Le pape François a salué la béatification, en Pologne, du cardinal Stefan Wyszynski et de soeur Elisabeth Rose Czacka, avant de présider la prière de l’angélus, en latin, au terme de la messe de conclusion du Congrès eucharistique international de Budapest (Hongrie), ce dimanche 12 septembre 2021.
« Demandons aujourd’hui à Dieu de nous accorder la force d’être des témoins fidèles de son amour miséricordieux envers chaque personne nécessiteuse de notre temps », a encouragé le card. Semeraro: la messe de béatification a été présidée au nom du pape, à Varsovie, par le préfet de la Congrégation pour les causes des saints, le cardinal Marcello Semeraro, dont voici l’homélie.
12 septembre 2021
Fête du Saint Nom de Marie
Messe avec le rite de béatification des Serviteurs de Dieu
Stefan Wyszyński et Elżbieta Róża Czacka
Temple de la Divine Providence, Varsovie
1 – « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante» (Lc 1,46-48).
Chers frères et sœurs ! Les paroles du chant de louange prononcé par la Vierge Marie expriment aujourd’hui notre action de grâce à Dieu pour notre participation à la béatification du cardinal Stefan Wyszyński et de Mère Elżbieta Róża Czacka, ici, dans le temple de la Divine Providence. Ce temple, érigé par la Nation polonaise comme offrande votive en action de grâce pour la proximité et la présence de Dieu dans l’histoire glorieuse et douloureuse de ce pays, est aujourd’hui le témoin d’une autre confirmation : La Pologne est une nation mariale, la Pologne a offert et donné à l’Église, au cours des différentes époques, des figures remarquables de saints, d’hommes et de femmes de Dieu. Comme Il l’a fait lorsqu’Il a envoyé l’archange Gabriel à la Vierge, dont le nom était Marie (cf. Lc 1,27), de même aujourd’hui, Dieu appelle d’authentiques témoins de la sainteté pour honorer et louer son nom.
2 – Ce fut également le cas du cardinal Wyszyński, originaire de Zuzela-sur-le-Bug, où sa famille l’a élevé dans la foi en Dieu et l’amour de la patrie. Après avoir reçu l’ordination sacerdotale dans la cathédrale de Wloclawek, le 3 août 1924, il a commencé sa vie sacerdotale, qui a été marquée par de nombreuses épreuves qu’il a affrontées avec confiance et détermination. L’un des moments les plus dramatiques fut certainement la période de la Seconde Guerre mondiale et l’époque de l’héroïque et tragique soulèvement de Varsovie en 1944. À cette époque, le père Wyszyński vivait dans les environs de la capitale, à Laski, où il était aumônier de l’Institut des aveugles et de l’Armée de l’Intérieur. C’est pendant l’insurrection de Varsovie qu’un événement exceptionnel et prophétique s’est produit à Laski : le bienheureux Stefan a ramassé sur le sol un morceau d’une feuille de papier partiellement brûlée qui s’était envolée là depuis la capitale en flammes, enveloppée de feu ; sur cette feuille, il a lu ces mots : « Tu aimeras ». Wyszyński, profondément ému par ce fait, emporta ce bout de papier à la chapelle, le montra aux sœurs et dit : « C’est pour nous et pour le monde entier l’appel le plus sacré de Varsovie qui lutte. Un appel et un testament : Tu aimeras ». Il a vécu son ministère de pasteur et d’évêque en réponse à cet appel et à ce testament, d’abord à Lublin, puis à Gniezno et à Varsovie, tout en affrontant les problèmes que sa Nation a dû subir dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Au cours de cette période, politiquement et socialement compliquée, il a dirigé avec courage, diligence et détermination la barque de l’Église en Pologne, défiant l’idéologie qui déshumanisait et éloignait les gens de la plénitude de la vie, la vérité contenue dans l’Évangile du Christ fidèlement vécu et accompli. Dans la lutte pour la défense de la liberté des femmes et des hommes polonais, il répétait souvent : « Celui qui hait, a déjà perdu ». Il ne s’est épargné en rien ; il a supporté toutes les humiliations et les souffrances qui ont culminé avec trois années d’emprisonnement, de 1953 à 1956. Saint Jean-Paul II, quelques jours après son élection au Siège de Pierre, a écrit au Cardinal-Primat dans une lettre à ses compatriotes : « Il n’y aurait pas sur la Chaire de Pierre ce Pape polonais […] s’il n’y avait pas eu ta foi, qui n’a pas reculé devant la prison et la souffrance. S’il n’y avait pas eu ton espérance héroïque, ta confiance sans limites en la Mère de l’Église » (Saint Jean Paul II, Lettre à ses compatriotes polonais, 23 octobre 1978). Le cardinal Wyszyński, en tant que véritable fils de la Terre polonaise, avait vraiment dans son cœur une profonde dévotion à la Sainte Mère de Dieu : de même que sa vocation est née sous son regard maternel ainsi, sous ce même regard, il a confié à Dieu sa propre vie et le sort de la nation polonaise ; c’est ainsi que Marie lui a appris « à ne vivre que pour Dieu et à ne plaire qu’à Lui » dans son service pastoral quotidien.
3 – Une foi inébranlable en Dieu et en sa Providence caractérisait également Mère Elżbieta Róża Czacka. Dès les premières années de son enfance, elle a reconnu les signes de l’appel de Dieu, d’abord à Biała Cerkiew, puis à Varsovie. Frappée par la cécité à l’âge de vingt-deux ans, elle a décidé de consacrer sa vie au service des aveugles qui, à l’époque, ne pouvaient compter ni sur une aide ni sur la possibilité d’obtenir une éducation dans les territoires polonais. Dans ce but, elle a fondé la Société pour le soin des aveugles et la Congrégation des Sœurs franciscaines servantes de la Croix. Elle a ouvert des écoles et organisé des ateliers, adapté l’alphabet braille à la langue polonaise et développé des abréviations orthographiques. Par son extraordinaire diligence et son engagement, la bienheureuse Elżbieta Róża nous montre qu’il n’y a pas d’obstacles pour ceux qui veulent aimer Dieu et aimer comme Lui. Dans sa vie aussi, il y a eu de nombreuses difficultés au milieu desquelles elle a constamment réaffirmé, avec une incroyable espérance, sa fidélité à Dieu qui est amour.
Aujourd’hui, le Cardinal Wyszyński et Mère Czacka sont béatifiés ensemble. C’est comme un complément à la rencontre historique, grâce à laquelle ces bienheureux ont fait connaissance à Laski il y a 95 ans, en 1926. À l’époque, le jeune prêtre avait été édifié par la foi et la persévérance de cette femme qui, mue par l’amour de Dieu, était entièrement dévouée à Dieu et à son prochain. Il s’ensuivit une précieuse collaboration, un partage franc des intentions et des projets. Mais surtout, cela a donné naissance à une communion de foi, d’amour pour Dieu et pour l’être humain nécessiteux et sans défense. Tous deux ont su se remplir mutuellement de force, d’endurance et de courage. Lui s’engageait personnellement pour aider tous ceux qui subissaient des abus et des limitations dans la pratique de leur liberté et la profession de leur foi ; elle, aveugle parmi les aveugles physiques et spirituels, aidait tous ceux qui étaient abandonnés et laissés en marge de la société. Le 19 mai 1961, le cardinal Wyszyński, présidant les funérailles de Mère Czacka, a dit d’elle dans son homélie : la Mère « était une personne qui se tenait constamment devant la face de son Dieu Bon ; une personne qui savait que Dieu est Amour, avant tout – Amour ! Une personne qui puisait sans cesse à la source insondable de l’amour de Dieu ! » Les nouveaux bienheureux d’aujourd’hui ont reçu de cette Nation le bien inestimable de la foi et la vitalité de la tradition séculaire de l’amour pour Dieu. Qu’ont-ils offert au peuple en retour ? Ils ont offert la conviction vitale de la primauté de Dieu (« Soli Deo » – « A Dieu seul » – était la devise épiscopale du Cardinal Wyszyński), qui peut rendre à l’homme sa dignité. Ils ont donné le témoignage d’une vie à tout prix fidèle à l’Évangile. Ils ont laissé un modèle de service à une personne spécifique dans le besoin, même lorsque personne ne se soucie d’elle, et que l’indifférence semble prévaloir.
4 – Chers frères et sœurs ! « Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !» (Lc 1,49).
Faisons nôtres, une fois de plus, les paroles de Marie, le modèle suprême de la vie chrétienne et le plus grand exemple de sainteté. Dans son humilité, elle a accepté l’annonce que la Sagesse éternelle – dont nous avons entendu parler dans le Livre de la Sagesse du Siracide – deviendrait chair dans son sein. Marie, selon les mots de saint Paul dans sa Lettre aux Colossiens, choisie par Dieu, « sainte et bien-aimée » (cf. Col 3,12), a été la mère du Christ non seulement parce qu’elle l’a conçu par l’Esprit Saint, mais aussi parce qu’en elle la « volonté du Père qui est aux cieux » (Mt 12,50) s’est pleinement accomplie. Aujourd’hui, nous célébrons son nom dans une fête liturgique, car le peuple chrétien la considère comme une étoile brillante, l’appelle sa Mère et, en cas de danger, court vers elle comme vers un refuge.
Un jour, le bienheureux Stefan Wyszyński a dit à propos de la Vierge Marie : « Dans les traits d’une mère, nous reconnaissons la plus grande ressemblance avec ses enfants. Ainsi, si nous voulons connaître le Fils, nous devons observer la Mère. La Mère conduit au Fils ! » La beauté du visage du Christ rayonne dans une vie sainte. Le pape François a dit que les saints sont « des témoins […] que nous vénérons que nous vénérons et qui, de mille manières, nous renvoient à Jésus Christ, unique Seigneur et médiateur entre Dieu et l’homme » (François, Audience générale, 7 avril 2021). Ils nous sont donc donnés comme des modèles à suivre, mais aussi comme des intercesseurs auxquels nous pouvons nous adresser avec confiance. Ils sont des modèles parce qu’ils ont été dociles à la grâce qui agissait en eux. Ils sont des intercesseurs parce que, comme nous le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique, « ils contemplent Dieu, ils le louent et ne cessent pas de prendre soin de ceux qu’ils ont laissé sur la terre […] Leur intercession est leur plus haut service du Dessein de Dieu. Nous pouvons et devons les prier d’intercéder pour nous et pour le monde entier » (CEC n° 2683). Confions-nous donc à l’intercession des nouveaux bienheureux, afin que s’allume en nous le désir de vivre comme des saints, car, comme nous le rappelle encore une fois le pape François, « dans notre vie également, bien que faible et marquée par le péché, la sainteté peut éclore » (François, Audience générale, 7 avril 2021).
Pologne, nation de Marie, terre des saints et des bienheureux, dans ce temple de la Providence divine, par l’intercession de la Vierge Marie, du bienheureux Stefan Wyszyński et de la bienheureuse Elżbieta Róża Czacka, demandons aujourd’hui à Dieu de nous accorder la force d’être des témoins fidèles de son amour miséricordieux envers chaque personne nécessiteuse de notre temps. Que les nouveaux bienheureux soient de puissants intercesseurs pour cette Nation méritante, qu’ils soient une lumière pour les autorités de l’état et locales, et qu’ils soutiennent l’Église en Pologne dans une fidélité constante à l’Évangile du Christ.
Sainte Marie, Reine de Pologne,
Bienheureux Stefan Wyszyński,
Bienheureuse Elżbieta Róża Czacka,
Priez pour nous !
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