Dimanche XVIII du Temps ordinaire – Année B – 4 août 2024
Ex 16,2-4.12-15 ; Ps 77 ; Eph 4,17.20-24 ; Jn 6,24-35
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Le problème est que l’on cherche le don de Dieu et non Dieu comme don.
L’Évangile de ce XVIIIème dimanche du Temps Ordinaire nous parle de Jésus qui invite les gens à ne pas chercher en Lui seulement la personne qui nourrit le corps, mais surtout l’esprit et il dit de lui-même : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim » (Jn 6, 35). Ce Pain est étrange : contrairement à tout autre pain, ce n’est pas la personne qui l’assimile à lui-même, mais c’est le Pain lui-même qui nous assimile à Sa nature : « Nous devenons ce que nous mangeons » (Saint Ambroise de Milan). Le Christ nous fait devenir comme Lui.
Jésus est la nourriture de l’éternité dont nous devons aller à la recherche continuellement et sans laquelle la vie n’a pas de sens ou, en tout cas, perd sa valeur et sa consistance. Ce n’est que dans le Pain de Vie que nous avons une vie qui dure pour toujours.
C’est la nourriture dont le monde a vraiment besoin. C’est une nourriture qui ne périt pas et qui empêche de périr. Dans le pain humain il y a la joie, l’effort et l’amour humain, dans le pain divin il y a la joie, l’effort et l’amour divin, qui nous fait vivre l’Eucharistie. Et vivre l’Eucharistie ne signifie pas seulement « remercier », mais également partager.
Quand le cœur de l’homme est alimenté avec le Pain du Ciel, ce cœur fait en sorte qu’il y ait du pain pour tous.
Dieu nous nourrit et à travers nous nourrit le monde. En nous nourrissant de lui-même, le Christ fait une action de Dieu. Il offre des bouchées de vie aux crampes de notre faim : celle du corps et celle du cœur que le pain de la terre ne peut rassasier. Nous, pauvres êtres humains, nous cherchons un pain qui ne fasse pas mourir : le Pain du Ciel, la nourriture de l’âme. En faisant la communion, nous « épaississons » la Vie, et nous sommes rassasiés d’amour.
L’important est de comprendre que ce Pain est un don immense qui vient d’un Dieu qui ne demande pas, mais donne, qui ne prétend pas mais offre, qui n’exige rien, mais donne tout. Non seulement Il donne quelque chose, mais Il se donne lui-même.
Avec l’Eucharistie, notre vie sur terre et notre vie au ciel se croisent, et en nous entre un courant d’amour qui fait fleurir les racines du cœur.
Par conséquent, la chose la plus urgente à faire pour chaque chrétien est de communier fréquemment et de « dépenser » son temps quotidien à recueillir les fragments du Pain céleste, qui sont aussi dans la Parole et dans les sacrements, afin de pouvoir les semer – à leur tour – continuellement dans les champs du monde.
Notre vie a besoin de devenir Eucharistie, qui veut dire merci, mais c’est un merci spécial, car à l’œuvre de l’homme se joint l’amour de Dieu, qui rend le cœur juste en le remplissant de miséricorde. Pour qu’il y ait justice parmi les hommes, doit d’abord germer dans les cœurs la justice miséricordieuse que ne peut grandir sans la nourriture vitale du Pain de Vie.
Sans ce pain, l’homme ne vit pas dans la vérité et dans l’amour. Il utilise toute la création pour se détruire. En partageant le pain eucharistique nous pouvons partager l’autre pain en apportant le Christ au pauvre, qui aspire à la nourriture mais aussi à l’amour.
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L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qui l’a envoyé (Jn 6, 29).
Dans le premier paragraphe, j’ai donné des éléments de réflexion pour comprendre l’affirmation du Christ : « Je suis le Pain de Vie », mais il y a une autre phrase de l’Évangile d’aujourd’hui qui est utile pour bien comprendre : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qui l’a envoyé » (Jn 6, 29).
Parmi les divers débats sur la croyance et la pratique, sur la moralité et la justice, l’Évangile d’aujourd’hui est comme si on demandait : « Nos œuvres ‘en qui’ sont-elles faites ? Dans l’Évangile de Jean foi et œuvres coïncident presque : l’œuvre par excellence, en effet, c’est croire. C’est l’œuvre « faite en Dieu » qui ouvre la porte de la vie à la lumière. Croire, c’est avoir confiance en Jésus Christ. Croire, c’est demeurer dans le Seigneur. Tout dans l’évangile de Jean conduit à une relation d’intimité avec Jésus. Voir c’est croire, et croire c’est être profondément et indissolublement uni à Lui. Croire en Jésus Christ coïncide avec le fait d’être en Lui.
Saint Augustin explique à ce propos : « Jésus n’a pas dit de le croire ni de croire ce qu’on dit de lui, mais de croire en lui…. Donc, si nous voulons accomplir l’œuvre de Dieu, puisque l’œuvre de Dieu consiste effectivement en ceci : croire en celui qui justifie l’impie ». Puis Saint Augustin ajoute : « Le Seigneur ne voulait pas distinguer la foi des œuvres, mais il a défini la foi elle-même comme une œuvre. Car la foi c’est agir par le biais de l’amour (cf. Ga 5, 6) ». Que notre œuvre consiste à croire au Christ avec une confiance aimante et un abandon total, et à nous nourrir de Lui. Jésus, le vrai pain de vie qui étanche notre soif de sens et de vérité, ne peut « se gagner » par le travail humain. Il ne vient à nous que comme un don de l’amour de Dieu, comme une œuvre de Dieu à demander et à accueillir.
Un exemple de vie eucharistique laborieuse, c’est-à-dire d’une vie passée à remercier Dieu et partager chastement Son amour avec son prochain, nous vient des Vierges consacrées.
La consécration virginale reçoit son sens de la référence au Christ, vivant et présent dans le sacrement de l’Eucharistie. Comme le Pape émérite Benoît XVI l’a enseigné en écrivant : « En plus du lien avec le célibat sacerdotal, le Mystère eucharistique a aussi un rapport intrinsèque avec la virginité consacrée, en tant qu’elle est expression du don exclusif de l’Église au Christ, qu’elle accueille comme son Époux avec une fidélité radicale et féconde. Dans l’Eucharistie, la virginité consacrée trouve inspiration et nourriture pour sa donation totale au Christ » (Sacramentum caritatis, n. 81).
Recevant le Christ comme inspiration et nourriture, la Vierge consacrée se nourrit quotidiennement de l’Eucharistie. Et, fortifiée par cette nourriture spirituelle, elle rend l’amour conjugal du Christ en priant Dieu et servant les plus petits. Et à cet égard, l’Ecclesiae Sponsae Imago, la récente Instruction de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, propose : « Au centre de leur existence, elles mettent l’Eucharistie, sacrement de l’Alliance sponsale d’où jaillit la grâce de leur consécration » (n.32)
Ces femmes consacrées témoignent que dans l’Eucharistie ont lieu deux faits miraculeux. Le premier est le miracle du pain et du vin qui devient le corps et le sang du Christ (transsubstantiation). Le second est ce qui fait de nous « un sacrifice vivant qui plaît à Dieu », qui nous unit au sacrifice du Christ qui est un sacrifice de communion pour le salut et la joie du monde.
Dans le pain et le vin consacrés, non seulement le Christ s’offre lui-même, mais nous aussi en nous transformant (mystiquement, pas réellement) en Lui. Il nous donne à nous aussi la valeur de son don d’amour au Père. Nous sommes aussi dans ce pain et ce vin : « Dans ce qu’elle offre, l’Église s’offre elle-même » (Saint Augustin d’Hippone).
Certes, la Vierge Marie est la vierge la plus eucharistique de toutes les femmes. Celle-ci n’était pas présente à la dernière Cène, mais le Vendredi Saint, c’est elle qu’il l’accueillit dans ses bras et déposa le corps de son Fils, détaché de la croix, sur ses genoux. Je crois qu’elle s’est dit : « Ceci est mon corps ». Et elle continua à croire au Fils de Dieu. Si sa foi a donné chair au Verbe de Dieu le jour de l’Annonciation à Nazareth. Si cette foi accrue nous accepta comme ses enfants. Cette foi du Vendredi Saint avec ces mots « ceci est mon corps » l’a unie encore plus profondément au sacrifice de son Fils et avec lui elle est devenue une offrande agréable à Dieu pour le salut du monde. Que les vierges consacrées prennent exemple de la Mère de Dieu, et nous exemple de ces Vierges, et notre Eucharistie sera célébrée et vécue en vérité et sainteté.
Ceux qui croient en Jésus Christ réalisent l’œuvre de Dieu. La Vierge l’a fait : en disant toujours oui dans une foi totale, elle a réalisé l’œuvre de Dieu et a donné la chair qui est devenue le Pain de Vie. Les Vierges consacrées, et nous avec elles, imitons-la « en pratiquant la justice, en aimant la pitié, en marchant humblement avec notre Dieu » (cf. Mic 6, 8).
Lecture patristique
Théophylacte (ca 1050 – 1109)
Commentaire sur l’évangile de Jean
PG 123, 1297-1301.
Au désert, nos pères ont mangé la manne. Comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel (Jn 6,31).
Ainsi les Juifs veulent-ils pousser Jésus à accomplir lui-même un prodige semblable qui aurait pour effet de leur procurer une nourriture corporelle et, en raison de leur extraordinaire gloutonnerie, ils lui rappellent la manne.
Que leur répond donc l’infinie Sagesse de Dieu, Jésus notre Seigneur ? Voici : Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain (Jn 6,32), ce qui revient à dire : « Moïse ne vous a pas donné le vrai pain, mais tout ce qui s’est passé alors était la figure de ce qui arrive aujourd’hui. Moïse était la figure de Dieu, le vrai chef des Israélites spirituels. Ce pain était ma propre image. Étant descendu du ciel, je suis la vraie nourriture et le pain véritable. » Il se déclare « pain véritable », non que la manne eût été une chose trompeuse, mais parce que cette figure était aussi une ombre, non la réalité même.
Assurément, ce pain qui est Vie par nature, du fait qu’il est le Fils du Père vivant, accomplit l’œuvre qui lui est propre, car il vivifie tout. Comme le pain qui vient de la terre conserve e la fragile substance de notre chair et prévient sa destruction, de même le Christ, lui aussi, vivifie l’âme par l’action de l’Esprit, et en outre il préserve le corps même en vue de son incorruptibilité. Car le Christ a fait don à l’humanité de la résurrection d’entre les morts et de l’immortalité des corps.
Et Jésus leur dit : Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif (in 6,35). <> Il n’a pas dit : « Le pain qui vous alimente », mais « le pain de la vie ». En effet, après que la mort eût mené tous les êtres à leur perte, le Christ, qui est le pain, nous a vivifiés par lui-même. Nous croyons en effet que le levain de la pâte humaine a été cuit au feu de sa divinité. Il est le pain, non de cette vie ordinaire, mais de la vie transformée à laquelle la mort ne met pas de fin.
Si quelqu’un croit en ce pain, il ne connaîtra pas la faim, cette faim qui torture celui qui n’écoute pas la parole de Dieu, et il ne connaîtra pas la soif spirituelle de celui qui n’a pas reçu l’eau du baptême ni la sanctification de l’Esprit. L’un n’a pas été baptisé : manquant du rafraîchissement de l’eau sainte, il éprouve la soif et une grande sécheresse. L’autre a été baptisé : il possède l’Esprit et jouit sans cesse de son réconfort.