Le pape François salue l’oeuvre du p. Mollat, fondateur de l’association française « Voir ensemble« , mouvement chrétien des personnes aveugles et malvoyantes, qui fête ses 90 ans et dont il a reçu une délégation, ce samedi matin, 19 février 2022 au Vatican. Il leur a adressé un discours en italien, dont le Vatican publie la traduction en français.
L’association rappelle ses premiers pas: « En 1927, à Lyon, Yves Mollat, père jésuite non voyant, fonde un mouvement qui deviendra une association en 1947, qui sera reconnue d’utilité publique en 1954. Cette association, dénommée « Voir Ensemble » en 2003, s’inscrit dans la perspective de l’inclusion et de la promotion des personnes aveugles ou malvoyantes dans la société. »
« Voir Ensemble », précise qu’elle a pour but « la création et le développement de tous moyens et organismes de nature à promouvoir et assurer le bien-être intellectuel, social, moral, culturel, matériel et l’épanouissement par l’éducation, le travail, les loisirs, les sports pour les personnes aveugles ou malvoyantes, en France et partout dans le monde où elle le jugera utile et possible. Les premiers concernés sont associés à l’objet de l’association ».
En outre, l’association « gère des établissements et services en s’appuyant sur une démarche humaniste qui vise la promotion sociale et l’épanouissement des personnes déficientes sensorielles, de la petite enfance aux aînés ».
Le pape a salué la mémoire du père Mollat en disant, en conclusion de son discours: « Chers amis, je vous remercie d’être venus et je vous encourage à poursuivre sur cette voie, sur laquelle vous marchez déjà, dans ce Vedere insieme, Voir Ensemble avec le cœur, en faisant fructifier le charisme du père Yves Mollat. Laissez Jésus venir à votre rencontre, guérir vos blessures et vous enseigner à voir avec le cœur. Lui seul connaît véritablement le cœur de l’homme, Lui seul peut le libérer de la fermeture et de la rigidité et l’ouvrir à la vie et à l’espérance. »
AB
Discours du pape François
Chers frères et sœurs, bienvenus !
Je vous salue avec joie, vous tous, membres de l’association « Voir Ensemble » qui avez organisé ce pèlerinage à Rome. Votre association réunissant de nombreux aveugles et malvoyants qui veulent marcher ensemble pour vivre dans la fraternité la joie de l’Evangile. Je remercie le Président pour les aimables paroles que m’a adressées et j’étends mon salut à tous les membres de « Voir Ensemble ».
Votre pèlerinage est signe de la pleine participation des fidèles en situation de handicap à la communion de l’Église. Dans cette perspective, je voudrais partager avec vous une brève réflexion en me basant sur la Parole de Dieu, lorsque Jésus rencontre l’aveugle né (cf. Jn 9, 1-41) et en accord avec le nom de votre Association « Voir ensemble ».
La première chose que j’observe est que le regard de Jésus nous précède, c’est un regard qui appelle la rencontre, qui appelle l’action, la tendresse, la fraternité. Jésus arrive à la piscine de Siloé: il voit un homme aveugle de naissance. Les disciples aussi voient cet homme qui ne demande rien. C’est Jésus qui voit en lui un frère qui a besoin d’être libéré, d’être sauvé. Le Seigneur nous appelle à cultiver la tendresse et le style de la rencontre. Les disciples, pour leur part, sont enfermés dans le regard de l’époque sur les personnes nées aveugles, considérées comme nées dans le péché, punies par Dieu et prisonnières d’un regard d’exclusion.
Dans une culture du préjugé, Jésus refuse radicalement cette façon de voir. C’est pourquoi il affirme aux disciples que « ni lui, ni ses parents » (v. 3) ne sont la cause de son mal. C’est une parole de libération, d’accueil, de salut. Aujourd’hui hélas nous sommes habitués à ne percevoir que l’extérieur des choses, l’aspect le plus superficiel. Notre culture affirme que les gens sont dignes d’intérêt en fonction de leur aspect physique, de leurs vêtements, de leurs belles maisons, de leurs voitures de luxe, de leur position sociale, de leurs richesses. Comme l’Évangile nous l’enseigne, encore aujourd’hui, la personne malade ou porteuse de handicap, à partir de sa fragilité, de sa limite, peut être au cœur de la rencontre: la rencontre avec Jésus, qui ouvre à la vie et à la foi, et qui peut construire des relations fraternelles et solidaires, dans l’Église et dans la société.
En second lieu, le Christ accomplit pour l’aveugle « les œuvres de Dieu » (v. 3), en lui donnant la vue. Il s’approche de l’aveugle, lui applique de la boue sur les yeux et il l’envoie à la piscine de Siloé. Le cœur de Jésus ne peut pas rester indifférent face à la souffrance. Il nous invite à agir aussitôt, à consoler, à panser et à soigner les blessures de nos frères. L’Eglise est comme un hôpital de campagne. Combien de blessés, combien de nos frères et sœurs ont besoin d’une main tendue qui soigne leurs blessures.
Voilà le paradoxe : cet homme aveugle, en rencontrant celui qui est la Lumière du monde, devient capable de voir ; alors que ceux qui voient, bien qu’ils rencontrent Jésus, restent aveugles. Ce paradoxe traverse très souvent notre propre vie et nos façons de croire. Saint-Exupéry dans son livre Le Petit Prince écrivait : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». Voir avec le cœur, c’est voir le monde et nos frères à travers le regard de Dieu. Jésus nous invite à renouveler notre façon de voir les personnes et les choses. Il nous propose une vision toujours nouvelle de nos relations avec les autres, en particulier en famille, de notre fragilité humaine, de la maladie et de la mort. Il nous invite à voir tout cela avec le regard de Dieu! La foi ne se réduit pas à une série de croyances théoriques, de traditions et de coutumes. Elle est un lien et un chemin à la suite de Jésus qui renouvelle notre façon de voir le monde et nos frères.
Enfin, nous, chrétiens, ne pouvons pas nous contenter d’être éclairés, nous devons être aussi des « témoins de la lumière » (Jn 1,8). Tandis que les chefs des pharisiens, enfermés dans leurs traditions et leur rigidité, condamnent l’aveugle-né comme un « pécheur », celui-ci, avec une simplicité désarmante, professe sa foi : « Il y a une chose que je sais : j’étais aveugle et maintenant je vois » (Jn 9,25), et il devient témoin de Jésus et de l’œuvre de Dieu, œuvre de miséricorde, d’amour qui donne la vie. Nous sommes nous aussi appelés à témoigner de Jésus dans notre vie par le style de l’accueil et de l’amour fraternel.
Chers amis, je vous remercie d’être venus et je vous encourage à poursuivre sur cette voie, sur laquelle vous marchez déjà, dans ce Vedere insieme, Voir Ensemble avec le cœur, en faisant fructifier le charisme du père Yves Mollat. Laissez Jésus venir à votre rencontre, guérir vos blessures et vous enseigner à voir avec le cœur. Lui seul connaît véritablement le cœur de l’homme, Lui seul peut le libérer de la fermeture et de la rigidité et l’ouvrir à la vie et à l’espérance.
Je vous confie tous à l’intercession de la Vierge Marie, elle qui nous introduit toujours à la rencontre avec le Christ, en lui demandant de guider vos pas, et je vous donne ma bénédiction. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci
© Traduction de Zenit, Anita Bourdin