Pêcheurs © choralecsfa.canalblog.com

Pêcheurs © choralecsfa.canalblog.com

Là où est ton trésor, là est ton cœur, par Mgr Follo

Le Règne de Dieu demande un choix ferme et rapide, un détachement total

Share this Entry

Rite Romaine

1R 3,5.7-12 ; Ps 118 ; Rm 8,28-30 ; Mt 13,44-52

1) Le Trésor de la Vie

L’Évangile de ce dimanche nous propose la partie finale du chapitre 13 de l’Évangile de saint Mathieu, où l’on raconte les paraboles qui comparent le Règne de Dieu à un trésor, à une pierre précieuse et à un filet jeté dans la mer qui ramasse chaque type de poisson.

Tandis que la parabole du filet nous répète que le moment du jugement est à la fin des temps et qu’il y est un temps dédié à la pénitence, les paraboles du trésor et de la perle nous rappellent non seulement la nécessité d’utiliser aussi les richesses terrestres afin d’entrer dans le Règne des Cieux et être heureux de cette appartenance. Ces deux brèves histoires nous apprennent avant tout que Jésus, le Sauveur de l’homme, vient pour offrir à chaque homme qui gémit et souffre pour son future, le vrai trésor, la vraie perle qui assure le bonheur : le Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu vaut plus que toutes les choses, plus que la vie. Il a une valeur pour laquelle il faut être prêt à sacrifier chaque autre réalité. Le Seigneur, son amitié, son amour, le salut éternel sont le trésor que personne ne peut nous voler. 

En disant que certains donnent la vie pour un trésor et, aujourd’hui le christ s’offre à nous comme un trésor de la vie : sachons choisir.

En effet, avec les deux paraboles brèves du trésor caché dans le champ de la perle d’une inestimable valeur le Messie nous enseigne deux choses.

La première est que le Règne de Dieu demande un choix ferme et rapide : comme ce de l’homme qui vite vend tous ses biens pour acheter le champ avec le trésor, ou comme un marchand qui, sans perdre son temps, vend tout ce qu’il a pour acquérir une perle d’une valeur exceptionnelle.

La deuxième est que le choix qui implique un détachement total, dérive de l’avoir trouvé quelque chose d’une valeur inestimable et qui donne la joie. C’est cela le vrai enseignement de la parabole. La raison qui pousse le disciple à laisser est la joie d’avoir trouvé le trésor de la vie. La raison de la joie est explicite dans la parabole de l’homme qui achète le champ : « ensuite il va et plein de joie vend tous ses avoirs ». Le Règne de Dieu est exigeant, mais le trouver est le centuple et la vie éternelle.

Je m’explique mieux. Les deux paraboles décrivent deux figures différentes : la première nous raconte l’histoire d’un paysan qui travaille dans un champ qui n’est pas le sien, la deuxième nous parle d’un marchand très riche. Mais, à mon avis, ces deux personnages sont les protagonistes « secondaires ». Les vrais protagonistes sont le trésor et la perle qui séduisent les deux hommes en les fascinant. Le paysan et le marchant agissent parce qu’ils sont totalement pris par le trésor et la perle. Si nous reconnaissons que la perle très précieuse et le trésor inestimable sont le Christ et son Royaume, nous comprenons aussi que le Rédempteur nous ne dit une chose évidente. C’est vrai, il s’agit évidemment d’une grande affaire si l’on achète une chose qui a une valeur supérieure à celle que nous payons. Mais il n’est pas évident, il est extraordinaire qu’avec l’offre de nos biens non seulement nous avons plus mais nous sommes plus : fils de Dieu, parce que nous avons « gagné » le trésor de la vie : le Christ. Dans ce cas, ce n’est pas seulement un coup de chance, c’est une grâce magnifique à laquelle répondre avec une rapide décision et un total abandon.

2) Le vrai gain.

Un exemple de cette décision et de cet abandon de ce que nous avons, nous vient de Saint-Paul. Il écrit : « Tout est une perte face à la sublimité de la connaissance de Jésus Christ, mon Seigneur, pour lequel j’ai laissé perdre toutes ces choses et je les considère comme de l’immondice, afin de gagner le Christ » (Phil 3,8).

Cette expression : « gagner le Christ » présente quelques bizarreries. En général on parle de gagner quelque chose ou une ligne d’arrivée mais pas une personne. Si nous prêtons attention au verbe grec katalambáno, nous y pouvons peut être reconnaître de l’« agressivité » voire même de la prétention. Certains traduisent : « Je continue ma course pour tenter de saisir le prix, parce que moi aussi je suis saisi par Jésus Christ » (Phil 3,12).

 Sincèrement parlant, j’aime cette interprétation du verbe choisi par Saint Paul, parce qu’il indique que pour être des chrétiens il faut une force de caractère : la violence qu’il a démontré envers les chrétiens et envers le Christ avant sa conversion, maintenant Paul la met au service de la vérité. En effet Jésus eut à dire : « Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer » (Mt 11,12)

Dans le passage de la lettre aux Philippines que j’ai cité plus haut, l’Apôtre des gens reconnait être tombé dans une terrible erreur ; il se rend compte d’avoir accepté une cause erronée. Maintenant lui, illuminé par celle même lumière qui dans un premier temps l’avait ébloui, confesse que c’était un faux gain, un gain nocif, faisant allusion à chaque privilège de naissance et d’éducation, à chaque effort religieux et moral.

Dans cette relecture de la conversion de Paul, nous voyons le fruit de la grâce qui guérit. Nous pouvons reconnaître l’action de la grâce rayonnante qui peut venir uniquement de l’évènement de la Résurrection du Christ, de la personne du Christ ressuscité. L’avoir été jeté du cheval par terre est seulement un pâle signe de la victoire pascale que Jésus a reporté sur saint Paul. 

Sa rencontre avec le Christ sur la route de Damas l’a porté à formuler une nouvelle échelle de valeurs, subvertir celle qui précédemment avait caractérisé sa vie : ce qui semblait un gain est devenu une perte maintenant, ce qui semblait richesse est devenu de l’immondice maintenant, ce qui semblait juste est devenu injuste maintenant.

A l’expérience de saint Paul nous pouvons y ajouter la nôtre. Dans un moment de notre vie, nous tous, nous sommes sollicités par la parole de Dieu, nous tous, nous avons rencontré le Christ qui nous a appelé à entrer dans ce dynamisme de la foi qui sauve et qui est – avant tout – don qui ressort du cœur de Dieu et du côté du Christ. Dans un beau moment de notre vie le Christ s’est fait rencontre à chacun de nous.

La conséquence qui en dérive est qu’un chrétien, pour pouvoir le dire jusqu’au fond, pour pouvoir dire d’être formé à l’école de Jésus, doit ressembler à Jésus mort.

Et pour faire cela, nous ne devons pas être des personnes exceptionnelles. Nous devons avoir une seule prétention : celle de l’humilité crucifiée, comme celle de saint Paul, qui en se présentant aux chrétiens de Corinthe avança une seule prétention : « Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous » (1 Cor 2,2-3).

L’important est de proposer aux autres ce que nous avons expérimenté sur nous, sans nous soustraire au commandement de l’amour qui nous « contraint » jusqu’au don total de nous-même.

Une très belle synthèse de cet itinéraire d’ascension au Règne, de cet exode vers la maison du père nous est donnée par saint Paul lorsqu’il écrit : « Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Phil 3,13-14).

3) Le « gain » des vierges consacrées.

Toutefois, quelqu’un pourrait penser : si l’Apôtre des gens était complètement fasciné par son Seigneur, pourquoi devrait-il ressentir la nécessité de « gagner » le Christ ?

Le Christ s’était déjà révélé clairement et lui avait secoué la vie, en la remplissant de joie. Malgré cela, Paul se sentait obligé à gagner le cœur et l’amour du Christ. L’être entier de Paul – son mystère, sa vie et le but de celle -ci- tout était concentré sur le désir de plaire à son maître et seigneur. Tout le reste était immondice pour lui, même les « bonnes » choses. Pourquoi faut-il conquérir le cœur de Jésus ?

Ne sommes-nous pas déjà l’objet de l’amour de Dieu ? En effet, Son amour bienveillante s’étend à toute l’humanité. Mais il y a un autre type d’amour qui doit toujours croître et “gagner” l’aimé. C’est l’amour affectueux pour le Christ semblable à ce qui existe entre deux époux. Cet amour est exprimé de façon sublime dans le Cantique des cantiques. Dans ce livre, l’Époux est le “portrait” du Christ, qui parle à son épouse ainsi : « Tu as blessé mon cœur, ma sœur fiancée. tu as blessé mon cœur, d’un seul de tes regards, d’un seul anneau de ton collier. Qu’elles sont belles, tes amours, ma sœur fiancée ! Qu’elles sont bonnes, tes amours : meilleures que le vin ! L’odeur de tes parfums, une exquise senteur ! » (Ct 4,9-10).

L’Épouse du Christ est l’Église qui aime plaire à son Seigneur. Dans l’Église ce mariage est vécu et témoigné d’une façon spéciale par les vierges consacrées, qui sont appelées à vivre l’amour au Christ dans une obéissance amoureuse et confidente, en se séparant de toutes les choses terrestres, parce que leur cœur est pris, “ravi” par le Christ. En disant oui au Christ, elles se sont laissé “voler leur cœur” par lui et sont appelées à se concentrer seulement sur Lui et, en Lui, elles aiment le prochain en le servant avec joie.

Lecture Patristique

Origène (184 – 253)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 10, 9-10, GCS 10, 10-11

A l’homme qui recherche de belles perles (Mt 13,45), il faut appliquer les paroles suivantes: Cherchez et vous trouverez, et: Celui qui cherche, trouve (Mt 7,7-8). En effet, à quoi peuvent bien se rapporter cherchez et celui qui cherche, trouve » ? Disons-le sans hésiter : aux perles, et particulièrement à la perle acquise par l’homme qui a tout donné et tout perdu. A cause de cette perle, Paul dit : J’ai accepté de tout perdre afin de gagner le Christ (Ph 3,8). Par le mot tout il entend les belles perles, et par gagner le Christ l’unique perle de grand prix.

Précieuse, assurément, est la lampe pour ceux qui sont dans les ténèbres (Lc 1,79) et qui en ont besoin (cf. Ap 22,5) jusqu’au lever du soleil. Précieuse aussi la gloire resplendissante sur le visage de Moïse (cf. 2Co 3,7) (et aussi, je crois, sur celui des autres prophètes). Elle est belle à voir, et elle nous aide à progresser jusqu’à ce que nous puissions contempler la gloire du Christ, à laquelle le Père rend témoignage : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Mais ce qui a été glorieux de cette manière partielle, ne l’est plus, parce qu’il y a maintenant une gloire suréminente (2Co 3,10). Et nous avons besoin en un premier temps d’une gloire susceptible de disparaître devant la gloire suréminente, comme nous avons besoin d’une connaissance partielle qui disparaîtra quand viendra ce qui est parfait (1Co 13,10).

Donc toute âme qui est encore dans l’enfance et chemine vers la perfection (He 6,1) a besoin d’un pédagogue, d’économes et de tuteurs jusqu’à ce que s’instaure en elle la plénitude du temps (Ga 4,4). Ainsi, celui qui d’abord ne diffère en rien d’un esclave, bien qu’il soit maître de tout (Ga 4,1), sera finalement affranchi et recevra de la main du pédagogue, des économes et des tuteurs son patrimoine: celui-ci correspond à la perle de grand prix et à la perfection qui abolit ce qui est partiel (1Co 13,10). Il y parviendra lorsqu’il sera capable d’accéder à la prééminence de la connaissance du Christ (Ph 3,8), après s’y être préparé par les connaissances, s’il convient de les appeler ainsi, qui sont dépassées par la connaissance du Christ. 

La Loi et les Prophètes parfaitement compris sont les rudiments qui nous conduisent à bien comprendre l’Évangile et tout le sens des actes et des paroles du Christ

Share this Entry

Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel