Messe au stade du Commonwealth à Edmonton (Canada) © Vatican Media

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« Nous sommes les enfants d’une histoire à préserver » et « artisans d’une histoire à construire »

Homélie du pape François lors de la messe au stade du Commonwealth à Edmonton

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Bureau de presse du Saint-Siège, bulletin n. 0558, mardi 26 juillet 2022

Aujourd’hui, c’est la fête des grands-parents de Jésus et le Seigneur a voulu que nous nous rencontrions si nombreux, précisément en cette occasion aussi chère à vous qu’à moi. Dans la maison de Joachim et Anne, le petit Jésus a connu ses ancêtres et a fait l’expérience de la proximité, de la tendresse et de la sagesse de ses grands-parents. Pensons aussi à nos grands-parents et réfléchissons à deux aspects importants. 

Le premier : nous sommes les enfants d’une histoire à préserver. Nous ne sommes pas des individus isolés, nous ne sommes pas des îles, personne ne vient au monde séparé des autres. Nos racines, l’amour qui nous a attendus et que nous avons reçu en venant au monde, les milieux familiaux dans lesquels nous avons grandi, font partie d’une histoire unique qui nous a précédés et engendrés. Nous ne l’avons pas choisie, mais reçue comme don ; et c’est un don que nous sommes appelés à préserver. Car, comme nous l’a rappelé le Livre du Siracide, nous sommes « la postérité » de ceux qui nous ont précédés, leur « bel héritage » (Si 44, 11). Un héritage qui, au-delà des prouesses ou de l’autorité de certains, de l’intelligence ou de la créativité des autres dans le chant ou la poésie, a son centre dans la justice dans la fidélité à Dieu, à sa volonté. Et cela nous a été transmis. Pour accueillir vraiment qui nous sommes et à quel point nous sommes précieux, nous devons prendre en charge ceux dont nous descendons, ceux qui n’ont pas seulement pensé à eux-mêmes, mais qui nous ont transmis le trésor de la vie. Nous sommes ici grâce aux parents, mais aussi grâce aux grands-parents qui nous ont fait expérimenter d’être les bienvenus au monde. Ce sont eux qui souvent nous ont aimés sans réserve et sans rien attendre de nous : ils nous ont pris par la main lorsque nous avions peur, rassurés dans l’obscurité de la nuit, encouragés lorsqu’au soleil nous devions affronter les choix de la vie. Grâce aux grands-parents, nous avons reçu une caresse de l’histoire qui nous a précédés : nous avons appris que le bien, la tendresse et la sagesse sont des racines solides de l’humanité. Dans la maison des grands-parents, nous sommes nombreux à avoir respiré, en plus de tout cela, le parfum de l’Évangile, d’une foi qui a le goût de la maison. Grâce à eux, nous avons découvert une foi familiale, domestique ; oui, parce que la foi se communique essentiellement ainsi, elle se communique « en dialecte », elle se communique à travers l’affection et l’encouragement, le soin et la proximité. 

Telle est notre histoire qu’il faut préserver, l’histoire dont nous sommes héritiers : nous sommes des enfants parce que nous sommes des petits-enfants. Les grands-parents ont imprimé en nous le cachet original de leur manière d’être, en nous donnant la dignité, la confiance en nous-mêmes et dans les autres. Ils nous ont transmis quelque chose qui ne pourra jamais s’effacer en nous et, en même temps, ils nous ont permis d’être des personnes uniques, originales et libres. Ainsi, avons-nous appris précisément des grands-parents que l’amour n’est jamais une contrainte, il ne prive jamais l’autre de sa liberté intérieure. C’est de cette manière que Joachim et Anne ont aimé Marie ; et c’est de cette manière que Marie a aimé Jésus, avec un amour qui ne l’a jamais étouffé ni retenu, mais qui l’a accompagné pour embrasser la mission pour laquelle il était venu dans le monde. Essayons d’apprendre cela en tant qu’individus et en tant qu’Église : ne jamais opprimer la conscience de l’autre, ne jamais enchaîner la liberté de ceux que nous avons en face de nous et, surtout, ne jamais manquer d’amour et de respect pour les personnes qui nous sont confiées, ces trésors précieux qui conservent une histoire plus grande qu’eux. 

Préserver l’histoire qui nous a engendrés – nous dit encore le Livre du Siracide – signifie ne pas obscurcir « la gloire » des ancêtres : ne pas en perdre la mémoire, ne pas oublier l’histoire qui a donné naissance à notre vie, nous rappeler toujours de ces mains qui nous ont caressés et tenus dans les bras, parce que c’est à cette source que nous trouvons une consolation dans les moments de découragement, une lumière dans le discernement, un courage pour affronter les défis de la vie. Mais cela signifie aussi de revenir toujours à cette école où nous avons appris et vécu l’amour. Cela signifie, face aux choix à faire aujourd’hui, de nous demander ce que feraient à notre place les personnes âgées les plus sages que nous avons connues, ce que nos grands-parents et nos arrière-grands-parents nous conseillent ou nous conseilleraient. 

Messe au stade du Commonwealth à Edmonton (Canada) © Vatican Media

Messe au stade du Commonwealth à Edmonton (Canada) © Vatican Media

Chers frères et soeurs, demandons-nous donc : sommes-nous des enfants et des petits-enfants qui savent garder la richesse reçue ? Faisons-nous mémoire des bons enseignements hérités ? Parlons-nous avec nos personnes âgées, prenons-nous le temps de les écouter ? Et encore, dans nos maisons, toujours plus équipées, modernes et fonctionnelles, savons-nous créer un espace digne pour conserver leurs souvenirs, un lieu réservé, un petit sanctuaire familial qui, à travers des images et des objets chers, nous permette aussi d’élever notre pensée et notre prière vers ceux qui nous ont précédés ? Avons-nous conservé la Bible et le chapelet de nos ancêtres ? Prier pour eux et en union avec eux, consacrer du temps à faire mémoire, préserver l’héritage : dans le brouillard de l’oubli qui envahit notre époque mouvementée, il est fondamental de cultiver les racines. C’est ainsi que l’arbre grandit, c’est ainsi que l’avenir se construit. 

Réfléchissons maintenant à un second aspect : en plus d’être fils d’une histoire à préserver, nous sommes artisans d’une histoire à construire. Chacun peut se reconnaître pour ce qu’il est, avec ses lumières et ses ombres, selon l’amour qu’il a reçu ou qui lui a manqué. Le mystère de la vie humaine est celui-ci : nous sommes tous enfants de quelqu’un, engendrés et façonnés par quelqu’un, mais en devenant adultes, nous sommes aussi appelés à être des personnes qui donnent la vie, des pères, des mères et des grands-parents de quelqu’un d’autre. Et donc, en regardant la personne que nous sommes aujourd’hui, que voulons-nous faire de nous-mêmes ? Les grands-parents dont nous provenons et les personnes âgées qui ont rêvé, espéré et se sont sacrifiés pour nous, nous posent une question fondamentale : quelle société voulez-vous construire ? Nous avons tant reçu des mains de ceux qui nous ont précédés : que voulons-nous laisser en héritage à notre postérité ? Une foi vivante ou « à l’eau de rose », une société fondée sur le profit des individus ou sur la fraternité, un monde en paix ou en guerre, une création dévastée ou une maison encore accueillante ? 

Et n’oublions pas que ce mouvement qui donne vie, va des racines aux branches, aux feuilles, aux fleurs, aux fruits de l’arbre. La vraie tradition s’exprime dans cette dimension verticale : de bas en haut. Prenons garde à ne pas tomber dans la caricature de la tradition, qui ne se meut pas en ligne verticale – des racines aux fruits – mais en ligne horizontale – en avant/en arrière – qui nous conduit à la culture de « faire marche arrière » comme en un refuge égoïste ; et qui ne fait rien d’autre que ranger le présent dans une boîte et le conserver dans la logique du « on a toujours fait ainsi ». 

Dans l’Évangile que nous avons entendu, Jésus dit aux disciples qu’ils sont bienheureux parce qu’ils peuvent voir et entendre ce que beaucoup de prophètes et de justes ont seulement pu désirer (Mt 13, 16-17). Beaucoup, en effet, avaient cru à la promesse de Dieu concernant la venue du Messie, ils avaient préparé son chemin et avaient annoncé son arrivée. Mais maintenant que le Messie est arrivé, ceux qui peuvent le voir et l’écouter sont appelés à l’accueillir et à l’annoncer. 

Messe au stade du Commonwealth à Edmonton (Canada) © Vatican Media

Messe au stade du Commonwealth à Edmonton (Canada) © Vatican Media

Frères et soeurs, cela vaut aussi pour nous. Ceux qui nous ont précédés nous ont transmis une passion, une force et un désir, un feu qu’il nous appartient de raviver ; il ne s’agit pas de garder des cendres, mais de raviver le feu qu’ils ont allumé. Nos grands-parents et nos personnes âgées ont désiré voir un monde plus juste, plus fraternel et plus solidaire, et ils ont lutté pour nous donner un avenir. Maintenant, c’est à nous de ne pas les décevoir. Soutenus par eux, qui sont nos racines, c’est à nous de porter du fruit. Nous sommes les branches qui doivent fleurir et introduire de nouvelles graines dans l’histoire. Et alors, posons-nous quelques questions concrètes : face à l’histoire du salut à laquelle j’appartiens et face à ceux qui m’ont précédé et aimé, moi, qu’est-ce que fais ? J’ai un rôle unique et irremplaçable dans l’histoire : quelle trace je laisse derrière moi, qu’est-ce que je laisse à ceux qui me suivent, qu’est-ce que je donne de moi ? Très souvent, on mesure la vie en fonction de l’argent qu’on gagne, de la carrière qu’on réalise, du succès et de la considération que l’on reçoit des autres. Mais ce ne sont pas des critères féconds. La question est : est-ce que je donne la vie ? Est-ce que j’introduis dans l’histoire un amour qui auparavant n’y était pas ? Est-ce que j’annonce l’Évangile là où je vis, suis-je au service de quelqu’un gratuitement, comme ceux qui m’ont précédé l’ont fait pour moi ? Qu’est-ce que je fais pour mon Église, ma ville et ma société ? Il est facile de critiquer, mais le Seigneur ne veut pas que nous soyons seulement des personnes qui critiquent le système, il ne veut pas que nous soyons fermés et « en faisant marche arrière », mais des artisans d’une histoire nouvelle, des tisseurs d’espérance, des constructeurs d’avenir, des artisans de paix. 

Que Joachim et Anne intercèdent pour nous : qu’ils nous aident à préserver l’histoire qui nous a engendrés et à construire une histoire féconde. Qu’ils nous rappellent l’importance spirituelle d’honorer nos grands-parents et nos anciens, de mettre à profit leur présence pour construire un avenir meilleur. Un avenir où les personnes âgées ne sont pas rejetées parce qu’elles « ne servent plus » de manière fonctionnelle ; un avenir qui ne juge pas la valeur des personnes seulement par ce qu’elles produisent ; un avenir qui ne soit pas indifférent à ceux qui, désormais plus âgés, ont besoin de plus de temps, d’écoute et d’attention ; un avenir où l’histoire de violence et de marginalisation subie par nos frères et soeurs autochtones ne se répète pour personne. C’est un avenir possible si, avec l’aide de Dieu, nous ne rompons pas le lien avec ceux qui nous ont précédés et si nous alimentons le dialogue avec ceux qui viendront après nous : jeunes et personnes âgées, grands-parents et petits-enfants, ensemble. Allons de l’avant ensemble, rêvons ensemble. 

Rencontre avec la communauté paroissiale du Sacré-Cœur des Premières Nations © Vatican Media

Rencontre avec la communauté paroissiale du Sacré-Cœur des Premières Nations © Vatican Media

 

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Pape François

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