Messe à Floriana (Malte), 3 av. 2022 © capture de Zenit / Vatican YouTube

Messe à Floriana (Malte), 3 av. 2022 © capture de Zenit / Vatican YouTube

Non au « vice de montrer du doigt »: messe à Floriana (texte complet)

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« A l’école du Dieu de l’espérance »

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Non à « l’hypocrisie », non au « vice de montrer du doigt »: comme le pape le fait souvent, il épingle des travers pour indiquer ensuite le remède et c’est ce qu’il a fait dans l’homélie de la messe qu’il a présidée à Malte, dans la ville de Floriana, Place des Greniers, ce dimanche 3 avril 2022, au second et dernier jour de sa visite dans l’île.

Le remède? Imiter la femme de l’Evangile: « Cette femme qui, ayant connu dans sa misère la miséricorde, va dans le monde, guérie par le pardon de Jésus qui nous suggère, en tant qu’Église, de nous remettre à l’école de l’Évangile, à l’école du Dieu de l’espérance qui surprend toujours. »

Et comme il en a l’habitude, en maître spirituel, à l’école de S. Ignace de Loyola, le pape a invité à un examen de conscience: « Il nous est bon alors, quand nous sommes en prière, et aussi lorsque nous participons à de belles célébrations religieuses, de nous demander si nous sommes en accord avec le Seigneur. Nous pouvons le Lui demander directement : “Jésus, je suis ici avec Toi, mais Toi, que veux-Tu de moi? Que veux-Tu que je change dans mon cœur, dans ma vie? Comment veux-Tu que je voie les autres ?”. Il nous sera bénéfique de prier ainsi car le Maître ne se contente pas de l’apparence, mais il cherche la vérité du cœur. Et quand nous lui ouvrons notre cœur en vérité, il peut accomplir des prodiges en nous. »

Surtout, le pape a insisté comme souvent, sur le pardon: « Dieu pardonne toujours. C’est nous qui nous fatiguons de demander pardon. Un Dieu qui continue de croire en nous et donne à chaque fois une chance de recommencer. Il n’y a pas de péché ni d’échec qui, porté à Lui, ne puisse devenir une occasion pour commencer une vie nouvelle, différente, sous le signe de la miséricorde. Il n’y a pas de péché qui ne puisse prendre cette voie. Dieu pardonne tout. Tout. »

En présence de quelque 12 000 personnes, le pape a présidé la messe entouré de l’archevêque de Malte, Mgr Charles Scicluna, et de l’évêque de Gozo, Mgr Anton Teuma, auxquels il a offert des calices, selon la tradition, pour leurs diocèses, au terme de la messe.

Le pape a participé ni à la procession d’entrée ni à la procession finale, : il est passé par la sacristie et l’ascenseur, en raison de sa douleur au genou droit qui l’a obligé à rester assis à différents moments de la célébration, pour l’homélie, pour le credo, ou après la consécration: Mgr Scicluna a présidé l’Agnus Dei et a apporté la communion au pape François.

La prière d’intercession universelle a été prononcée en anglais, en italien, en arabe, en malayalam (sud de l’Inde, Kerala), en polonais, et en tagalog (Philippines), car la prière universelle des messes pontificales représente toute la richesse des différentes langues et cultures des catholiques du pays visité.

Les lectures de la messe du 5e dimanche de carême ont été lues en maltais. Mais le kyrie a été chanté… en grec, et le credo, le sanctus, le Notre Père, l’Agnus Dei, en latin.

C’est sur cette même place que, le 9 mai 2001, S. Jean-Paul II a célébré la messe de béatification de trois Maltais : George Preca (canonisé ensuite par Benoît XVI), Ignazio Falzon et la moniale bénédictine Maria Adeodata Pisani.

Le pape François venait de se rendre ne pèlerinage à la  Grotte de S. Paul et il devait ensuite aller déjeuner à la nonciature apostolique. Dans l’après-midi il avait rendez-vous avec quelque 200 migrants au centre « Jean XXXII Peace Lab », à 16h45, avant de repartir de Malte, avec une heure de retard, et rentrer à Rome vers 20h35.

Voici la traduction officielle de l’homélie du pape François, prononcée en italien.

AB

Messe à Floriana, 3 av. 2022 © Vatican Media

Messe à Floriana, 3 av. 2022 © Vatican Media

Homélie du pape François

Jésus « dès l’aurore, retourna au Temple et tout le peuple venait à lui » (Jn 8, 2). C’est ainsi que commence l’épisode de la femme adultère. L’arrière-plan est serein : une matinée dans le lieu saint, au cœur de Jérusalem. Le peuple de Dieu est le protagoniste qui, dans la cour du temple, cherche Jésus, le Maître. Il veut l’écouter car ce qu’il dit illumine et réchauffe. Son enseignement n’a rien d’abstrait, il touche la vie et la libère, la transforme, la renouvelle. C’est le “flair” du peuple de Dieu qui ne se contente pas du temple de pierres, mais qui se rassemble autour de la personne de Jésus. On entrevoit, dans ce passage, le peuple des croyants de tous les temps, le peuple saint de Dieu qui est nombreux et vivant, ici à Malte, fidèle dans la recherche du Seigneur, attaché à une foi concrète, vécue. Je vous en remercie.

En voyant le peuple qui accourt vers Lui, Jésus ne se presse pas : « Il s’assit – dit l’Évangile – et se mit à enseigner » (v. 2). Mais, à l’école de Jésus, il y a des places vides, il y a des absents : la femme et ses accusateurs. Ils ne se sont pas rendus chez le Maître comme les autres, et les raisons de leur absence sont différentes : les scribes et les pharisiens pensent déjà tout savoir, ne pas avoir besoin de l’enseignement de Jésus. Par contre, la femme est une personne perdue, elle a fait fausse route en cherchant le bonheur sur de mauvaises voies. Des absences dues à des raisons différentes, tout comme la fin de leur histoire sera différente. Arrêtons-nous sur ces absents.

Tout d’abord, les accusateurs de la femme. Nous voyons en eux l’image de ceux qui se vantent d’être justes, des pratiquants de la loi de Dieu, des gens corrects et respectables. Ils n’ont pas souci de leurs défauts mais ils sont très attentifs à découvrir ceux des autres. Ils vont ainsi vers Jésus : non pas le cœur ouvert pour l’écouter, mais « pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser » (v. 6). C’est une photographie de l’intériorité de ces personnes cultivées et religieuses, qui connaissent les Écritures, fréquentent le temple, mais subordonnent tout cela à leurs propres intérêts et qui ne combattent pas les pensées malveillantes qui s’agitent en leur cœur. Ils apparaissent comme des experts de Dieu aux yeux des gens, mais ils ne reconnaissent pas Jésus. Ils le considèrent au contraire comme un ennemi à éliminer. Et pour ce faire, ils mettent devant lui une personne, comme s’il s’agissait d’une chose, en l’appelant avec mépris « cette femme » et en dénonçant publiquement son adultère. Ils font pression pour que la femme soit lapidée en déversant sur elle l’aversion qu’ils ont envers la compassion de Jésus. Et ils font tout cela sous couvert de leur réputation d’hommes religieux.

Frères et sœurs, ces personnes nous montrent que le ver de l’hypocrisie et le vice de montrer du doigt peuvent s’insinuer dans la religiosité même. De tout temps, en toute communauté. Le risque de mal comprendre Jésus existe toujours ; d’en avoir le nom sur les lèvres mais de le démentir dans les faits. Et on peut même le faire en élevant les étendards de la croix. Comment pouvons-nous alors vérifier si nous sommes des disciples à l’école du Maître? Par notre regard, par la façon dont nous regardons le prochain et par la façon dont nous nous regardons nous-mêmes. C’est le point pour définir notre appartenance.

Par la façon dont nous regardons le prochain : si nous le faisons comme Jésus nous le montre aujourd’hui, c’est-à-dire avec un regard de miséricorde, et non pas d’une manière critique, parfois même dédaigneuse comme les accusateurs de l’Évangile qui s’érigent en paladins de Dieu mais ne s’aperçoivent pas qu’ils piétinent leurs frères. En réalité, celui qui croit défendre la foi en pointant du doigt les autres aura peut-être une vision religieuse, mais il n’épousera pas l’esprit de l’Évangile parce qu’il oublie la miséricorde, qui est le cœur de Dieu.

Pour comprendre si nous sommes de vrais disciples du Maître, nous devons aussi vérifier la manière dont nous nous regardons nous-mêmes. Les accusateurs de la femme sont convaincus qu’ils n’ont rien à apprendre. Leur apparence extérieure est parfaite, en effet, mais il leur manque la vérité du cœur. Ils sont le portrait de ces croyants qui, de tout temps font de la foi une façade, manifestent une extériorité solennelle mais qui manquent de pauvreté intérieure, le trésor le plus précieux de l’homme. Pour Jésus, ce qui compte, en effet, c’est l’ouverture disponible de celui qui ne se sent pas arrivé, mais qui a besoin de salut. Il nous est bon alors, quand nous sommes en prière, et aussi lorsque nous participons à de belles célébrations religieuses, de nous demander si nous sommes en accord avec le Seigneur. Nous pouvons le Lui demander directement : “Jésus, je suis ici avec Toi, mais Toi, que veux-Tu de moi? Que veux-Tu que je change dans mon cœur, dans ma vie? Comment veux-Tu que je voie les autres ?”. Il nous sera bénéfique de prier ainsi car le Maître ne se contente pas de l’apparence, mais il cherche la vérité du cœur. Et quand nous lui ouvrons notre cœur en vérité, il peut accomplir des prodiges en nous.

Nous le voyons chez la femme adultère. Sa situation semble compromise mais un horizon nouveau, impensable auparavant s’ouvre à ses yeux. Couverte d’insultes, prête à recevoir des paroles implacables et un sévère châtiment, elle se voit avec surprise acquittée par Dieu qui lui ouvre un avenir inattendu : « Personne ne t’a condamnée ? – lui dit Jésus – Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (vv. 10.11). Quelle différence entre le Maître et les accusateurs ! Ceux-ci avaient cité l’Écriture pour condamner ; Jésus, Parole de Dieu en personne, réhabilite complètement la femme en lui redonnant l’espérance. Cette histoire nous apprend que toute observation fait tomber davantage encore celui qui la reçoit, si elle n’est pas faite dans la charité et par charité. Dieu, au contraire, laisse toujours une possibilité ouverte et sait trouver à chaque fois des voies de libération et de salut.

La vie de cette femme change grâce au pardon. Miséricorde et misère se sont rencontrées. Miséricorde et misère sont là. Et la femme change. On peut même penser que, pardonnée par Jésus, elle aura appris à son tour à pardonner. Peut-être qu’elle aura vu en ses accusateurs non plus des personnes rigides et méchantes, mais des personnes qui lui auront permis de rencontrer Jésus. Le Seigneur désire que nous aussi, ses disciples pardonnés par Lui, nous devenions en tant qu’Église des témoins inlassables de réconciliation : témoins d’un Dieu pour qui le mot “irrécupérable” n’existe pas ; d’un Dieu qui pardonne toujours. Dieu pardonne toujours. C’est nous qui nous fatiguons de demander pardon. Un Dieu qui continue de croire en nous et donne à chaque fois une chance de recommencer. Il n’y a pas de péché ni d’échec qui, porté à Lui, ne puisse devenir une occasion pour commencer une vie nouvelle, différente, sous le signe de la miséricorde. Il n’y a pas de péché qui ne puisse prendre cette voie. Dieu pardonne tout. Tout.

Le Seigneur Jésus est ainsi. Celui qui fait l’expérience de son pardon le connaît vraiment ; celui qui, comme la femme de l’Évangile, découvre que Dieu nous visite à travers nos blessures intérieures. C’est là justement que le Seigneur aime se rendre présent, parce qu’il est venu non pas pour les personnes en bonne santé mais pour les malades (cf. Mt 9, 12). Et, aujourd’hui, c’est cette femme qui, ayant connu dans sa misère la miséricorde, va dans le monde, guérie par le pardon de Jésus qui nous suggère, en tant qu’Église, de nous remettre à l’école de l’Évangile, à l’école du Dieu de l’espérance qui surprend toujours. Si nous l’imitons, nous ne serons pas portés à nous focaliser sur la dénonciation des péchés, mais à nous mettre avec amour à la recherche des pécheurs. Nous ne nous contenterons pas de compter les personnes présentes, mais nous irons à la recherche des absentes. Nous ne pointerons plus du doigt, mais nous commencerons par nous mettre à l’écoute. Nous ne rejetterons pas les méprisés, mais nous regarderons en premier ceux qui sont considérés comme derniers. Frères et sœurs, c’est ce que Jésus nous enseigne aujourd’hui par l’exemple. Laissons-Le nous surprendre et accueillons avec joie sa nouveauté.

© Librairie éditrice vaticane

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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