Mgr. Stephen Chow Sau-Yan © The Standard

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Pourpre cardinalice accordée au jésuite hongkongais Stephen Chow

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Par Bernardo Cervellera

Incrédulité, joie, indifférence et rancœur… sont les sentiments qu’a suscité en Chine la nouvelle de la nomination de monseigneur Stephen Chow Sau-Yan, évêque de Hong Kong, comme cardinal. L’annonce donnée par le pape François en personne lors de l’Angélus du 9 juillet est parvenue à Hong Kong le soir même.

Dans un premier moment, plusieurs prêtres se sont déclarés sceptiques, parce que monseigner Chow avait été nommé évêque il y a à peine deux ans et qu’il semble étonnant de le voir avec si peu d’expérience élevé au collège des cardinaux pour représenter le pape et participer au prochain conclave. C’est monseigneur Chow lui-même qui s’est montré le plus surpris. Le lendemain, le 10 juillet, interrogé par quelques journalistes à la sortie de la cathédrale de l’Immaculée Conception, il a affirmé qu’il avait eu du mal à croire à cette nomination, pensant qu’il s’agissait bien d’une erreur. Mais il s’est fait à l’idée que la fonction cardinalice lui confèrerait « une nouvelle mission », celle d’être un « pont » entre les différentes Églises, en particulier celles de Chine, et notamment aussi dans les relations entre Pékin et le Vatican qui, malgré les accords de 2018, traversent aujourd’hui une période compliquée.

En considérant la situation de Hong Kong, monseigneur Chow affirme : « J’ai confiance de voir surgir plus de réconciliation et plus d’espérance pour les jeunes, spécialement pour ceux qui ont été jetés en prison, afin qu’ils aient un avenir. » La mention qu’il fait de la prison n’est pas fortuite : Après les manifestations de masse en 2019 et 2020 pour la démocratie et les heurts marginaux avec la police, Pékin a adopté une « loi de sécurité nationale » qui a conduit plus de 10.000 arrestations, dont la moitié étaient des jeunes de moins de 30 ans, certains même des mineurs. Les jours qui pécédaient la nomination de monseigneur Chow, le gouvernement de Hong Kong a doté d’une récompense d’un million de dollars hongkongais (presque 115.000 euros) la dénonciation de huit activistes démocratiques. Menacés de poursuites, tant qu’ils ne se livraient pas eux-mêmes aux autorités, ils s’étaient enfuis à l’étranger. Selon la loi de sécurité nationale, ils risquent la prison à perpétuité. Les membres de leurs familles et amis sont eux aussi menacés, s’ils tentent de les aider en envoyant argent ou aliments.

Pour les fidèles de Hong Kong et de Chine, la charge cardinalice confiée à monseigneur Chow est un signe de l’attention que le pape François porte à la situation en Chine. De fait jusqu’à présent, les événements douloureux qui ont affecté l’Église de Hong Kong – de nombreux catholiques démocratiques détenus, la répression de la liberté d’expression et de la liberté de presse, émigration ou fuite de 27.000 jeunes – semblaient ne pas avoir attiré l’attention du Saint-Père qui, en tout cas, ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Pareille remarque est à faire au sujet des chrétiens persécutés en Chine, les prêtres et évêques emprisonnés, les églises et couvents détruits. De nombreux catholiques – tout en gardant l’anonymat par peur des représailles du gouvernement contre la trahison à des médias étrangers de secrets d’État – déclarent que le pape aura avec monseigneur Chow, jésuite, accès direct aux sources d’information, pour qu’elles lui aillent droit au coeur.

La nomination de monseigneur Chow a aussi été accueillie avec indifférence. Sauf par quelques journaux de Hong Kong et bien sûr des sites Internet catholiques, la nouvelle n’a pas été diffusée par les médias chinois ; et aucune autorité s’est prononcée. La seule réaction hostile sur Internet provient de Yi Feng, connu pour être anticlérical : il se plaint qu’à Hong Kong il y a déjà trois cardinaux (Joseph Zen, John Tong et maintenant l’évêque Chow). Yi Feng prétend que le Vatican veut contraindre le gouvernement chinois à appliquer les Accords en sa propre faveur.

L’accord provisoire entre la Chine et le Saint-Siège, qui a été signé en septembre 2018, avait pour objet la nomination des évêques par le gouvernement chinois qui devait être approuvée par le pape. Le Vatican avait espéré mettre ainsi fin aux divisions entre les catholiques chinois. Depuis, peu d’évêques ont été nommés (des 6 évêques, 4 résultant des Accords) et il y a eu une campagne, afin qu’ils s’allient à l’Église catholique patriotique, contre les évêques non reconnus par le gouvernement, imposant des détentions et des restrictions ministérielles aux réfractaires. Les Accords ont été reconduits en 2020 et en 2022 (toujours de manière provisoire), sans aucune nouvelle négociation, officiellement en raison du Covid.

Certaines personnalités du Vatican sont aussi de l’avis que les Accords ne fonctionnent pas. Le secrétaire d’État Pietro Parolin avait affirmé qu’il envisageait réviser quelques points. Et même le pape François avait expliqué sa position en septembre 2021 aux antennes de la radio espagnole Cope : « Il n’est pas facile de négocier avec la Chine, mais je suis persuadé qu’il ne faut pas renoncer au dialogue… On a beau se tromper, mais le dialogue reste un chemin ouvert. »

Les Accords semblaient avoir échoué lorsque Pékin avait nommé en novembre 2022 monseigneur John Peng Weizaho évêque de Jiangxi (diocèse non reconnu par le Saint-Siège) puis avait approuvé le 4 avril l’autodésignation de monseigneur Joseph Shen Bin comme évêque de Shanghaï ; les deux, sans mandat pontifical.

Ainsi, l’élection de monseigneur Chow comme cardinal peut être considérée comme un geste de plus d’estime du pape pour la Chine et comme main tendue pour poursuivre le dialogue. Monseigneur Chow est une personnalité tranquille ; il n’est pas zélé comme l’est le cardinal Zen. Grand défenseur de la liberté religieuse à Hong Kong et en Chine, il sait toujours trouver les mots appropriés pour se faire entendre.

Après son voyage à Pékin en avril, il avait fait une boutade qui est devenue fameuse, sur ce que le Parti Communiste impose comme priorité à toutes les religions : « l’amour de la patrie ». L’évêque jésuite avait déclaré que tous les catholiques « aiment la patrie » ; et de rajouter immédiatement : « ce qui veut dire “aimer le peuple” et faire du bien aux personnes, se mettant au service de la croissance morale et spirituelle ». Pour le Parti, « aimer la patrie » veut dire soutenir le Parti et ses dirigeants.

Monsiegneur Chow est ouvert à l’amitié avec Pékin et cherche à entretenir des relations avec les évêques chinois et taïwanais en leur proposant de se réunir à Hong Kong. En tant que cardinal, son invitation a plus de poids, semblable à un mandat pontifical. Il faudra cependant attendre les avis de Pékin. Le silence des médias ne présage rien de bon.

Tradution de l’espagnol réalisée par ZENIT

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Rédaction

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