À l’ère des liturgies diffusées en direct et des dévotions numériques, une mélodie ancienne a capté de manière inattendue l’attention du monde entier. Le dimanche 11 mai, le pape Léon XIV s’est tenu devant des milliers de personnes rassemblées sur la place Saint-Pierre et a chanté le Regina Caeli depuis le balcon central de la basilique : un geste simple qui a résonné bien au-delà des pavés du Vatican. Lorsqu’il a répété ce chant le dimanche suivant, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une décision ponctuelle, mais d’une déclaration d’intention.
Pour le dominicain Robert Mehlhart, président de l’Institut pontifical de musique sacrée, ce moment a été électrisant. Parmi les réactions de la foule – silence révérencieux, larmes aux yeux, voix hésitantes – il a remarqué autre chose : de nombreux fidèles voulaient chanter avec le pape, mais ne savaient pas comment.
Cette observation est à l’origine d’une initiative liturgique numérique qui s’étend désormais à tous les continents. Intitulée « Chantons avec le pape », une série de tutoriels de chant créés par M. Mehlhart et présentés par l’Institut est devenue un phénomène inattendu, avec des centaines de milliers de vues en ligne. L’objectif est ambitieux et profondément pastoral : doter les catholiques ordinaires des outils dont ils ont besoin pour participer activement et musicalement aux moments les plus sacrés de l’Église.
Les tutoriels, postés sur les réseaux sociaux de l’Institut, enseignent des pièces simples et faciles à chanter de la tradition grégorienne de l’Église, dont beaucoup sont utilisées lors des messes papales et des célébrations officielles. Chaque vidéo est réalisée avec clarté et soin, conçues pour ceux qui n’ont peut-être jamais lu une seule note de musique. La réponse a été incroyable. Ce qui a commencé comme une ressource pour 153 étudiants de 44 pays étudiant à l’Institut touche maintenant une congrégation mondiale d’étudiants enthousiastes.
Selon l’Institut, la mission du projet n’est pas seulement éducative, mais aussi spirituelle. Le chant grégorien, souvent considéré comme la langue musicale maternelle de l’Église, est plus qu’un simple son, c’est une prière. « Nous espérons que cet héritage sera accessible à tous, et pas seulement aux chorales ou aux professionnels », a déclaré Mehlhart lors d’une interview. « Il ne s’agit pas d’interprétation. Il s’agit de participation. C’est une question d’amour. »
Les racines théologiques du projet sont profondes. « Les chrétiens chantent », a ajouté Mehlhart en citant Saint Augustin. « Les amoureux chantent, et les chrétiens sont des amoureux parce qu’ils aiment Dieu. Dans cet esprit, même ceux qui se sentent inexpérimentés en musique sont encouragés à se joindre au projet. L’accent, insiste Mehlhart n’est pas mis sur le ton, mais sur la présence. C’est la voix de l’Église, rassemblée et vivante.
Alors que beaucoup s’attendaient à ce que le pontificat du pape Léon XIV mette l’accent sur la continuité avec son prédécesseur, l’accent mis dès le début sur le chant donne un ton distinctif, qui transforme discrètement la vie liturgique. Dans un monde souvent divisé par le bruit, la décision du pape d’élever sa voix dans le chant pourrait bien être l’une des décisions les plus unificatrices qui soient. Et grâce à un frère dominicain doté d’un smartphone et d’une vision, toute l’Église est invitée à chanter.