Les établissements de santé d’inspiration chrétienne sont les lieux où doit être pratiquée « la thérapie de la dignité humaine », a déclaré le pape François devant une cinquantaine de représentants de la Biomedical University Foundation de Rome, qu’il a reçus en audience ce lundi 18 octobre. Et cette dignité, a-t-il poursuivi, « ne doit jamais être négociée ; elle doit toujours être défendue ».
La Biomedical University Foundation est une organisation à but non lucratif créée en 2015 et promue par l’Opus Dei dans le but de soutenir la recherche scientifique et les activités de l’université et de l’hôpital du même nom.
Il faut faire passer « le patient avant la maladie », « l’homme concret », avec « son histoire », « dans sa condition de fragilité », avant les « idées, techniques et projets », a insisté le pape, et ne pas oublier que « les besoins des malades passent avant les opportunités de profit ». Il s’agit de « témoigner par les faits qu’il n’y a pas de vies indignes ou à écarter parce qu’elles ne répondent pas à un critère d’utilité ou aux exigences du profit ».
Le pape a remercié ses auditeurs de favoriser « un développement humain de la recherche ». L’accent doit être mis sur les soins à la personne, a-t-il dit, « sans oublier l’importance de la science et de la recherche. Parce que les soins sans la science sont vains, comme la science sans les soins est stérile ». Il a également exhorté à « travailler ensemble », à « partager le savoir » : « Il n’est plus temps de suivre son propre charisme de manière isolée. La charité exige le don ».
Voici notre traduction du discours du pape François, prononcé en italien.
Allocution du pape François
Chers frères et sœurs,
Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie pour votre présence et votre don. Je suis reconnaissant envers le professeur Paolo Arullani, président de la Fondation, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom. C’est beau de vous connaître personnellement en ce jour où nous fêtons saint Luc, que l’apôtre Paul appelle « le médecin bien-aimé » (Col 4, 14).
J’ai accepté avec plaisir la proposition de vous rencontrer en raison de ce que je connais du Campus Bio-Medico de Rome. Je sais combien il est difficile aujourd’hui de mener à bien un travail dans le domaine de la santé, surtout lorsque, comme dans votre hôpital, l’accent est mis non seulement sur l’assistance, mais aussi sur la recherche pour offrir aux patients les thérapies les plus adaptées, et surtout lorsque c’est fait avec amour pour la personne. Faire passer le patient avant la maladie est essentiel dans tous les domaines de la médecine ; c’est fondamental pour un traitement qui soit vraiment complet, vraiment humain. La personne malade avant la maladie. Le bienheureux Alvaro del Portillo vous a encouragés à le faire : vous mettre chaque jour au service de la personne humaine dans son intégralité. Je vous en remercie, c’est très agréable à Dieu.
La centralité de la personne, qui sous-tend votre engagement dans les soins, mais également dans l’enseignement et la recherche, vous aide à renforcer une vision unifiée, synergique. Une vision qui met au premier plan non pas des idées, des techniques et des projets, mais l’homme concret, le patient, qu’il faut soigner en rencontrant son histoire, en connaissant son vécu, en établissant des relations amicales, qui guérissent le cœur. L’amour pour l’homme, surtout dans sa condition de fragilité, dans laquelle transparaît l’image de Jésus crucifié, est spécifique d’une réalité chrétienne et ne doit jamais être perdu.
La Fondation et le Campus Bio-Medico, et le monde de la santé catholique en général, sont appelés à témoigner par les faits qu’il n’y a pas de vies indignes ou à écarter parce qu’elles ne répondent pas à un critère d’utilité ou aux exigences du profit. Nous vivons une véritable culture du rebut ; c’est un peu l’air que l’on respire et nous devons réagir contre cette culture de la mise au rebut. Chaque établissement de santé, en particulier d’inspiration chrétienne, devrait être le lieu où l’on pratique les soins de la personne et dont on puisse dire : « Ici, on ne voit pas que des médecins et des malades, mais des personnes qui s’accueillent et qui s’entraident ; ici on touche du doigt la thérapie de la dignité humaine ». Et celle-ci ne doit jamais être négociée ; elle doit toujours être défendue.
L’accent doit donc être mis sur les soins à la personne, sans oublier l’importance de la science et de la recherche. Parce que les soins sans la science sont vains, comme la science sans les soins est stérile. Cela va ensemble et c’est seulement ensemble qu’ils font de la médecine un art, un art qui implique la tête et le cœur, qui conjugue connaissance et compassion, professionnalisme et pitié, compétence et empathie.
Chers amis, merci parce que vous favorisez un développement humain de la recherche. Souvent, malheureusement, on suit les chemins de la rentabilité, en oubliant que les besoins des malades passent avant les opportunités de profit. Ils évoluent continuellement et il faut donc être prêt à faire face à des pathologies et des problèmes toujours nouveaux. Je pense, entre autres, aux besoins de nombreuses personnes âgées et à ceux qui sont liés à toutes les maladies rares, dont nous ne savons pas ce qu’elles sont, parce qu’il n’y a pas encore eu de recherches pour bien les comprendre… En plus de promouvoir la recherche, vous aidez ceux qui n’ont pas les moyens financiers de payer les frais universitaires et vous faites face à des coûts importants qu’un budget ordinaire ne peut pas soutenir. Je pense notamment aux efforts déjà consentis pour le Centre Covid, les urgences et pour le récent projet de soins palliatifs.
Tout cela est très bien, il est bon de faire face à de plus grandes urgences en étant toujours plus ouvert. Et il est important de le faire ensemble. J’insiste sur ce mot simple mais difficile à vivre : ensemble. La pandémie nous a montré l’importance d’être connectés, de collaborer, d’affronter unis les problèmes communs. Les soins de santé, catholiques en particulier, ont et auront toujours plus besoin de cela, d’être en réseau, ce qui est une façon d’exprimer que l’on est ensemble. Il n’est plus temps de suivre son propre charisme de manière isolée. La charité exige le don : il faut partager le savoir, il faut participer avec ses compétences et il faut mettre la science en commun.
La science, dis-je, et pas seulement les produits de la science qui, s’ils sont proposés seuls, restent des pansements en mesure de couvrir la blessure mais pas de la soigner en profondeur. Cela vaut par exemple pour les vaccins : il est urgent d’aider les pays qui en ont moins, mais il faut le faire dans le cadre de plans à long terme, et non motivés uniquement par la hâte des nations riches de se sentir en sécurité. Les remèdes doivent être distribués en respectant la dignité, non comme des aumônes faites par pitié. Pour vraiment faire du bien, il faut promouvoir la science et son application intégrale : comprendre les contextes, adapter les soins, faire grandir la culture de la santé. Ce n’est pas facile, c’est une véritable mission et j’espère que les soins de santé catholiques seront en ce sens toujours plus actifs, expression d’une Eglise extravertie, d’une Eglise en sortie.
Je vous encourage à continuer dans cette direction, en accueillant votre travail comme un service des inspirations et des surprises de l’Esprit qui vous fait rencontrer, sur votre chemin, de nombreuses situations nécessitant proximité et compassion. Je prie pour vous, je vous redis ma gratitude et vous donne la bénédiction. Et s’il vous plaît, je vous demande de continuer à prier pour moi. Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat