Avec plus de 1,4 milliard d'habitants, l'Inde est le pays le plus peuplé du monde © Bigstock

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La religion est la question démographique la plus brûlante de l’Inde 

L’Inde est le pays le plus peuplé du monde

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ZENIT – MercatorNet / Virginia, 26 février 2025

par Louis T. March

L’Inde possède la troisième plus grande population musulmane au monde (près de 200 millions), derrière le Pakistan et l’Indonésie. Les politiciens locaux du BJP (parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party) expriment fréquemment des sentiments antimusulmans, bien que la direction du parti, sous la houlette du premier ministre Narendra Modi, mette l’accent sur la tolérance religieuse. Les musulmans sont sceptiques.

Dans la plupart des pays, si le mot « démographie » est prononcé, personne ne lève les yeux au ciel. Pourtant, à l’autre bout du monde, le sujet suscite de nombreuses controverses, notamment au sein de la classe politique indienne. 

Un colosse sous-continental 

Avec plus de 1,4 milliard d’habitants, l’Inde est le pays le plus peuplé du monde. L’indice synthétique de fécondité (ISF) est de 2,0 et diminue lentement, soit 5 % de moins que le niveau de remplacement. L’Inde est également en train de devenir un acteur de premier plan sur la scène mondiale. Le dividende démographique (une population en âge de travailler disproportionnée) repose sur ses épaules. Membre fondateur de l’alliance des BRICS, l’Inde est une source importante de main d’œuvre bon marché. Tout comme les indiens sous contrat sont venus en Guyane et en Afrique du Sud pour travailler dans les champs de canne à sucre, ils sont aujourd’hui dans les États du Golfe et ailleurs pour travailler sur des projets de construction gigantesques. 

L’Inde est également un « intermédiaire » dans le commerce mondial : d’énormes quantités de pétrole russe sanctionné sont vendues à l’Inde, puis raffinées et revendues à l’Europe. Le contournement des sanctions est une situation gagnant-gagnant pour les deux pays. Si le gouvernement indien est un adepte des négociations mondiales, il est aussi pratiquement obsédé par la démographie du pays, mais pas de la manière dont les occidentaux pourraient s’y attendre. En Inde, la religion est la question démographique la plus brûlante.

L’histoire 

L’Inde était le « joyau de la couronne » de l’Empire britannique, de loin la possession coloniale la plus importante et la plus productive du Royaume-Uni, exportant d’énormes quantités de thé, de coton, d’épices, d’indigo et d’autres produits agricoles. À partir de la mutinerie de Sepoy (1857), également connue sous le nom de première guerre pour l’indépendance de l’Inde, l’Empire britannique a commencé à perdre son emprise. Les raisons de la révolte sont nombreuses, mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est d’ordre religieux : l’introduction de nouveaux fusils et cartouches pour les troupes indiennes qui auraient été graissés avec du saindoux et du suif de bœuf, ce qui était très offensant pour les musulmans et les hindous. 

La rébellion a été brutalement réprimée. Le Raj britannique supplanta la Compagnie des Indes orientales, mais le mal était fait. Après la seconde guerre mondiale, l’Empire britannique épuisé, confronté à un nationalisme indien croissant, a réalisé que le maintien de la domination britannique n’était pas une option. Lord Louis Mountbatten fut chargé d’élaborer un plan d’indépendance. La puissante ligue musulmane a insisté sur la création d’un État musulman ; le sous-continent fut donc divisé entre le Pakistan musulman et l’Inde hindoue.

La partition a commencé en août 1947 et a déclenché la plus grande migration de masse de l’histoire. Des millions de musulmans se sont dirigés vers le Pakistan, tandis que des millions d’hindous et de sikhs ont gagné l’Inde. Avec 15 millions de personnes déplacées, une crise des réfugiés s’est ensuivie ; on estime à 2 millions le nombre de morts. La partition a cimenté une animosité durable entre hindous et musulmans. Cet antagonisme religieux profondément ancré continue de prospérer aujourd’hui et semble s’intensifier. 

La religion

 Dans les années 1990, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) est apparu comme un défenseur des droits des hindous. Après de brefs passages au gouvernement, le BJP a obtenu une nette majorité parlementaire en 2014 et a consolidé son pouvoir. Le BJP prône l’hindutva, la doctrine de l’hégémonie politique et religieuse des hindous et de la religion hindoue. Ce sont des considérations démographiques qui encouragent la préoccupation généralisée pour les « droits des hindous ».

Le premier recensement de l’Inde (1951) a révélé que 84,1 % de la population était hindoue et 9,8 % musulmane. Lors du dernier recensement national (2011 ; le recensement de 2021 a été reporté en raison de la crise du COVID-19), les hindous représentaient 79,8 % de la population, les musulmans 14,2 %, les chrétiens 2,3 % et les sikhs 1,7 %. Le déclin lent mais constant du pourcentage d’hindous en Inde est une source d’inquiétude pour la majorité religieuse hindoue. Cette évolution significative est due à la différence de taux de fécondité entre les hindous et les musulmans. En outre, l’indice total de fécondité au Pakistan musulman est de 3,4, soit près de 60 % de plus qu’en Inde (2,0).

En 2020, l’enquête de la World Religion Database (citée par le département d’État américain) situait les hindous à 72,4 %, les musulmans à 14 %, les chrétiens à 4,8 % et les sikhs à 1,8 %. Ce rapport a encore choqué le BJP, car il fait état d’une réduction encore plus importante du pourcentage d’hindous, alors que plus d’un quart des indiens appartiennent à d’autres religions. 

L’enquête nationale indienne sur la santé familiale (NFHS-5), menée entre 2019 et 2021, a fait état d’ISF différentiels : 

Le différentiel de fécondité entre les hindous et les musulmans (les deux principaux groupes religieux en Inde) a toujours suscité la controverse parmi les universitaires et les décideurs politiques. Selon la NFHS-5, l’indice synthétique de fécondité chez les hindous est estimé à 1,9, alors qu’il est de 2,4 chez les musulmans.

Alors que la population musulmane de l’Inde n’est que de 14 %, une baisse de 10 % de la population hindoue et une différence de 20 % dans le taux de fécondité total entre les musulmans et les hindous sont très inquiétantes pour les défenseurs de l’hindutva. Mais ces taux différentiels sont en train de converger. En 1992, la différence dans l’indice total de fécondité était de 1,11. En 2019, il était de 0,42. Tout indique que cette tendance va se poursuivre. Le contrôle des naissances est un facteur important. 

Tensions sectaires 

Au début du mois, le journal Business Standard indien a rapporté les conclusions d’une étude de l’université Jawaharlal Nehru, intitulée « La migration illégale modifie la démographie de Delhi et a un impact sur les sondages : rapport de la JNU ; le rapport de la JNU sur la démographie de Delhi indique une forte augmentation de la population musulmane en raison de la migration en provenance du Bangladesh ». Selon le rapport, « la création de documents d’identification frauduleux porte atteinte à l’intégrité des systèmes juridiques et électoraux ».

L’étude note également une nette augmentation de la population musulmane due à la migration en provenance du Bangladesh, ce qui suggère que ces changements démographiques ont contribué à modifier le paysage sociopolitique de la ville. L’Inde compte la troisième plus grande population musulmane au monde (près de 200 millions), derrière le Pakistan et l’Indonésie. Les politiciens locaux du BJP expriment souvent des sentiments antimusulmans, bien que la direction du parti, sous la houlette du premier ministre Narendra Modi, mette l’accent sur la tolérance religieuse. Les musulmans sont sceptiques.

En 2021, le Pew Research Center a publié une étude intitulée « la religion en Inde : tolérance et ségrégation ». En Occident, la tolérance et la ségrégation sont considérées comme incompatibles, bien que des commentateurs indiens aient déclaré que le maintien de la ségrégation religieuse était le moyen de prévenir la violence sectaire.

Le concept indien de tolérance religieuse n’implique pas nécessairement le mélange des communautés religieuses… De nombreux Indiens semblent préférer un pays qui ressemble davantage à un patchwork, avec des lignes de démarcation claires entre les groupes. 

Près des deux tiers des hindous (64 %) déclarent qu’il est très important d’être hindou pour être « vraiment » indien.

Parmi les électeurs hindous du BJP qui associent l’identité nationale à la religion et à la langue, 83 % déclarent qu’il est très important d’empêcher les femmes hindoues d’épouser une personne d’une autre religion. 

Les trois quarts des musulmans indiens (74 %) sont favorables à l’accès au système judiciaire des tribunaux islamiques (charia).

Certains commentateurs indiens ont exprimé leur opposition aux tribunaux islamiques ainsi que des sentiments négatifs plus généraux à l’égard des musulmans, décrivant le nombre croissant de dar-ul-qaza (tribunaux islamiques) comme la « talibanisation » de l’Inde.

 La constitution indienne désigne le pays sous les noms d’Inde, de Bharat et d’Hindoustan (terre des Hindous). Une grande majorité d’indiens confondent l’identité nationale avec l’identité hindoue. Ils pensent que les hindous sont les « vrais indiens ».

Les perceptions 

Dans les pays occidentaux, lorsque vous marchez dans la rue, les gens remarquent la couleur de la peau et les caractéristiques socio-économiques telles que la tenue vestimentaire, le style et le comportement. Il s’agit d’observations occasionnelles et innocentes, de premières impressions. Toutefois, dans certains pays non occidentaux, les passants remarquent les caractéristiques religieuses. C’est notamment le cas au Moyen-Orient et, dans une large mesure, en Inde. Les Indiens sont beaucoup plus religieux que les occidentaux. La religiosité est utilisée comme une arme à des fins politiques. La crainte des hindous d’une Inde à majorité musulmane est réelle. Ce sentiment alimente le soutien au parti au pouvoir, le BJP. 

Poonam Muttreja, directrice exécutive de la fondation indienne pour la population, affirme que la population musulmane de l’Inde atteindra un maximum de 18 % d’ici la fin du siècle, de sorte que les affirmations des militants hindous selon lesquelles le pays est sur la voie d’une majorité musulmane ne sont pas fondées. Selon M. Muttreja, la convergence lente mais certaine des taux de mortalité totaux différentiels entre les musulmans et les hindous garantira le maintien de la majorité hindoue. Pourtant, il s’agit d’une voix académique perdue dans le désert, alors que la place publique est inondée d’avertissements sur la « talibanisation », la loi de la charia et le terrorisme islamique.

Selon Mme. Muttreja, « une fois que les taux de fécondité ont chuté, ils ne remontent jamais, quelles que soient les politiques mises en place par les gouvernements ». Elle cite les batailles perdues jusqu’à présent pour rétablir la fécondité à un niveau de remplacement dans des pays comme la Russie, la Chine et le Japon. Si ces initiatives n’ont eu qu’un succès limité, voire nul, la bataille contre le déclin de la fécondité ne fait que commencer. La prise de conscience de l’effondrement démographique n’a pas encore eu lieu et les changements positifs, s’ils se produisent, prendront des décennies.

Pour comprendre l’importance de la démographie dans la vie quotidienne, il suffit d’étudier l’Inde, où la religion peut être une question de vie ou de mort.

Mon conseil : gardez la foi, tolérez et respectez les autres et ayez une tolérance zéro pour le mal. Si nous étions plus nombreux à le faire, nous aurions un monde meilleur.

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