Première publication le 23 décembre 2024 par AD EXTRA
Malgré les améliorations économiques progressives au Sri Lanka depuis la crise financière majeure de 2022, les difficultés financières persistent pour les habitants les plus précaires comme les communautés de pêcheurs, qui attendent les fêtes de Noël entre espoir et inquiétude. D’autant plus que ce mois de décembre, le gouvernement a interdit temporairement la pêche au passage du cyclone Fengal, ce qui a affecté de nombreux paroissiens de Negombo, un bastion catholique au nord de Colombo.
Chaque matin, la cloche de l’église catholique Sainte-Marie réveille Jossy et la plupart des catholiques de son quartier. La modeste maison de cette femme de 65 ans se trouve à proximité de cette église de Negombo, un bastion catholique situé à environ 35 kilomètres de la capitale sri-lankaise, Colombo. Chaque matin, sauf le dimanche, Fernando, le mari de Jossy, âgé de 70 ans, l’emmène sur son vieux vélo jusqu’au marché animé de Negombo, où elle vend du poisson.
Fernando est menuisier mais n’a ni travail régulier ni revenu fixe. Son âge avancé l’empêche également de travailler aussi longtemps et durement qu’avant. Malgré leur âge, tous deux travaillent pour subvenir à leurs besoins, et pour aider leur fils et leurs deux filles en cas de difficultés financières. Cependant, les prises de pêche réduites, que Jossy attribue notamment au changement climatique, compliquent encore davantage les choses. Ses inquiétudes augmentent à l’approche de Noël, lorsque ses petits-enfants espèrent des cadeaux et des fournitures scolaires.
« À l’approche de Noël, les prises limitées deviennent une source d’inquiétude supplémentaire », confie Jossy. Auparavant, elle gagnait environ 3 000 roupies par jour (11 dollars US), mais elle peine aujourd’hui à en gagner la moitié. Les prises réduites entraînent une hausse des prix du poisson, ce qui fait baisser les ventes et les bénéfices. Ce mois de décembre, les prises ont encore diminué alors que le gouvernement a imposé une interdiction temporaire de la pêche à la suite du cyclone Fengal, qui a frappé les côtes sri-lankaises début décembre, causant 16 morts et affectant environ 441 000 habitants.
La tâche est monumentale pour le nouveau gouvernement
Le Sri Lanka figure parmi les dix pays les plus vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes. En 2023, les données publiées montrent que 17 % de la population a connu l’insécurité alimentaire après que le pays a commencé à traverser une crise économique sans précédent en 2019. Avec la hausse des prix des produits essentiels tels que le riz, les femmes sri-lankaises comme Jossy, en particulier parmi les communautés de pêcheurs, doivent relever d’immenses défis pour soutenir leurs familles.
Malgré les améliorations économiques progressives rapportées par le Fonds monétaire international (FMI), les effets de la crise financière persistent. Le pays s’est retrouvé en situation de faillite avec une dette extérieure de plus de 83 milliards de dollars, ce qui a conduit à des protestations massives et à la démission de hauts responsables, y compris l’ex-président Gotabaya Rajapaksa.
Des efforts ont été entrepris afin de stabiliser l’économie sous l’égide de son successeur Ranil Wickremesinghe (à la tête de l’État de 2022 à septembre 2024), mais les taxes élevées, le coût de la vie et le chômage continuent d’affecter de nombreux citoyens. Le nouveau gouvernement du président Anura Kumara Dissanayaka a promis une réforme économique, mais les observateurs estiment que la tâche est monumentale.
Le taux de chômage du Sri Lanka était de 6,36 % en 2023, et de nombreux jeunes professionnels ont émigré à l’étranger en raison de la crise économique. La situation actuelle est donc toujours problématique.
« Dieu a été avec nous à travers toutes nos épreuves »
Les traditions de Noël continuent dans la vie familiale et communautaire des catholiques de Negombo, même si les difficultés économiques rendent ces célébrations de plus en plus difficiles à financer. Durant des périodes plus aisées, les familles préparent Noël avec des plats tels que du riz à la noix de coco et aux crevettes. Mais cette année, les difficultés financières les empêcheront de célébrer les fêtes l’esprit tranquille, d’autant plus que l’incapacité d’offrir des aides alimentaires aux proches renforce les sentiments de perte et d’isolement.
Dans ce contexte, le père Srikantha Fernando, curé de la paroisse de Notre-Dame des Douleurs de Kadawala, à Negombo, a encouragé les paroissiens à préparer des colis de rations sèches qu’ils pourront distribuer aux pauvres à Noël. « Des milliers de personnes souffrent des difficultés économiques du pays. En tant que communauté, nous devons les aider, surtout à Noël », a déclaré le prêtre à l’issue de la messe dominicale du 15 décembre.
Environ 70 % des 21 millions d’habitants du Sri Lanka sont bouddhistes, 13 % sont hindous, 10 % sont musulmans et 7 % sont chrétiens. Malgré les difficultés financières, de nombreuses familles chrétiennes poursuivent la tradition des crèches à l’aide de matériaux locaux, illustrant leur ingéniosité et leur esprit communautaire. Ainsi, une paroissienne, Chisty, a réalisé une crèche avec des feuilles de cocotier, de la paille et d’autres matériaux, en impliquant tout son village. « Cette crèche est faite chaque année grâce aux contributions de tous les habitants », explique Christy, 49 ans. Elle ajoute que chaque soir durant le temps de Noël, les femmes du village se rassemblent autour de la crèche pour prier, tandis que les pêcheurs, selon la tradition, y prient avant de partir en mer à l’aube. De son côté, Jossy croit fermement que Dieu et la Vierge Marie continueront de guider et protéger les Sri-Lankais malgré les défis à venir : « Dieu a été avec nous à travers toutes nos épreuves, de la pandémie de Covid à l’effondrement économique, en passant par les attentats de Pâques 2019 et toutes nos autres luttes. »
(Avec Ucanews)