« Regarder les jeunes pour qu’ils regardent le Christ. Ecouter les jeunes pour qu’ils écoutent le Christ »: c’est le titre d’un des trois rapports des groupes francophones présents au synode des évêques sur « les jeunes, la foi et le discernement des vocations » (3-28 octobre 2018), à partir des discussions sur la première partie de l’Instrument de travail du synode.
Le Saint-Siège publie les rapports des 14 différents groupes linguistiques au synode. Voici le compte-rendu du groupe coordonné par Mgr David Macaire, O.P. ( Saint-Pierre et Fort-de-France, Martinique, Caraïbes Françaises), avec pour rapporteur Mgr Laurent Percerou (Moulins, France).
Il aborde les questions de la famille, du numérique, des « jeunes migrants », de la paix (par « le dialogue interreligieux », « la recherche de l’unité »), et le « désir d’authentiques communautés chrétiennes ».
Revient la demande « que Pâques soit célébré le même jour » par tous les chrétiens.
Regarder les jeunes pour qu’ils regardent le Christ
Ecouter les jeunes pour qu’ils écoutent le Christ
L’Instrumentum Laboris insiste sur la nécessité d’écouter les jeunes. Cependant, il évoque également l’importance du regard. Sa première partie s’intitule d’ailleurs «reconnaître». Reconnaître, c’est-à-dire découvrir la réalité des choses et des personnes, suppose d’abord de regarder à la manière du Christ qui, par un regard, témoigne de la miséricorde de Dieu et invite à l’Alliance, ainsi de sa rencontre avec la femme de Samarie (Jean 4, 5-42). Avant même la parole et l’écoute, c’est par le regard que se crée la relation. Là est le but de ce Synode: Aider les jeunes à croiser le regard du Christ, par l’Eglise qui est son corps, afin qu’ils se découvrent aimés de lui, se mettent à son écoute et s’engagent à sa suite.
Si nous convenons qu’il nous faut ensemble discerner les chemins sur lesquels les jeunes vont pouvoir croiser le regard du Christ et se mettre à son écoute, il nous faut préciser, dans cette première partie, que ce Dieu dont nous parlons est le Dieu de Jésus-Christ, qu’il est le Christ qui conduit au Père dans la force de l’Esprit. Il est Celui qui a manifesté de la compassion, qui a su apaiser les blessures mais il est aussi Celui qui a dénoncé ce qui était contraire à la Révélation et appelé à un engagement radical à sa suite.
Il serait alors nécessaire que cette première partie, essentiellement sociologique, précise d’une manière forte qu’elle est au service de la mission de l’Eglise qui est, précisément, de contempler ces jeunes avec le regard du Christ, afin qu’ils tournent vers lui leur regard et l’écoutent : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean 6, 68). En effet, beaucoup de jeunes ne connaissent pas le Christ et ne le recherchent même pas. Cette précision indiquerait ainsi que le souci de l’Eglise est de porter l’Evangile aux jeunes : elle est « Mater et Magistra ».
Cette première partie porte un regard large sur les jeunes et si elle souligne leur grande diversité, elle repère aussi un grand nombre de convergences : leur désir d’écoute et de reconnaissance, l’importance de la famille, leur aspiration à être acteurs de la vie de ce monde et de l’Eglise : ils nous l’ont dit : nous sommes l’Eglise !… Les jeunes portent également les mêmes questions sur le travail, la sexualité, la sauvegarde de la création… Ils cherchent quel sens donner à leur vie et sont d’infatigables témoins d’espérance.
2. La famille dans la vie des jeunes
L’Instrumentum Laboris fait mention du lien entre les deux précédents synodes sur la famille et celui-ci (n°11). Mais nous souhaiterions que ce lien soit davantage explicité et que l’importance de la famille réaffirmée, en tant que l’union stable d’un homme et d’une femme, tous les deux ouverts au don de la vie, car la manière dont les jeunes se construisent dépend, pour une large part, de ce qu’ils reçoivent ou non dans leur famille. De même serait-il nécessaire d’avoir des propos qui valorisent l’idéal familial en montrant que la vie de couple et de famille telle que l’Eglise la propose est possible, et quel est un chemin d’accomplissement de sa vocation.
Egalement, parce que la famille n’est pas une abstraction, il faudrait rappeler que si les familles se laissent absorber par le modèle individualiste qui prévaut, elles courent de grands dangers. Les familles qui restent fidèles à leur mission sont celles qui, patiemment, au fil du temps, apprennent à s’accueillir, parents et enfants, à accueillir la vie dans toutes ses formes, et à témoigner de leur amour en s’engageant pour la justice et la dignité de chaque être humain, surtout les plus fragiles. C’est sans doute pour ces raisons que les jeunes, dans leur très grande majorité, restent attachés à la valeur familiale.
3. Une génération «connectée»?
L’Instrumentum Laboris affirme que «la réalité des médias numériques et des réseaux sociaux est omniprésente chez les jeunes» (n°34). C’est oublier que de nombreux jeunes ne sont pas connectés. Nous pouvons dire qu’à l’échelle du monde, selon les pays ou le fait que les jeunes habitent en ville ou en zone rurale, il y a une «rupture numérique».
L’Instrumentum Laboris, tout en soulignant les formidables atouts et potentialités qu’offrent ces médias et réseaux sociaux, en indique bien les limites et les dangers. Que pouvons-nous imaginer pour, sans diaboliser ces nouveaux moyens de communication, former jeunes et adultes qui les accompagnent à être témoin de foi et d’espérance dans les réseaux numériques?
4. Les jeunes migrants
Nous voudrions signaler ici les inquiétudes des communautés chrétiennes du Moyen et du Proche Orient qui s’interrogent sur leur avenir quand elles voient partir leurs jeunes, ainsi que la complexité de la question migratoire. La migration telle qu’elle se déroule aujourd’hui est un phénomène sans précédent. Aux côtés des jeunes migrants, qui partent pour fuir les guerres et les persécutions, il y a ceux qui se laissent séduire par le mirage de l’occident et sont encouragés au départ. Ils ne mesurent pas les conséquences d’une rupture avec leur terre, leur famille, leur culture. Comment l’Eglise peut-elle accompagner ces jeunes afin de leur faire découvrir que Dieu leur ouvre un chemin d’accomplissement dans les pays où ils sont nés? Comment, également, pour les pays qui accueillent de nombreux migrants, aider les fidèles catholiques à vivre l’hospitalité évangélique quand les ressources manquent et que l’équilibre social parait menacé? En Europe tout particulièrement, nous voyons avec inquiétude croître la xénophobie.
Le St-Père, par son appel en faveur de l’accueil des migrants, nous invite à écouter ce que Dieu nous dit à travers eux. Ces jeunes migrants espèrent envers et contre tout. N’est-ce pas là une force que l’Eglise doit voir de manière prophétique? Ces jeunes sont porteurs d’un projet de vie, quand d’autres qui restent chez eux tombent dans la drogue, la violence… Alors comment l’Eglise peut-elle les aider, dans le pays de migration qu’ils ont choisi, à réaliser leur projetjusqu’à, pourquoi pas, leur permettre de découvrir le projet de Dieu sur eux?
5. Bâtir la paix par le dialogue interreligieux, la recherche de l’unité
Nous avons partagé la belle expérience du pré-synode au Liban, qui a réuni des jeunes représentants des diocèses maronites, des pays arabes et de la diaspora, ainsi que des représentants des autres Eglises et des musulmans. Les jeunes catholiques bâtissent des ponts avec les autres traditions religieuses dans de nombreuses initiatives, ainsi qu’avec les autres confessions chrétiennes. Cet appel en rejoint de nombreux autres, dans d’autres pays, qui cherchent à promouvoir le dialogue et le «vivre-ensemble». Il est essentiel que l’Eglise les soutienne.
Nous avons aussi souligné le désir des jeunes de s’engager pour l’unité des chrétiens. Ils sont scandalisés par les divisions. Un souhait a été formulé: Depuis plus de 40 ans, des chrétiens demandent que Pâques soit célébré le même jour. Ce serait un témoignage très fort pour les pays où les chrétiens de diverses confessions vivent proches les uns des autres.
6. Le désir d’authentiques communautés chrétiennes
L’Eglise est le corps du Christ et chacun de ses membres est nécessaire à sa vie et à sa mission (1 Co 12), c’est pourquoi l’expérience communautaire est constitutive de l’identité du disciple du Christ. Or, nous constatons les difficultés que les jeunes rencontrent parfois pour être accueillis et prendre toute leur place dans les communautés chrétiennes (paroisses, mouvements, etc.). Nous devons donc travailler la notion de «communauté» sur un plan théologique et pastoral, afin d’offrir aux jeunes une «Eglise-famille» qui soit leur maison.
Les jeunes sont enthousiastes pour les temps forts ecclésiaux dans lesquels ils communient dans une même foi. Ils sont essentiels pour la croissance dans la foi et l’éveil vocationnel. Par la suite, cependant, certains ont du mal à s’inscrire dans un véritable cheminement spirituel avec d’autres. Aussi est-il nécessaire de mieux articuler ces temps forts avec les propositions faites aux jeunes tout au long d’une année.
[Texte original : Français]
Synode 2018, 9 octobre © Vatican Media
Synode: "Regarder les jeunes pour qu’ils regardent le Christ"
Pour d’authentiques communautés chrétiennes