Première publication le 13 décembre 2024 par AD EXTRA
Mgr Pablo Virgilio David, créé cardinal ce samedi 7 décembre au Vatican lors du consistoire ordinaire public, âgé de 65 ans et originaire de la province philippine de Pampangue, est le premier de son diocèse de Caloocan (Grand Manille) à recevoir la barrette cardinalice. Le président de la Conférence épiscopale philippine (CBCP) refuse le statut « princier » souvent lié au cardinalat, comme le fait d’être appelé « éminence » : « Honnêtement, je suis même scandalisé par cela », confie le bibliste, dont la devise épiscopale est « kénose ».
Le 7 décembre durant le consistoire pour la création de 21 cardinaux, Mgr Pablo Virgilio David est devenu le premier Philippin non-archevêque à être élevé au rang de cardinal, le premier de son diocèse de Caloocan (Grand Manille) à recevoir la barrette cardinalice, et le premier président en exercice de la Conférence épiscopale philippine (CBCP) à être créé cardinal, alors que trois de ses prédécesseurs le sont devenus avant d’avoir été élus par leurs pairs à la tête des évêques philippins.
Mais l’évêque de 65 ans, natif de Betis (province de Pampangue), refuse l’idée d’atteindre un statut « princier », entre la soutane rouge, la barrette et le fait d’être appelé « éminence » – un titre et une dignité institués par le pape Urbain VIII en 1630. « Honnêtement, je suis scandalisé par cela. C’est l’une des choses que je souhaite voir disparaître de l’Église », a-t-il déclaré, interrogé par CBCP News. Mgr David, qui est le second cardinal originaire de la province de Pampangue après Mgr Rufino Santos (qui fut le premier cardinal philippin en 1960), préfère être appelé « Ambo », son surnom, accolé au titre « Apu » (qui signifie « grand-père » dans sa langue natale pampangue).
Le pape Benoît XVI l’a nommé évêque auxiliaire en 2006
Le choc de l’annonce de sa création comme cardinal, annoncée le 6 octobre par le pape François, est toujours frais dans son esprit, en répondant aux questions de CBCP News dans la bibliothèque nouvellement rénovée du Collège pontifical philippin – qui héberge les membres clergé philippin inscrits dans les universités romaines. Le président de la CBCP a posé sa marque durant le Synode sur la synodalité, en appelant à des prises de décision plus inclusives au sein d’une organisation hiérarchique telle que l’Église, où les prêtres et les évêques au-dessus d’eux ont souvent le dernier mot. Le synode a défini la « synodalité » comme « les chrétiens qui marchent ensemble avec le Christ vers le Royaume de Dieu, en union avec toute l’humanité ».
Mgr David reconnaît qu’il devra s’habituer aux protocoles et cérémonies tout comme l’a fait le pape François, non seulement en tant que chef spirituel mais aussi comme chef temporel qui reçoit régulièrement des chefs d’État et autres personnalités au Palais apostolique. D’après James-Charles Noonan, historien et auteur d’un livre sur le protocole de l’Église, techniquement, les cardinaux surclassent tout le monde excepté les empereurs, les rois et les princes héritiers.
Le nouveau cardinal David, éduqué par les jésuites à l’université Ateneo de Manille, par les théologiens de Louvain en Belgique, et par les dominicains français à l’École biblique de Jérusalem, était parti pour une vie d’étude comme professeur bibliste dans l’archidiocèse de San Fernando, dans sa province de Pampangue. Mais le pape Benoît XVI l’a nommé évêque auxiliaire en 2006, amorçant une chaîne d’événements qui l’ont conduit à s’élever au premier plan dans l’Église universelle. Le rôle d’auxiliaire lui a permis de continuer d’enseigner pour un temps les études bibliques au séminaire, en particulier l’Ancien Testament.
« C’est vraiment cela notre appel »
Le terme « Kénose », sa devise épiscopale, semblait un présage pour ce qui devait suivre. Il signifie s’abaisser pour recevoir la volonté de Dieu. Selon Mgr David, l’ancien nonce aux Philippines, Mgr Fernando Filoni, aujourd’hui cardinal, aurait déclaré une fois que la croix que les évêques signent devant leurs noms signifie « vous êtes pour ainsi dire mort dès que vous acceptez d’être évêque ». Dix ans plus tard, Mgr David est devenu le second évêque de Caloocan, ce qui l’a placé au cœur de la pastorale des pauvres du Grand Manille, ce qui lui a donné, des années plus tard, une perspective enrichie sur la question des marginalisés au Synode sur la synodalité.
En 2019, Mgr David a été ciblé avec trois autres évêques par l’ex-président philippin Rodrigo Duterte, qui les a accusés de sédition entre autres (avant d’y renoncer faute de fondement). L’évêque, engagé dans l’action sociale depuis ses années étudiantes quand il s’était opposé à la dictature Marcos, est devenu un des plus fervents opposants à la guerre contre la drogue lancée par Duterte en 2016, dont les victimes étaient avant tout parmi les plus pauvres.
En 2017, il a enterré Kian Loyd de los Santos, un jeune de Caloocan qui est devenu un symbole des exécutions extrajudiciaires menées par les « escadrons de la mort » de Duterte. La mort de l’adolescent de 17 ans a mis en colère de nombreux Philippins et fait basculer l’opinion publique contre la guerre contre la drogue. Mgr David a reçu de nombreuses menaces. « C’est vraiment cela notre appel. Mais nous ne reculerons pas devant le danger », a-t-il commenté.
« Je vais seulement continuer de servir comme évêque à Caloocan »
Pour l’instant, Mgr David s’attend à rester assigné à sa cathédrale San Roque de Caloocan. Le siège de Caloocan a été érigé en 2003, à partir du territoire de Manille qui a été divisé en plusieurs diocèses vers la fin de l’épiscopat du cardinal Sin. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’autre tâche particulière qui attende le nouveau cardinal, à part celle d’être membre d’un conseil chargé d’appliquer le processus synodal.
« Je pense que je vais seulement rester à Caloocan, et continuer de servir comme évêque dans l’Église locale. Mais être cardinal vous donne un certain statut, donc cela s’ajoute à mes responsabilités d’évêque de Caloocan, de président de la Conférence épiscopale et de vice-président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie », a-t-il ajouté. Mais sa mission est désormais étroitement liée à celle du pape. C’est la seconde fois que le pape a profondément changé sa vie, a-t-il remarqué.
« Sur ce pivot repose symboliquement la relation entre le Ciel et la Terre »
Après avoir rencontré le pape en octobre lors de l’assemblée synodale, il a souligné que comme lui, il reste évêque, le terme « pontife » signifiant littéralement « qui fait le pont (sacré) ». Mgr David cite son passage préféré de l’Ancien Testament, Genèse 28, dans lequel Jacob rêve d’un escalier reliant le ciel et la terre, où les anges montent et descendent et le Seigneur se trouvant au sommet.
Ce symbolisme, selon James-Charles Noonan Jr, est également enraciné dans les termes latins desquels dérive le mot « cardinal » : cardo et cardinis, qui signifient « charnière », « pivot » ou « tenons ». « Sur ce pivot, qui est une toute petite pièce [constituant le support ou l’extrémité de l’axe autour duquel tourne un corps], repose symboliquement la relation entre le Ciel et la Terre, entre le Christ et son Église sur Terre », écrit James-Charles Noonan dans son livre sur « l’Église visible, la vie cérémoniaire et le protocole de l’Église catholique ».
Mgr David, bibliste, pasteur et aujourd’hui cardinal, voudrait étendre ce « pont » vers le reste de l’humanité en proie aux divisions politiques, sociales et économiques. « Si le Christ est le pont, alors nous devons tous devenir des bâtisseurs de ponts. Le Seigneur a franchi l’abîme immense entre le ciel et la terre, pour que nous puissions apprendre à traverser le gouffre qui nous sépare », a-t-il expliqué.
(Avec CBCP News, Felipe Salvosa)