Eugenia Álvarez Espinoza © Regnum Christi

Eugenia Álvarez Espinoza © Regnum Christi

Interview à Rome d’une conseillère générale des consacrées de Regnum Christi

Eugenia Álvarez : « L’Église est en recherche de ce qu’il y a de plus grand »

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Eugenia Álvarez Espinoza est vénézuélienne. Consacrée de Regnum Christi depuis 25 ans, elle a été appelée à Rome en 2020 pour être conseillère générale de sa Société de vie apostolique au niveau international.

Ayant beaucoup voyagé, Eugenia s’est spécialisée en théologie spirituelle, en vie consacrée et en Exercices ignatiens. Lors de la deuxième session du Synode sur la synodalité en octobre 2024, elle a été facilitatrice de groupes de travail. Zenit l’a rencontrée à Rome.

 

Zenit : Comment avez-vous reçu l’appel à consacrer votre vie au Seigneur ?

500 consacrées réparties dans 52 communautés à travers le monde © Regnum Christi

500 consacrées réparties dans 52 communautés à travers le monde © Regnum Christi

Eugenia Álvarez : J’ai grandi dans une famille catholique au Vénézuéla, à Caracas. Pendant mon adolescence, j’ai fait une expérience forte d’amitié avec le Seigneur, et j’ai pu me mettre en route pour aider les autres grâce à des activités, des bénévolats et des opportunités pour partager ma foi.

À 16 ans, j’ai rencontré le mouvement Regnum Christi, puis je suis allée aux Journées mondiales de la jeunesse en 1997 à Paris, où j’ai vécu une expérience très forte d’Église. Enfin, après ma terminale, j’ai décidé de partir une année en bénévolat à Buenos Aires, en Argentine, et c’est là-bas que j’ai reçu plus clairement l’appel du Seigneur à lui offrir toute ma vie.

Deux choses ont été importantes dans mon cheminement : ma relation personnelle avec Jésus et le désir d’aider les autres. J’ai toujours voulu faire des choses pour les autres, mais c’est difficile de le faire toute seule. Quand j’ai rencontré des personnes engagées à essayer de rendre le monde un peu meilleur, cela m’a beaucoup stimulée.

Zenit : Quelle est la vocation des consacrées de Regnum Christi, et quelle est votre mission à vous, ici à Rome ?

E. Álvarez : Nous sommes aujourd’hui à peu près 500 laïques consacrées au sein de Regnum Christi, et formons 52 communautés réparties dans le monde. Notre charisme est lié au désir de rendre présent le Royaume de Dieu dans le cœur des personnes et dans la société, et cela se fait de différentes façons. Cela touche principalement au partage de la bonne nouvelle de l’Évangile. Dans certains pays, nous avons des établissements scolaires et des universités. Nous accompagnons aussi des personnes et des familles qui cheminent après leur baptême.

En 2020, j’ai été appelée par mes sœurs consacrées au gouvernement de notre groupe, qui est à Rome. Je fais partie du Conseil général au niveau international. Nous sommes 5 conseillères autour de la responsable générale, que nous aidons selon ses priorités. Je suis moi-même responsable de l’assignation apostolique des consacrées et j’aide aussi dans la formation des responsables de communautés.

Ma tâche principale est de donner mon avis et mon consentement pour des sujets importants de la vie de notre institut. Pour cela, je dois lire des documents, prier, réfléchir et exprimer mon avis sur certains sujets qui touchent à l’admission des nouvelles consacrées ou les départs, les distributions des missions, les changements de pays, des décisions qui touchent la partie financière, etc. .

Zenit : Vous animez régulièrement des retraites ignatiennes. D’où vient cet intérêt pour les Exercices spirituels ?

E. Álvarez : Quelques années après mon entrée à Regnum Christi, nous avons vécu une grosse crise interne en apprenant la double vie de notre fondateur. C’était assez difficile. Et chacun de nous a essayé de trouver ce qui pouvait l’aider dans sa relation avec le Seigneur pour grandir dans sa foi, retrouver la paix et la joie.

Lors des travaux de groupes, avec le pape François en octobre 2024 © Vatican Media

Lors du Synode, avec le pape François en octobre 2024 © Vatican Media

J’ai trouvé dans l’accompagnement spirituel et les Exercices ignatiens des ressources très importantes pour ma vie personnelle. J’ai repris mes études de théologie et j’ai approfondi davantage la spiritualité ignatienne. La pédagogie des Exercices spirituels aide à fixer le regard sur Jésus et apprendre à discerner ses appels. Être à l’écoute de l’Esprit Saint, vivre pour lui et être ouverte aux autres, toujours ancrée dans ma propre réalité. Cela m’a apporté énormément pour ma vie, et c’est ce que j’essaie de partager avec les autres.

Ce temps a enrichi ma manière d’accompagner spirituellement. J’ai commencé à donner les Exercices individuellement, puis à des petits groupes pour faciliter le discernement communautaire. Aujourd’hui, je le fais pour des membres de Regnum Christi, mais aussi au-delà de ma famille spirituelle.

Zenit : Comment êtes-vous devenue facilitatrice de groupes de travail lors de la dernière session du Synode des évêques à Rome ?

E. Álvarez : C’était un bel appel et une expérience positive d’écoute et de recherche ! J’ai reçu un jour un courriel du P. Giacomo Costa, secrétaire extraordinaire pour la 16e Assemblée du Synode. Il m’a demandé ce service, me disant que le secrétariat général du Synode avait besoin de facilitateurs extérieurs pour les groupes de travail.

Il m’a expliqué combien il était important d’assurer dans cette démarche synodale un environnement de discernement, focalisé sur la mission de l’Église et l’appel à rendre l’Évangile plus présent dans notre monde, capable de donner la possibilité à tous d’être entendus et écoutés pour construire quelque chose ensemble.

Au début, je sentais que c’était un peu grand, comme demande ! Mais j’ai accepté. Avant de commencer, nous avons reçu quelques outils pour pouvoir animer nos groupes de 12 personnes. J’ai eu deux groupes différents en français, avec au sein de chaque groupe tous les états de vie : des cardinaux, des évêques, des laïcs, des hommes et des femmes. Les personnes ne se choisissaient pas et avaient le même espace de parole. Je peux dire que c’était très touchant de voir toute l’Église représentée qui se rencontre et qui marche ! L’Église avec ses défis, qui a besoin de se purifier, mais qui est en recherche de ce qu’il y a de plus grand, de son appel pour notre temps.

Zenit : Comment avez-vous reçu le Document final du pape François et comment voyez-vous la mise en place des décisions prises ?

E. Álvarez : Ce Document était une confirmation du cheminement de l’Église commencé il y a des années et qui n’est pas achevé. C’est comme si le pape François nous disait qu’on pouvait continuer à marcher sans que tout soit parfaitement clair : apprendre ensemble et laisser les choses mûrir.

La complémentarité des branches au sein de Regnum Christi, avec le P. Paul Habsburg, Légionnaire du Christ © Regnum Christi

La complémentarité des branches au sein de Regnum Christi, avec le P. Paul Habsburg, Légionnaire du Christ © Regnum Christi

Nous sommes maintenant entrés dans une phase d’accompagnement pour la mise en pratique des décisions synodales, ce qui est très important. Parfois, on prend des décisions mais on ne prend pas le temps ni les moyens de les mettre en place. Et si on veut que cela touche la vie de toute l’Église, cela prend beaucoup de temps.

Mais je crois qu’on ne pourra pas facilement revenir en arrière ! Nous avions avant une structure d’Église assez verticale et nous avons commencé à avoir des structures de participation, à s’écouter plus les uns les autres. Ce n’est pas parfait, mais quelque chose a démarré.

Cette démarche synodale est aussi en consonance avec l’Évangile, avec la façon de faire de Jésus et la dimension relationnelle de la foi. En fait, ce n’est pas quelque chose que le pape a inventé ou a créé à partir de rien, c’est quelque chose qu’il a développé d’une façon créative pour nous aider dans une démarche de retour à l’Évangile.

Zenit : Avez-vous des souhaits particuliers pour l’avenir ?

E. Álvarez : J’ai le désir que l’on puisse continuer dans l’élan que le pape François a lancé et que le pape Léon XIV a confirmé pour l’Église. Être proche des plus faibles et des plus petits. Essayer aussi de marcher en regardant Jésus et en nous engageant ensemble dans la réalité de notre monde pour la justice et la paix. Mon souhait est que l’Évangile soit plus présent dans nos vies, dans la vie de la société et dans nos relations. Il me semble que cela est la seule manière d’être crédibles dans notre temps.

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Anne van Merris

Journaliste française, Anne van Merris a été formée à l'Institut européen de journalisme Robert Schuman, à Bruxelles. Elle a été responsable communication au service de l'Église catholique et responsable commerciale dans le privé. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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