Premier discours à Malte, samedi 2 avr. 2022 © Vatican Media

Premier discours à Malte, samedi 2 avr. 2022 © Vatican Media

Une guerre « préparée depuis longtemps », son « infantilisme » et les remèdes

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Premier discours du pape François à Malte, battue par les vents

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« La guerre n’a pas éclaté d’un coup mais elle se préparait depuis un certain temps », fait observer le pape François à Malte: Comment? Il répond: « Par de gros investissements et le commerce des armes »: la course aux armements est une « folie », c’est pourquoi le pape a invité à entrer dans une autre « logique », celle des « mère », celle des « gens ordinaires », qui « rêvent de paix ».

Dans UN tweet, le pape François a repris un passage clef de son discours devant le président de Malte, George Vella, le Premier ministre, Robert Abela, les autorités, les représentants de la culture et des forces vives de Malte, et les diplomates, ce samedi 2 avril 2022, au Palais du Grand Maître – palais présidentiel – : première rencontre avec l’île. Le pape a aussi parlé de la crise migratoire et de la crise écologique et de la défense de la vie humaine.

Un vent de guerre glacial

Le pape a structuré son discours selon l’image de la rose des vents, lui qui a fait l’expérience du vent de Malte – au « coeur » de la Méditerranée, au Sud de la Sicile – dès son arrivée à l’aéroport international: il a dû tenir sa calotte blanche à la main.

Le pape s’est en effet adressé aux autorités de Malte, au « cœur de la Méditerranée », « carrefour d’influences ».

Le pape a esquissé quelques influences socio-politiques : au Nord,  la famille de l’Union européenne, à l’Ouest, le monde occidental, au Sud, la quête d’espérance de beaucoup, et à l’Est, les « ténèbres de la guerre » mais d’où la lumière surgit.

Faisant allusion à l’invasion de  l’Ukraine, le 24 février dernier, le pape a évoqué un « vent glacial »: « Le vent glacial de la guerre s’est attisé au fil des années. Oui, la guerre se prépare depuis un certain temps avec de gros investissements et un commerce d’armes », a déploré le pape en faisant allusion à l’invasion de l’Ukraine.

La tendresse des mères

Il a au contraire recommandé l’exemple de la « compassion » des mamans: « La tendresse des mères, qui donnent vie au monde, et la présence des femmes sont la véritable alternative à la logique scélérate du pouvoir, qui mène à la guerre. »

« Nous avons, a insisté le pape, besoin de compassion et d’attention, pas de visions idéologiques et de populismes, qui se nourrissent des rejetons de la haine et ne se soucient pas de la vie concrète des gens, des gens ordinaires. »

Un autre tweet souligne un autre passage du discours sur l’aspiration des peuples à la paix: « Alors que quelques puissants provoquent et fomentent des conflits, les gens ordinaires ressentent le besoin de construire un avenir qui sera ensemble, ou qui ne le sera pas. Dans la nuit de la guerre, ne laissons pas le rêve de la paix s’évanouir. »

Le pape a proposé des alternatives pour gérer les conflits, le dialogue et la conversion de l’économie de guerre: « Écoutons la soif de paix des gens, retrouvons-nous dans les conférences internationales pour la paix, où le thème du désarmement est central! Et que les fonds destinés aux armements soient convertis en fonds de développement, de santé et de nutrition. »

L’infantilisme de la guerre

Il a déploré que l’humanité s’habitue trop à la « logique » de la guerre, une logique « infantile », dont parlait déjà le « saint » maire de Florence Girogio La Pira, qui indiquait le rôle spécifique de la « Méditerranée » à l’époque de la guerre froide et de la menace nucléaire: « Il y a plus de soixante ans, dans un monde menacé de destruction, où les contrastes idéologiques et la logique de fer des alignements dictaient la loi, une voix à contre-courant s’éleva du bassin méditerranéen, qui exaltait son propre camp opposé à un bond prophétique au nom de la fraternité universelle. C’était la voix de Giorgio La Pira, qui disait : « La situation historique que nous vivons, le choc des intérêts et des idéologies qui secouent l’humanité en proie à un incroyable infantilisme, redonnent à la Méditerranée une responsabilité capitale : redéfinir la règles d’une Mesure où l’homme livré au délire et à l’excès peut se reconnaître » (Discours au Congrès Méditerranéen de la Culture, 19 février 1960). »

Le pape a diagnostiqué cet « infantilisme » aussi aujourd’hui: « Ce sont des paroles vraies; nous pouvons les répéter car elles sont d’une grande pertinence. Combien nous avons besoin d’une « mesure humaine » face à l’agression infantile et destructrice qui nous menace, face au risque d’une « guerre froide prolongée » qui peut étouffer la vie de peuples et de générations entières ! Malheureusement, cet « infantilisme » n’a pas disparu. Il ressurgit massivement dans les séductions de l’autocratie, dans les nouveaux impérialismes, dans l’agression généralisée, dans l’incapacité à construire des ponts et à partir des plus pauvres. »

La logique de la paix

Le pape a aussi déploré cette « habitude » de la « logique » guerrière: Aujourd’hui, il est si difficile de penser avec la logique de la paix. Nous sommes habitués à penser avec la logique de la guerre. (..) Et c’est triste de voir comment l’enthousiasme pour la paix, né après la Seconde Guerre mondiale, s’est estompé au cours des dernières décennies, tout comme le chemin de la communauté internationale, avec quelques puissants qui avancent seuls, à la recherche de espaces et zones d’influence. Ainsi, non seulement la paix, mais de nombreuses questions majeures, telles que la lutte contre la faim et les inégalités, ont été de facto déclassées sur les principaux agendas politiques. »

Message du pape François sur le livre d’or du palais présidentiel de Malte, à La Valette, en italien fait allusion à l’hymne national maltais qui prône l’unité et la paix, et à l’expérience de l’apôtre Paul sur l’île: « Accueilli en pèlerin à Malte, cœur de la Méditerranée, qui palpite d' »humanité rare », j’invoque de Dieu sagesse et miséricorde pour ceux qui gouvernent, unité et paix pour la population et pour le monde entier. »
Difficulté de traduction
Notons une petite difficulté de traduction, à propos de la dénonciation de la guerre: c’est le p. Antonio Spadaro SJ qui signale le passage sur son compte twitter que l’italien « qualche » (singulier) a un sens pluriel « un petit nombre, quelques ».
Sinon, on pourrait croire que le pape désigne une personne. Mais la traduction officielle en français traduit par un pluriel (« Quelques puissants, tristement enfermés dans leurs prétentions anachroniques d’intérêts nationalistes, provoquent et fomentent des conflits…). De même pour la traduction en allemand (« Un petit nombre de puissants… fomentent des conflits…). Même si d’autres traductions emploient un singulier.
Zenit a posé la question au Vatican pour avoir ou pas la confirmation de ce sens pluriel: oui, c’est un « singulier indéterminé » à traduire par « pas beaucoup », « certains ».
Notons en effet que le pape, en tant que pasteur qui doit pouvoir dialoguer avec tous, n’a pas l’habitude de pointer le doigt contre des personnes (on lui a reproché parfois de ne pas nommer tel ou tel politicien) mais contre des comportements.
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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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