Rome est le théâtre d’un phénomène spirituel exceptionnel et extraordinaire. Depuis l’inauguration de l’Année jubilaire, la veille de Noël 2024, plus de 10 millions de pèlerins sont arrivés dans la ville, transformant ses rues anciennes en un véritable corridor mondial de la foi. Ce mouvement, initié sous la bénédiction du défunt pape François, s’est transformé en une extraordinaire vague d’espérance collective, et les autorités vaticanes prévoient que plus de 30 millions de pèlerins franchiront les Portes Saintes de Rome avant la clôture du Jubilé, le 6 janvier 2026.
Mais les chiffres ne racontent qu’une partie de l’histoire. Il ne s’agit pas de tourisme déguisé en vêtements liturgiques. C’est quelque chose de plus intime et urgent. Les pèlerins qui arpentent les chemins pavés de Rome ne se contentent pas de visiter des lieux d’intérêt spirituel, mais portent aussi le poids d’un monde en détresse. Les guerres persistent, l’anxiété écologique s’accentue et le cynisme politique ronge de nombreuses sociétés. Face à ce malaise, l’Église a réintroduit un baume ancestral : le Jubilé.
Ancré dans la notion vétérotestamentaire de temps sacré et de renouveau, le Jubilé est l’invitation de l’Église catholique, renouvelée tous les 25 ans, à redécouvrir un chemin de miséricorde, de pardon et de libération spirituelle. C’est un temps où les dettes, qu’elles soient financières ou spirituelles, sont réévaluées et où les torts anciens peuvent être réparés. Le pape François a inscrit cette itération dans le thème « Pèlerins de l’espérance », appelant les croyants à vivre un optimisme exigeant, fondé non sur les circonstances, mais sur la foi.
Rome, en tant qu’épicentre de la célébration, a revêtu un rôle symbolique renouvelé. Les pèlerins franchissent les Portes Saintes des quatre basiliques principales de la ville – Saint-Pierre, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure – non seulement pour franchir un seuil de pierre, mais pour vivre un voyage intérieur plus profond. L’acte de pèlerinage, souvent sous-estimé dans l’imaginaire profane, est devenu un geste prophétique dans une culture marquée par le désengagement.
Les mois à venir promettent un dynamisme spirituel encore plus grand. Fin juin, Rome accueillera le Jubilé des Prêtres, qui réunira des prêtres du monde entier pour trois jours de réflexion et de fraternité. Mais c’est le Jubilé des Jeunes, prévu du 28 juillet au 3 août, qui pourrait être le moment le plus intense. Des chercheurs de l’Université catholique du Sacré-Cœur estiment que plus d’un million de jeunes pourraient participer à cette semaine de célébration et de discernement, un signe fort que l’avenir de l’Église ne se réduit pas, mais s’élargit.
Ce pèlerinage en cours transforme bien plus que le calendrier de l’Église. C’est aussi une réponse discrète à la fragmentation du monde moderne.
