Le cardinal Braz de Aviz préconise une catalogage et la photographie des biens cultures des communautés de vie consacrée, par seulement pour faciliter la récupération des biens volés, mais pour leur conservation et leur transmission: il parle de « professionnalisme » mais surtout d’une « écologie culturelle ».
Les cardinaux Joao Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour la vie consacrée, Gianfranco Ravasi président du Conseil pontifical pour la Culture, et soeur Jolanta Maria Kafka, R.M.I., ont en effet présenté au Vatican, ce 17 février 2022 un congrès qui aura lieu les 4 et 5 mai 2022 sur le thème : « Charisme et créativité. Catalogage, gestion et projets innovants pour le patrimoine culturel des communautés de vie consacrée ».
Participent, entre autres, à cette initiative la Conférence épiscopale italienne (CEI), l’université pontificale Grégorienne, l’université de Bologne, les supérieures majeures (UISG)…
Une conscience ecclésiale
Mgr José Rodríguez Carballo, archevêque espagnol, secrétaire du dicastère pour la vie consacrée, également présent lors de la conférence de presse, a rappelé que pour disposer de leur patrimoine culturel et spirituel, par exemple d’objets liturgiques, les communautés ont besoin de demander la permission congrégation, de respecter le droit canon. Il constate que lorsque ce n’est pas fait, ce n’est pas de « la mauvaise volonté », mais un manque de formation. Parfois des éléments importants disparaissent, du fait des « vautours » qui viennent tourner autour de communautés vieillissantes ou très peu nombreuses. Il espère qu’une prise de conscience sera un des « fruits congrès ».
Il donne l’exemple d’un monastère où il n’y a plus que deux personnes très âgées: ces « vautours » viennent en profiter pour acquérir un beau meuble ancien, proposant en échange le meuble d’un fabriquant moderne, certes plus commode, mais c’est ainsi qu’un patrimoine mobilier disparaît.
Il rappelle aussi l’engagement des deux dicastères romains impliqués à choisir des monastères ou des ordres religieux qui peuvent être spécialement formés de façon à ce que les autres puissent s’appuyer sur eux pour établir des catalogues, faire des photos, numériser. Il note au passage la méfiance de certaines communautés devant le catalogage par peur de ne plus être « libres » de disposer de leur patrimoine comme ils l’entendent.
Il cite aussi le cas de l’Espagne où un certain conflit existe alors que deux régions avaient des vues sur le patrimoine.
Pour Mgr Carballo, il faudrait récupérer un « sens ecclésial » pour les biens des religieux qui sont « des biens ecclésiastiques »: il explique qu’il manque cette culture. On se dit « j’ai un objet précieux, il est mien! », mais » non », répond Mgr Carballo, « il appartient à l’Eglise ». il appelle de ses voeux un « réveil de la conscience » que les biens ecclésiastiques sont des biens de l’Eglise: « Je me sens Eglise, je donne la priorité au retour à l’Eglise » si je dois m’en défaire.
L’importance du travail interdicastériel
Le cardinal Gianfranco Ravasi insiste sur l’importance de ce travail « interdicarstériel » et il invoque deux exemple.
Sa première expérience est celle de la direction de la bibliothèque et pinacothèque ambrosienne à Milan: il y avait un fonds du monastère bénédictin de Saint Colomban à Bobbio. Il y avait eu une « déprédation » avec 75 manuscrits « acquis » à Bobbio par le fondateur de la bibliothèque ambrosienne, en échange de volumes imprimés: des éléments remontant au 5e siècle. Mais « heureuse faute »: cela a permis finalement de conserver ce patrimoine.
Autre expérience: en 2018, il y a eu à la Grégorienne un congrès demandant: « Dieu n’habite plus ici? » Sur le problème « sévère » de la « démission » des églises fermées et utilisées à d’autres fins. On n’avait pas alors intégré dans la réflexion les biens culturels des instituts de vie consacrée.
D’ores et déjà des propositions sont déjà arrivées. Le patrimoine est « imposant », « extraordinaire », mais les présences religieuses et les religieux ont diminué en nombre ces 30 dernières années, constate le cardinal Ravasi.
Il propose quatre piliers de cette réflexion pour le congrès:
1- la qualité spécifique de ces biens culturels, valeur religieuse, spirituelle, et pas seulement économique, font l’identité même des instituts;
2- le catalogage est « fondamental », il est aujourd’hui plus sophistiqué, informatique, photographies, pour bloquer les vols ou les « aliénations » par des communautés religieuses; on ne peut pas vendre n’importe quel manuscrit précieux aux enchères: ce sont des « auto-aliénations »; et pour aider la recherche: catalogage en ligne. L’Italie de ce point de vue est exemplaire.
3- la gestion économique – problèmes graves à considérer! – la protection, fonction pastorale, civile, historique, sociale;
4- la réutilisation du patrimoine, des bonnes pratiques pour permettre des « aliénations » légitimes, et empêcher des « dispersions scandaleuses, même sur le dark web! » Il est légitime de « désacraliser » quand les conditions sont nécessaires, mais jamais de les « désacraliser » sans dignité, comme certains ustensiles liturgiques que l’on retrouve dans des usages privés;
Le cardinal Ravasi souligne enfin l’importance du thème du congrès qui allie charisme (continuité stabilité, permanence) et créativité (rendre le charisme vivant, ): « ce binôme ne gèle pas les opérations, mais les stimule ».
Enfin, le cardinal cite le dépôt des carabiniers italiens pour les biens culturels, qui sont « les premiers au monde » en terme de formation, de modernité et de l’importance de leur banque de données – en comparaison, la banque de données de la police française semble « primitive » (sic!) -. Il s’agit d’un immeuble de 4 étages « plein d’objets sacrés qui , à 80%, ne peuvent pas être restitués parce qu’il n’existe pas de documents ni d’éléments photographiques qui prouve leur appartenance à une église, un couvent, que ce soit des objets du culte ou des tableaux précieux, parfois des 5e/6e s.
Un congrès pour une conversion culturelle
Pour Soeur Jolanta Maria Kafka, R.M.I., les biens sont très liés aux charismes qui témoignent du sens de la consécration à Dieu, en Eglise, pour l’humanité, de la spiritualité: ils doivent être protégés, et c’est la « responsabilité des communautés, de l’Eglise, de l’humanité ».
Un questionnaire a été adressé en ce sens aux communautés du monde entier sur le recensement, le catalogage, les systèmes, les critères, le sens du soin non seulement à partir de « l’administration » mais de la « formation » pour donner une « expression nouvelle » des biens culturels dans l’évangélisation.
Environ 20 % des instituts ont déjà répondu (200 féminins, 57 masculins). Chez 40% il y a une catalogue partiel, 20% un catalogue complet, plus de 20% n’ont aucun catalogue.
Géographiquement, en Europe, plus de 70% répondent y compris leur présence au-delà de l’Europe, moins des autres continents… Mais la majorité n’ont pas fini leur catalogue, 10% ne l’ont pas encore projeté et 13% l’ont achevé.
Donc il y a des dangers… ce patrimoine semble « réservé, trop privatisé »… Peu d’instituts ont en outre mis en place « un parcours formatif pour sensibiliser à l’importance des biens culturels et à la dimension spirituelle de la gestion administrative ».
Ce congrès invite donc à une « conversion culturelle » pour « éclairer les situations critiques » dans les situations de « diminution » et de « vieillissement » des communautés: « Comment passer de l’urgence à des projets, quels instruments pour un bon catalogage? »
Elle estime une formation souhaitable aussi « au niveau de la conception de l’internationalité » des instituts interculturels.