« Un seul a payé pour nous tous : le Christ » : dans sa 9ème catéchèse sur la Lettre de saint Paul aux Galates, ce mercredi 29 septembre 2021, le pape François a abordé le thème de la justification. La justification, a-t-il dit, est « le don du Christ qui a déjà payé pour nous.
Le pape Benoît XVI lui-même a déclaré à plusieurs occasions l’importance décisive de la théologie de la justification, notamment, le 12 septembre 2006 à Ratisbonne: il y voit « un thème essentiel de la théologie ».
Nous sommes « sauvés par pure grâce, et non par nos propres mérites », a souligné le pape François lors de l’audience générale, dans la Salle Paul VI du Vatican. On n’est pas « juste » simplement parce qu’on obéit « à tous les commandements », a-t-il expliqué : « la justification ne vient pas de là, elle vient avant : quelqu’un t’a justifié, quelqu’un t’a rendu juste devant Dieu ».
« Devant nos chutes continuelles et nos insuffisances », Dieu « ne s’est pas résigné, mais il a voulu nous rendre justes et il l’a fait par grâce, par le don de Jésus-Christ, de sa mort et de sa résurrection ». « A travers la mort de Jésus, a poursuivi le pape, « Dieu a détruit le péché et nous a donné définitivement le pardon et le salut ». C’est donc le Christ « qui fait de nous des justes ».
Toutefois, a rappelé le pape, la grâce reçue de Dieu doit être « combinée avec nos œuvres de miséricorde » ; en recevant « cet amour gratuit », nous devenons capables « à notre tour, d’aimer concrètement ». La « réponse de la foi » exige d’être actifs dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain ».
Voici notre traduction intégrale de la catéchèse du pape
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dans notre parcours pour mieux comprendre l’enseignement de saint Paul, nous abordons aujourd’hui un thème difficile mais important, celui de la justification. Qu’est-ce que la justification ? De pécheurs, nous sommes devenus justes. Qui a fait de nous des justes ? Ce processus de changement est la justification. Nous, devant Dieu, nous sommes justes. Certes, nous avons nos péchés personnels, mais au fond, nous sommes justes. C’est cela la justification. On a beaucoup discuté sur cette question, afin de trouver l’interprétation la plus cohérente avec la pensée de l’apôtre et, comme cela se produit souvent, on a même abouti à des positions opposées. Dans la Lettre aux Galates, comme dans la Lettre aux Romains, Paul insiste sur le fait que la justification vient de la foi dans le Christ. « Mais, je suis juste parce que j’obéis à tous les commandements ! » Oui, mais la justification ne vient pas de là, elle vient avant : quelqu’un t’a justifié, quelqu’un t’a rendu juste devant Dieu. « Oui, mais je suis pécheur ! ». Oui, tu es juste, mais pécheur, mais au fond tu es juste. Qui t’a rendu juste ? Jésus-Christ. C’est cela la justification.
Que se cache-t-il derrière le mot de « justification », qui est si déterminant pour la foi ? Il n’est pas facile de trouver une définition exhaustive, mais dans l’ensemble de la pensée de saint Paul, on peut dire simplement que la justification est la conséquence de la « miséricorde de Dieu qui offre le pardon » (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1990). Et c’est ainsi qu’est notre Dieu, tellement bon, miséricordieux, patient, plein de miséricorde, qu’il donne continuellement son pardon, continuellement. Il pardonne et la justification, c’est Dieu qui pardonne chacun dès le début, dans le Christ. La miséricorde de Dieu qui donne le pardon. En effet, à travers la mort de Jésus – et cela, nous devons le souligner : à travers la mort de Jésus – Dieu a détruit le péché et nous a donné définitivement le pardon et le salut. Ainsi justifiés, les pécheurs sont accueillis par Dieu et réconciliés avec lui. C’est comme un retour au rapport originel entre le Créateur et la créature, avant que n’intervienne la désobéissance du péché. La justification que Dieu opère, par conséquent, nous permet de retrouver l’innocence perdue à cause du péché. Comment la justification a-t-elle lieu ? Répondre à cette question, c’est découvrir une autre nouveauté de l’enseignement de saint Paul : la justification se fait par la grâce. Par la grâce seule : nous avons été justifiés par pure grâce. « Mais ne puis-je pas, comme certains le font, aller trouver le juge et payer pour qu’il me rende justice ? ». Non, dans ce domaine, vous ne pouvez pas payer ; un seul a payé pour nous tous : le Christ. Et du Christ qui est mort pour nous vient cette grâce que le Père donne à tous : la justification se fait par la grâce.
L’apôtre a toujours à l’esprit l’expérience qui a changé sa vie : la rencontre avec Jésus ressuscité sur le chemin de Damas. Paul avait été un homme orgueilleux, religieux, zélé, convaincu que la justice consistait dans l’observation scrupuleuse des préceptes. Mais maintenant, il a été conquis par le Christ et sa foi en lui l’a profondément transformé, lui permettant de découvrir une vérité jusqu’alors cachée : ce n’est pas nous qui devenons justes par nos propres efforts, non : ce n’est pas nous, mais c’est le Christ, avec sa grâce, qui fait de nous des justes. Pour avoir une pleine connaissance du mystère de Jésus, Paul est alors prêt à renoncer à tout ce qu’il possédait auparavant (cf. Ph 3, 7) parce qu’il a découvert que seule la grâce de Dieu l’a sauvé. Nous avons été justifiés, nous avons été sauvés par pure grâce, et non par nos propres mérites. Et cela nous donne une grande confiance. Nous sommes pécheurs, oui ; mais nous avançons sur le chemin de la vie avec cette grâce de Dieu qui nous justifie chaque fois que nous demandons pardon. Mais il ne nous justifie pas à ce moment-là : nous sommes déjà justifiés, mais il vient nous pardonner une nouvelle fois.
Pour l’apôtre, la foi a une valeur qui englobe tout. Elle touche tous les moments et tous les aspects de la vie du croyant : du baptême jusqu’au moment de quitter ce monde, tout est imprégné par la foi dans la mort et la résurrection de Jésus qui donne le salut. La justification par la foi souligne la priorité de la grâce, que Dieu offre sans distinction à ceux qui croient en son Fils.
Il ne faut donc pas en conclure que, pour Paul, la loi mosaïque n’a plus aucune valeur ; au contraire, elle reste un don irrévocable de Dieu ; elle est « sainte », écrit l’apôtre (Rm 7, 12). Mais en cela non plus nous ne pouvons pas compter sur nos propres forces : la grâce de Dieu, que nous recevons dans le Christ, est fondamentale, cette grâce qui nous vient de la justification, don du Christ qui a déjà payé pour nous. De lui, nous recevons cet amour gratuit qui nous permet, à notre tour, d’aimer concrètement.
Dans ce contexte, il est bon également de se souvenir de l’enseignement de l’apôtre Jacques, qui écrit : « l’homme devient juste par les œuvres, et non seulement par la foi – cela semble être le contraire, mais ce n’est pas le contraire – […] En effet comme le corps privé de souffle est mort, de même la foi sans les œuvres est morte » (Jc 2, 24-26). Si la justification ne fleurit pas avec nos œuvres, elle sera là, sous terre, comme morte. Elle est là, mais nous devons la mettre en pratique par nos actions. Ainsi les paroles de Jacques intègrent l’enseignement de Paul. Pour l’un comme pour l’autre, la réponse de la foi exige donc d’être actifs dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain. Pourquoi « actifs dans cet amour » ? Parce que cet amour nous a tous sauvés, il nous a justifiés gratuitement, gratis !
La justification nous inscrit dans la longue histoire du salut, qui montre la justice de Dieu : devant nos chutes continuelles et nos insuffisances, il ne s’est pas résigné, mais il a voulu nous rendre justes et il l’a fait par grâce, par le don de Jésus-Christ, de sa mort et de sa résurrection. J’ai dit à plusieurs reprises quelle est la façon d’agir de Dieu, quel est le style de Dieu et je l’ai dit avec trois mots : le style de Dieu est proximité, compassion et tendresse. Il est toujours proche de nous, il est compatissant et tendre. Et la justification est précisément la plus grande proximité de Dieu avec nous, hommes et femmes, la plus grande compassion de Dieu envers nous, hommes et femmes, la plus grande tendresse du Père. La justification est ce don du Christ, de la mort et de la résurrection du Christ qui nous rend libres. « Mais Père, je suis pécheur, j’ai volé… ». Oui, mais au fond, tu es un juste. Laisse le Seigneur mettre en œuvre cette justification. Nous ne sommes pas condamnés, au fond, non : nous sommes justes. Permettez-moi l’expression : nous sommes saints, au fond. Mais ensuite, avec nos actions, nous devenons pécheurs. Mais au fond, on est saint : laissons monter la grâce du Christ et laissons cette justice, cette justification nous donner la force d’avancer. Ainsi, la lumière de la foi nous permet de reconnaître combien est infinie la miséricorde de Dieu, la grâce qui agit pour notre bien. Mais cette même lumière nous fait également voir la responsabilité qui nous est confiée de collaborer avec Dieu à son œuvre de salut. La force de la grâce doit être combinée avec nos œuvres de miséricorde, que nous sommes appelés à vivre pour témoigner de la grandeur de l’amour de Dieu. Avançons avec cette confiance : nous avons tous été justifiés, nous sommes justes dans le Christ. Nous devons mettre en œuvre cette justice par nos actions.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat