossibilité d’un accord avec le communisme.
Arrêté le 27 octobre 1948, il subit de durs interrogatoires pendant dix-sept mois. Il suivit le même parcours que six autres évêques gréco-catholiques roumains. Il mourut de faim à la prison de Sighetu Marmației dans la nuit du 27 juin 1953, entouré par ses confrères. Il fut enterré au cimetière des pauvres et sa tombe n’a jamais été identifiée.
Voici notre traduction, rapide, de travail, du témoignage du p. Ioan.
Témoignage du prêtre Rom
Saint Père
Bienvenue dans la périphérie des périphéries! Ici, dans le quartier de Barbu Lautaru de Blaj, nous, les Roms, nous vivons heureux parce que l’Eglise gréco-catholique roumaine a bien compris une chose importante: il faut guérir à cette fracture, il faut rencontrer ces frères, il faut leur offrir l’Evangile de la joie.
Nous ne pouvons pas ne pas faire mémoire de l’évêque martyr Ioan Suciu, qui a jouait volontiers au football avec les petits Roms dans ces rues où nous nous trouvons, dans un authentique esprit fraternel d’amitié et de partage. Il a payé de son sang sa fidélité au Christ et il célèbre maintenant la Liturgie céleste avec les saints anges.
Nous sommes reconnaissants à notre Église d’avoir pensé à une pastorale des Roms, avec diverses paroisses dédiées à l’accompagnement spirituel de leurs familles et de leurs enfants.
Et l’église où nous nous trouvons, ici, dans notre quartier, est un signe concret de cette attention et de cette affection pour nous.
Je pense que je ne me trompe pas si je dis que nous sommes ici pour montrer comment, dans l’Église du Christ, il y a de la place pour tout le monde. Pour cette raison, la visite et l’accolade que vous nous donnez aujourd’hui, Saint-Père, révèlent à tous ce qu’est la vraie vie des Roms et à quel point leur désir d’inclusion et de participation au travail de la société en Roumanie et ailleurs pour surmonter les discriminations et les ségrégations.
Merci, Saint-Père, de dialoguer avec notre époque, de vous sentir proche de nous, l’un de nous. En vous accueillant, nous accueillons le Seigneur qui est venu pour les laissés-pour-compte, lui qui aime les marginaux, les importuns, ceux qui sont difficiles à comprendre.
Pour nous et pour tous les Roms, votre présence est un grand encouragement et une espérance.
(c) Traduction de Zenit, Anita Bourdin