Au sein même du parti hindou nationaliste au pouvoir BJP, certaines voix s’élèvent contre la complicité du gouvernement dans les violences antichrétiennes qui frappent le Manipur depuis le mois de mai 2023.
La situation dans l’État indien du Manipur continue de susciter de vives inquiétudes, car la violence contre les chrétiens fait des ravages et le nombre d’églises et d’édifices chrétiens ayant été détruits se compte maintenant par centaines, et continue d’augmenter.
Le diocèse d’Imphal
Le Cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay, a publié une brève note le 9 juillet, dans laquelle il expliquait que la situation causait « de l’anxiété à tout le monde et de la souffrance aux habitants de la région », assurant que l’épiscopat indien était en communion avec le diocèse local d’Imphal, et essayait de trouver des moyens d’aider.
Des sources locales ont accusé le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), qui a une base nationaliste, d’attiser la violence. Cette théorie a pris encore plus de poids avec la démission, le 13 juillet, du vice-président du parti dans le Mizoram, État voisin du Manipur.
Dans sa lettre de démission, R Vanramchhuanga a déclaré que malgré le fait que les militants avaient déjà brûlé 357 églises chrétiennes et bâtiments appartenant à différentes Églises, les dirigeants des gouvernements locaux et centraux, aux mains du BJP, n’avaient pas encore condamné ces actions : « Par conséquent, je crois que la démolition massive des églises chrétiennes au Manipur a été soutenue par l’État et les autorités centrales » a déclaré le politicien.
Ce qui a commencé comme une demande du groupe Meitei d’être enregistré sur la liste des groupes défavorisés ayant accès à des prestations spécifiques s’est rapidement transformé en attaques lancées contre les tribus montagnardes chrétiennes, les Kukis et les Nagas. De violentes attaques menées par des groupes de militants Meiteis ont causé des incendies sur des villages entiers, la mort de plus d’une centaine de civils Kukis innocents et la destruction d’églises catholiques et protestantes, dont beaucoup appartenaient à des chrétiens Kukis. Cela peut donc être décrit comme une persécution ouverte contre les chrétiens.
Deux exemples de destructions des biens de l’Église dont les détails ont été transmis à l’AED et montrent clairement la méthodologie et les intentions des assaillants.
Paroisse Saint-Paul
Le 3 mai, selon un rapport du diocèse d’Imphal reçu par l’AED, plusieurs militants Meiteis sont entrés dans la paroisse et le centre de formation pastorale Saint-Paul, situé à Sangaiprou, qui dessert des personnes de diverses communautés ethniques.
« Vers 20h30, une foule est arrivée et a commencé à vandaliser et à détruire l’église et les biens qui s’y trouvaient. Ils ont brisé les vitres, les portes, l’intérieur de l’église, les statues, les crucifix, le matériel de sonorisation, les instruments de musique et tout ce qui se trouvait dans l’église, et ont mis le feu à l’autel ».
Les 46 personnes vivant sur place ont été rassemblées de force et obligées de présenter une preuve d’identité afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de Kukis parmi elles. « Après avoir vérifié leur identité, ils ont mis le feu à une moto et sont partis. L’incendie de l’église a été maîtrisé », indique le rapport.
Les chrétiens locaux pensaient avoir échappé au pire, mais le groupe d’assaillants est revenu deux fois ce jour-là pour demander une preuve d’identité et s’assurer qu’il n’y avait pas de Kukis parmi eux.
Le 4 mai, la foule est revenue. « Il a été demandé aux résidents de s’identifier. Après avoir vérifié plusieurs fois, les assaillants sont repartis sans avoir trouvé les personnes qu’ils semblaient chercher. Cependant, vers 14 heures, ils sont entrés dans l’église, ont ramassé les bouteilles de gaz de la cuisine du centre pastoral et, après avoir empilé tous les bancs et les objets de valeur, ont vandalisé, pillé et brûlé à la fois l’église et le bâtiment du centre de formation pastorale », provoquant la destruction presque totale des biens, sans même épargner le bétail et les animaux.
Selon le rapport reçu par l’AED : « Pendant tout ce temps, aucune protection n’a été accordée » aux victimes, malgré des tentatives répétées de contacter la police par le biais de numéros d’urgence.
Paroisse du Saint-Rédempteur
La destruction des biens ecclésiaux dans la paroisse du Saint Rédempteur à Canchipur est un autre exemple de la façon dont les forces de sécurité ont manqué à leur devoir de protéger les innocents lors des manifestations au Manipur.
Vers 20h30, le 3 mai, « un groupe de personnes non identifiées, armées de barres de fer et de bâtons, est arrivé à la paroisse et a défoncé les portes d’entrée. Il y avait trois ou quatre policiers, mais ils ont été incapables de maitriser la foule. Après avoir brisé les portes, les fenêtres et les biens se trouvant à l’intérieur de l’église, les assaillants ont incendié cette dernière » indique le rapport transmis à l’AED.
Comme dans le cas de la paroisse Saint-Paul, bien que le pire semblât évité, le cauchemar est vite revenu. « À 22 heures, une foule est revenue et le presbytère de la paroisse a été attaqué et vandalisé. Ils ont pillé tous les objets de valeur tels que les ordinateurs et l’électronique, l’argent, les bombonnes de gaz, etc., et ont pillé et détruit les chambres des prêtres et des employés ».
Le lendemain matin, avant que le soleil ne se lève, les assaillants sont revenus deux fois de plus, menaçant le personnel de la paroisse, brisant des fenêtres et saccageant l’auditorium et les salles de classe avant de mettre le feu à la résidence où sont logés les étudiants sans ressources financières. Ils sont également entrés dans le couvent de Béthanie et y ont pris tous les objets de valeur, dont des ordinateurs et de l’argent.
L’AED continue de suivre la situation de près, demande de prier pour les victimes des violences. La fondation est en contact avec l’Église locale pour trouver le moyen le plus efficace et le plus rapide de fournir une aide d’urgence, de répondre aux besoins de base et d’aider à soulager les souffrances des gens.