Intention de prière de septembre : le droit à la liberté religieuse

Commentaire de Mgr Machado

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ROME, Mardi 30 août 2005 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI invite les fidèles à prier, en septembre « pour que le droit à la liberté religieuse soit reconnu par les gouvernements de tous les peuples de la Terre ».

Mgr Félix A. Machado, du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, propose cette méditation sur ce thème (cf. fides.org).

S’il est vrai qu’un nombre croissant de personnes attachées à diverses traditions religieuses reconnaissent qu’il est nécessaire de promouvoir des relations interconfessionnelles respectueuses, amicales et harmonieuses dans notre monde déchiré par les guerres et tourmenté par toutes sortes de conflits et de violences, l’Eglise catholique, pour sa part, a toujours soutenu qu’il faut impérativement insister sur le principe de la liberté religieuse, qui conditionne la crédibilité de toute religiosité franche et sincère et de toute relation interconfessionnelle. Le principe de la liberté religieuse est la pierre angulaire des droits de l’homme. La liberté des individus et des communautés de professer et de pratiquer leur religion forme donc un élément essentiel d’une société paisible et harmonieuse. La liberté religieuse fait également partie intégrante du magistère catholique, particulièrement depuis le Concile œcumenique Vatican II. Les textes conciliaires l’affirment de manière aussi claire que catégorique: « Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres… Cette exigence de liberté dans la société humaine regarde principalement ce qui est l’apanage de l’esprit humain, et, au premier chef, ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société. » (Concile du Vatican II, Dignitatis huinanne, Déclaration sur la liberté religieuse). Le droit canon de l’Eglise catholique stipule également: « Il n’est jamais légitime d’induire les personnes par la force à embrasser la foi catholique contre leur conscience » (Can. 748, 2).

La quête religieuse est inséparablement liée à la quête de la vérité, et « la vérité doit être recherchée selon la manière propre à la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, par le moyen de l’enseignement ou de l’éducation, de l’échange et du dialogue ». Toutefois, le pape Jean Paul II fait soigneusement observer que, dans nos efforts de promotion de la paix dans le monde, la liberté de conscience et de religion ne signifie pas que nous relativisions la vérité objective que tout être humain est moralement obligé de rechercher. Appliquant les enseignements de l’Eglise catholique à la vie quotidienne des êtres humains dans notre société, le Pape renouvelle son appel et affirme qu’aucun Etat n’a la moindre compétence directe ou indirecte sur les convictions religieuses des personnes. L’Etat ne peut pas s’arroger le droit d’imposer ni d’empêcher. Le Pape loue les efforts de diverses organisations privées et publiques, nationales et internationales qui, dans les années récentes, se sont portées à la défense des victimes de discrimination ou de persécution à cause de leurs convictions religieuses. Le Pape, en son encyclique Centesimus Annus (Vatican, 1 mai 1991, n. 29), évoque les droits de la conscience humaine, qui n’est liée que par la vérité naturelle ou révélée. Dans ce document, le souverain pontife insiste sur ce point: « dans certains pays, émergent de nouvelles formes de fondamentalisme religieux qui, de manière dissimulée ou même au grand jour, dénient aux citoyens adeptes d’autres confessions que celle de la majorité le plein exercice de leurs droits civils et religieux, en les empêchant de prendre part au processus culturel, ainsi qu’en restreignant à la fois le droit de l’Eglise de proclamer l’Evangile et le droit qu’ont ceux qui entendent cette proclamation d’y adhérer et de se convertir au Christ. Aucun progrès authentique n’est possible sans que soit respecté le droit naturel et fondamental de connaître la vérité et de vivre conformément à son contenu ».

Le respect du principe de liberté religieuse renforce incontestablement la crédibilité des efforts en faveur du dialogue interconfessionnel. S’adressant récemment aux ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, le Pape rappelait ceci: « La garantie et la promotion de la liberté religieuse constituent un « test » du respect des droits d’autrui, qui se traduit dans les faits pour autant qu’une discipline juridique adéquate, applicable aux diverses confessions religieuses, se porte garante de leurs identités respectives et de leur liberté ». De nouveau, dans son allocution du 12 janvier 2004 aux membres du Corps diplomatique accrédités auprès du Saint-Siège, le Pape a formulé la remarque suivante: « Au cours de la période récente, nous avons été témoins dans certains pays européens d’une attitude qui pourrait mettre en péril le respect effectif de la liberté religieuse. Peut-être chacun s’accorde-t-il à respecter le sentiment religieux des individus, mais il n’est pas possible d’en dire autant du ‘facteur religieux’, c’est-à-dire de la dimension sociale des religions. Sur ce point, les engagements qui avaient été pris dans le contexte du cadre naguère connu sous le nom de la « Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe » ont été oubliés. Le principe de laïcité est souvent invoqué, de façon légitime en soi s’il s’agit de distinguer la communauté politique et les religions (cf. Gaudiuni et spes, n. 76). Toutefois, distinguer ne veut pas dire ignorer! Laïcité n’est pas laïcisme! La laïcité n’est rien d’autre que le respect de toutes les croyances, de la part de l’Etat qui assure le libre exercice des activités rituelles, spirituelles, culturelles et charitables des communautés de fidèles ».

La donnée religieuse, enracinée dans la conscience humaine, exerce un impact spécifique sur le sujet de la paix, et toute tentative d’empêcher ou de brider sa libre expression entraîne inévitablement des effets négatifs sur les chances de réalisation d’une société pacifique. La liberté religieuse contribue aussi de façon décisive à la formation de citoyens vraiment libres et prêts à assumer leurs devoirs en personnes responsables. Couplée à l’intégrité morale de la population, la liberté religieuse représente un préalable essentiel à la paix. Le Pape suggère aussi à tous les fidèles de se charger de certaines responsabilités spécifiques dans le contexte de la liberté religieuse: « Aux obligations d’Etat concernant l’exercice de la liberté religieuse, font pendant certaines responsabilités précises qui forment le lot des hommes et des femmes, tant pour leur pratique religieuse personnelle que pour l’organisation et la vie de leurs communautés d’appartenance. En premier lieu, les dirigeants des groupements religieux ont le devoir de présenter leur enseignement sans se laisser conditionner par des intérêts personnels, politiques ou sociaux mais en adoptant des approches conformes aux exigences d’une coexistence pacifique et du respect de la liberté de chaque personne ».

Dans son message à l’occasion de la Journée mondiale de la paix en 1988 (Cité du Vatican, 1 janvier 1988, n. 4), le pape Jean Paul II invite les fidèles des diverses religions à contribuer à la paix et à l’harmonie dans le monde à travers un ferme engagement à respecter le droit à la liberté religieuse. Le Pape écrit notamment ceci: « Les disciples des différentes religions devraient, à titre individuel et collectivement, exprimer leurs convicti
ons, organiser leur culte et toutes leurs autres activités spécifiques dans le respect strict des droits des personnes qui ne professent pas la même religion qu’eux ou qui ne professent aucune croyance religieuse.

En ce qui concerne la paix, aspiration suprême du genre humain, chaque communauté religieuse et chaque fidèle personnellement pourraient mesurer l’authenticité de leur engagement à l’aune de la solidarité démontrée à leurs frères et à leurs sœurs. Aujourd’hui sans doute plus que jamais, le monde est dans l’expectative au sujet de la paix et tourne le regard vers les différentes confessions religieuses ».

Le principe de la liberté religieuse, qui est au cœur des droits humains, admet que les personnes, si leur conscience les y pousse, puissent même vouloir changer de religion, car elles sont obligées de suivre leur conscience en toute circonstance et ne peuvent pas être forcées d’agir contre elle (cf. Article 18 de la Déclaration universelle des droits humains, cité dans son discours Aux dirigeants religieux réunis à New Delhi, Inde, 7 novembre 1999).

L’Eglise invite ses fidèles à prier aux Intentions du Saint­Père, comprenant par exemple la prière pour la conversion, enseignement central du Christ Jésus, qui avait initié son ministère public en proclamant à son peuple: « Le temps est accompli, et le Royaume de Dieu est tout proche. Repentez-vous et croyez à l’Evangile » (Mc 1,15). Un document publié conjointement par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Dialogue et Proclamation, Vatican, 1991, n. 41 explique: « Dans le langage biblique et dans celui de la tradition chrétienne, la conversion est le retour humble et repentant du cœur à Dieu, dans le désir du pénitent de Lui soumettre plus généreusement sa vie ». Le mot grec pour conversion dans le Nouveau Testament est metanoia, c’est-à-dire un changement du cœur. Dieu appelle constamment le pécheur, tout être humain, à cette conversion.

Il nous faut examiner soigneusement la relation entre la conversion, entendue comme retour à Dieu, et le transfert d’une religion à l’autre. Les deux notions sont bien distinctes l’une de l’autre, tout en étant corrélées, au moins du point de vue chrétien. L’Eglise admet l’éventualité d’un changement de religion. L’Eglise soutient que par obéissance à sa propre conscience, toute personne est libre de choisir sa religion, car ce choix peut faire partie du processus de conversion. Le document conjoint, Dialogue et Proclamation, énonce encore que: « … dans ce processus de conversion, l’intéressé peut être amené à décider de quitter sa situation spirituelle ou religieuse antérieure afin de s’orienter vers une autre… Un dialogue sincère implique… le respect de la libre décision que les personnes prennent conformément à la voix de leur conscience ». Nous devons aussi distinguer le « témoignage » du « prosélytisme ». Alors que le premier signifie tout simplement vivre sa vie religieuse de manière authentique, cohérente et sans concession, le second terme fait référence à une activité destinée à attirer les membres d’une autre tradition religieuse par des méthodes de force directe ou indirecte. Le prosélytisme comprend l’exploitation du besoin, ou de la faiblesse, ou du manque d’éducation des personnes auxquelles le témoignage est offert. Il est particulièrement inconvenant de faire référence « injuste ou peu charitable » aux croyances et aux pratiques des autres communautés religieuses (cf. Le défi du prosélytisme et la vocation du témoignage ordinaire, Groupe de travail conjoint du Conseil mondial des Eglises et de l’Eglise catholique romaine, (www.wcc-coe.org).

Mgr Félix A. Machado

Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux

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ZENIT Staff

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