Les jésuites de la Province d’Europe occidentale francophone ont la tristesse de faire part du décès du cardinal Albert Vanhoye le 29 juillet, âgé de 98 ans. Zenit lui avait rendu hommage à l’occasion de son 98e anniversaire, le 24 juillet 2021
Nous avons spécialement souligné le sens de sa devise cardinalice évoquant l’amour du Coeur du Christ: « Cordi tuo unitus – Uni à ton Cœur ».
Et ceci « pour deux raisons : une raison personnelle et une raison apostolique », explique-t-il. « La raison personnelle remonte à mon enfance, a confié le cardinal Vanhoye. J’ai été éduqué dans un institut du Sacré-Cœur de 4 à 11 ans puis au petit séminaire du diocèse de Lille, dans le nord de la France, où nous faisions l’offrande quotidienne de l’Apostolat de la Prière. Ma dévotion au Cœur de Jésus a commencé précisément à cette période et elle s’est renforcée avec ma vocation à devenir jésuite. Lorsque j’étudiais la philosophie, je faisais partie d’un petit groupe qui en approfondissait les différents aspects et au terme de ma formation, cette orientation s’est encore consolidée. Dans le choix de cette devise il y a également une raison apostolique, celle de suggérer le même comportement spirituel à tous ceux qui la liront. « Uni à ton Cœur » exprime en effet à la fois une intention et une prière : l’intention de vivre uni au Cœur de Jésus en pensée, action, affection et paroles et en même temps une invocation humble et confiante car nous ne pouvons pas obtenir cette union par nous-mêmes, mais il s’agit d’une grâce tellement désirable. »
Communiqué de la Compagnie de Jésus
Province d’Europe occidentale francophone
Albert Vanhoye est né le 24 juillet 1923 à Hazebrouck (diocèse de Lille). En 1941, à 18 ans, il traverse toute la France à pied pour entrer au noviciat de la Compagnie de Jésus à Le Vignau (Landes). Une entreprise courageuse, alors que la moitié de la France est occupée par les Allemands ; pour atteindre la zone libre, il lui faut franchir clandestinement la ligne de démarcation afin de ne pas être pris et envoyé en Allemagne pour s’ajouter au nombre de jeunes hommes qui travaillent pour l’industrie allemande.
Après une licence de Lettres classiques, des études de philosophie et de théologie à Enghien (Belgique), il est ordonné prêtre le 25 juillet 1954. Il fait son « Troisième An » (année de formation spirituelle pour jésuites avant leurs derniers vœux) à Saint-Martin d’Ablois (1955-56) et prononce ses derniers vœux à Rome le 2 février 1959.
En 1956, il est envoyé à l’Institut Biblique Pontifical à Rome, pour des études puis un doctorat sur la structure littéraire de l’épître aux Hébreux. Il enseigne de manière brève à Chantilly, avant de repartir à Rome dès 1962, comme professeur à l’Institut Biblique Pontifical. Il y sera doyen de Faculté de 1969 à 1975, et recteur de l’Institut Biblique de 1984 à 1990.
Il a dirigé pour l’institut 28 thèses de doctorat sur l’épitre aux Hébreux, sur différents thèmes de la théologie paulinienne, sur l’exégèse des Évangiles (Marc et Luc), sur des questions de structure littéraire (Livre de l’Apocalypse).
De longues années secrétaire de la commission biblique pontificale, il a été l’un des grands inspirateurs de deux documents qui prolongent le travail du Concile : L’interprétation de la Bible dans l’Église (1993) et Le Peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne (2001).
Il a également été consulteur de diverses Congrégations pontificales (Congrégation de l’Éducation catholique ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi). Le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait une confiance totale en lui : il faisait appel à Albert Vanhoye à chaque fois qu’un texte pontifical mentionnant l’Écriture ou un livre commentant l’Écriture posait problème. Le cardinal Ratzinger appréciait ce travailleur infatigable, humble et ne désirant que le bien de l’Église. Il était aussi directeur de la revue Analecta Biblica.
Le 24 mars 2006, alors âgé de 83 ans, il est créé cardinal par le pape Benoît XVI pour les « services qu’il a rendus à l’Église avec une fidélité exemplaire et un zèle admirable ».
Il a accompli toutes ces fonctions avec serviabilité, discrétion et efficacité. Cela manifestait d’une part un tempérament relativement timide, mais aussi la richesse de l’homme intérieur. Comme enseignant, ses étudiants ont apprécié sa disponibilité affable à tous, sa rigueur et son souci de la précision dans l’interprétation et la compréhension du texte biblique.
Spirituellement, il a passé toute sa vie à scruter la figure du Christ, à contempler la docilité filiale de Jésus envers Dieu et sa solidarité avec les hommes, à se laisser conduire au cœur miséricordieux du Christ.
Depuis 2013, il résidait dans la communauté Saint-Pierre Canisius : cette communauté jésuite qui accueille notamment les compagnons âgés et malades, est adossée à la Curie générale des jésuites, à côté du Vatican.
Bibliographie
– La structure littéraire de l’Epître aux Hébreux, Tournai, Desclée de Brouwer 1963.
– Situation du Christ. Epître aux hébreux 1 et 2, Paris, Le Cerf 1969.
– Prêtres anciens, prêtre nouveau selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil 1980.
– L’apôtre Paul. Personnalité, style et conception du ministère. Actes de la 34e session des Journées bibliques de Louvain, 27-29 août 1984 édité par A. Vanhoye, Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 73; Leuven, Peeters 1986.
– I carismi nel Nuovo Testamento. Roma, Pontificio Istituto Biblico 1986 .
– Lettera ai Galati, Milano, ed. Paoline 2000.
– La lettre aux Hébreux. Jésus-Christ, médiateur d’une nouvelle alliance, Paris, Desclée 2002.
– Le don du Christ. Lecture spirituelle, Bayard, collection Christus 2005.
– Épître aux Hébreux Un prêtre différent (Rhétorique sémitique 7 ; Paris, Gabalda 2010).
Même une lecture superficielle de la liste des œuvres publiées par Albert Vanhoye montre que sa pensée et son exégèse ont été principalement nourries par la Lettre aux Hébreux. Il a écrit plus de cinquante articles sur d’autres textes et thèmes du Nouveau Testament : par exemple, sur la composition de divers passages et livres (Jean 5, 19-30 ; 1 Corinthiens 12-14 ; le Benedictus ; 1 Thessaloniciens ; le Livre de l’Apocalypse), sur les charismes du Nouveau Testament, sur plusieurs passages de l’Évangile de Jean, sur l’agonie, la passion et la croix du Christ, sur la pistis Christou, sur les Galates, sur le sang et le cœur du Christ, ainsi que sur la relation entre l’exégèse et la théologie. Mais il en a publié cinquante autres sur les Hébreux, ce qui, jusqu’à récemment, est le signe que cet écrit est resté au centre de ses réflexions sur la christologie et la typologie du Nouveau Testament ainsi que sur l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.