L'Ascension du Christ, Giotto, Chapelle des Scrovegni, Padoue (Italie) © DR

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Ascension: « Le Ciel n’est pas l’opposé de la Terre, c’est sa profondeur », par Mgr Follo

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L’Ascension et la mission

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« Par l’Ascension, le Christ nous montre que le Ciel n’est pas l’opposé de la Terre, c’est sa profondeur », explique Mgr Francaesco Follo dans son commentaire des lectures de la messe de l’Ascension qui se célèbre jeudi prochain, 13 mai 2021 dans certains pays et dimanche prochain dans d’autres pour des raisons pastorales.

L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France), souligne aussi le lien entre l’Ascension et la mission, et le caractère « missionnaire » de la virginité consacrée dans l’Eglise.

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un passage du commentaire de saint Augustin (354 – 430) sur la Première Épître de Jean.

AB

Le Ciel n’est pas l’opposé de la Terre, c’est sa profondeur

Prémisse : une petite différence.

Entre le récit des Actes des Apôtres (première lecture de la Messe d’aujourd’hui), et celui de l’Évangile de Marc, il y a de nombreux points communs, mais aussi une petite différence. Dans le récit des Actes, en effet, les disciples restent regardant le ciel pendant que Jésus « partait », et ils ont besoin de l’intervention de « deux hommes en vêtements blancs » pour retourner à Jérusalem et commencer leur mission. L’Évangile, par contre, ne reprend pas ce détail et insiste sur le fait qu’« ils sont sortis et ont prêché partout, tandis que le Seigneur agissait avec eux et confirmait la parole ».

Le récit de l’Évangile nous dit qu’au moment de monter au ciel, le Christ commande à ses disciples (y compris nous) d’agir et d’annoncer, en leur confiant le mandat de continuer son œuvre. Il les investit de la mission près de tous les peuples. Il dit : « Allez dans le monde entier et annoncez l’Évangile à chaque créature. Quiconque croira et sera baptisé sera sauvé, mais quiconque ne croira pas sera condamné. Ce seront les signes qui accompagneront ceux qui croient : en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront de nouvelles langues, ils prendront des serpents et, s’ils boivent du poison, cela ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades et ils guériront »(Mc 16, 15ss).

A ce propos, le Pape François enseigne : « Le contenu de la mission confiée aux Apôtres est le suivant : annoncer, baptiser, enseigner et marcher sur le chemin tracé par le Maître, c’est-à-dire l’Évangile vivant. Ce message de salut implique tout d’abord le devoir de témoignage – sans témoignage il ne peut être proclamé – auquel nous aussi, disciples d’aujourd’hui, sommes appelés à rendre compte de notre foi. Face à une tâche aussi exigeante et en pensant à nos faiblesses, nous nous sentons inadéquats, comme l’ont certainement fait les apôtres eux-mêmes » (Regina caeli, 24 mai 2020).

1) Certitudes et joie. 

Dans le Credo nous récitons: « Jésus est monté aux cieux, il siège à la droite de Dieu ». Cette phrase signifie que nous croyons au fait que l’humanité du Christ est entré dans le cœur de la divinité, que les cieux sont là où Dieu se trouve, que l’amour est le ciel sur la terre. Donc « l’Ascension n’indique pas l’absence de Jésus, mais nous dit qu’Il est vivant au milieu de nous  de manière nouvelle; il n’est plus dans un lieu précis du monde comme il l’était avant l’Ascension ; à présent, il est dans la Seigneurie de Dieu, présent en tout lieu et en tout temps, proche de chacun de nous ». (Pape François, audience générale, 17 avril 2013).

Il est donc correct de dire qu’une des leçons à tirer de l’Ascension c’est que nous aussi nous pouvons aller au ciel mais uniquement si nous restons liés à Jésus. Si nous Lui confions notre vie, si nous nous laissons guider par Lui, soyons sûrs que nous serons en de bonnes mains, dans les mains de notre Sauveur, de notre avocat défenseur. « Dans notre vie, nous ne sommes jamais seuls : nous avons cet avocat qui nous attend, qui nous défend. » (Ibid.).

Une autre leçon à tirer c’est que nous devons avoir bien à l’esprit qu’entrer dans la gloire de Dieu exige une fidélité quotidienne à sa volonté, même lorsque cela demande du sacrifice et d’accepter notre croix quotidienne, parce que : « L’élévation sur la Croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au ciel » (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 662). Dans cette montée au Ciel « le Seigneur crucifié et ressuscité nous guide; avec nous il y a beaucoup de frères et de sœurs qui, dans le silence et l’anonymat, dans leur vie de famille et au travail, dans leurs problèmes et difficultés, dans leurs joies et espérances, vivent quotidiennement leur foi et apportent au monde, avec nous, la Seigneurie de l’amour de Dieu, en Jésus Christ ressuscité, monté au Ciel, » (Pape François, Audience générale, 17 avril 2013)

La troisième leçon à tirer nous la trouvons dans la première lecture de la messe d’aujourd’hui. L’Ascension du Seigneur y est décrite comme saint Luc le raconte dans les Actes des apôtres. L’épisode nous dit comment posséder en nous la joie des apôtres, joie due à leur certitude que Jésus ressuscité est toujours présent dans la vie personnelle et dans la vie de la communauté.

Cette certitude et cette joie, nous pouvons nous aussi les avoir si nous demandons, d’un cœur sincère, la bénédiction que Jésus donna aux apôtres avant de s’élever au ciel.

De cette manière nous aussi, comme les apôtres, nous ne vivrons pas l’Ascension du Ressuscité comme un détachement, comme une absence permanente du Seigneur.

De cette manière, notre certitude s’affirmera et nous aurons confirmation que Jésus crucifié et ressuscité est bien vivant et qu’en Lui les portes de Dieu, les portes de la vie éternelle, sont ouvertes aux hommes pour toujours.

De cette manière, le jour de l’Ascension, nous pouvons nous aussi éprouver de la peine à le voir partir, mais il y a en nous la certitude, la joie, de savoir que le Christ est à nos côtés,  même s’il s’agit d’une présence différente de celle qu’il avait sur terre. « Lui qui fut un homme il y a deux mille ans, continue de vivre aujourd’hui dans l’histoire comme âme de l’Eglise » (H.U. von Balthasar).

 2) Ascension et Mission.

Dans le bref récit (troisième lecture de ce dimanche) de saint Marc sur l’Ascension, nous voyons que, plus que sur l’Ascension en soi, Jésus ressuscité nous invite à tirer les conclusions de sa montée auprès du Père : les apôtres et avec eux tous les chrétiens de tous les temps, nous sommes ses envoyés, ses missionnaires qu’Il a envoyés dans le monde entier pour répandre l’Evangile: « Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (Mc 16, 20). Jésus monte au ciel et les disciples vont dans le monde. Mais le départ de Jésus n’est pas une vraie absence, plutôt une autre forme de présence: « Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole » (cf. ibid.). «  L’Ascension n’est pas un parcours de nature cosmique et géographique mais c’est la navigation du cœur qui conduit de la dimension du repliement sur soi à la dimension nouvelle de l’amour divin qui embrasse l’univers” (Benoît XVI, 10 mars 2010).

Cette invitation du Christ à embrasser l’univers en annonçant à tous les hommes l’évangile  « Allez dans le monde entier » (Mc 16, 15),  n’a pas été perçue comme une folie, mais comme une mission d’amour pour  apporter le salut à tous.

L’Ascension marque un tournant sur le chemin de la rédemption. Depuis Jérusalem où s’est accomplie la mission du Christ, qui a dit sur la Croix « Tout est accompli », la mission rédemptrice confiée aux apôtres se dilate pour prendre une dimension universelle. Le groupe, jusqu’ici compact, se dissout physiquement parlant, mais pas affectivement. Alors que le rédempteur «  part » vers le ciel, les apôtres partent chacun dans une direction géographique différente, mais profondément unis entre eux et au Christ. La tradition précise la destination de chacun: pour Pierre Antioche et Rome, pour Matthieu l’Ethiopie, pour Thomas l’Inde et ainsi de suite.  Mais elle se concentre surtout sur l’apôtre qu’on nous a richement décrit, Paul de Tarse, l’infatigable voyageur qui alla porter l’évangile dans l’actuelle Turquie, en Grèce et à Rome.

Et après lui nous remercions la liste sans fin de missionnaires qui, depuis vingt siècles, avec tant d’héroïsme, souvent vécu jusqu’au martyre, continuèrent et continuent encore l’œuvre des apôtres, pour faire participer le plus grand nombre à cette vie, bonne, sainte, vraie et heureuse  que l’évangile de Jésus annonce et réalise depuis deux millénaires. Comme eux nous devenons des missionnaires de joie. Nous annonçons que Dieu est «  communion » d’un amour éternel ; qu’il est « joie infinie », de cette joie  qui ne reste pas repliée sur elle-même mais s’étend à tous ceux qu’Il aime et qui l’aiment.

C’est vraiment miraculeux qu’un groupe de onze hommes ait réussi à développer un « organisme », le Corps Mystique, où se sont retrouvés et se retrouvent aujourd’hui des millions et des millions de croyants. C’est humainement impossible.  On a l’explication dans les paroles qui nous été rapportées: « Le Seigneur agissait avec eux ». Et dans un but bien précis. Le groupe compact, formé de Jésus et des premiers apôtres, ne s’est pas dissous, il s’est répandu dans le monde entier. Ils ne sont pas dispersés: ils sont unis dans la foi, dans l’amour et dans l’espérance. L’espérance, en particulier, de se retrouver unis, aux côtés de Celui qui nous a tous précédés auprès du Père, le sien et le nôtre.

Les verbes utilisés  par le Christ pour cet envoi en mission gardent toute leur actualité:

– ‘aller’ indique le dynamisme et le courage de s’immerger dans de nouvelles situations du monde;

– ‘proclamer l’Evangile’, pour que les peuples deviennent les disciples du Personne plus que d’une Doctrine;

– ‘croire’ en l’annonce d’une foi qui comprend, certes, une connaissance de ses vérités et des événements liés au salut, mais part surtout d’une vraie rencontre avec Dieu en Jé
sus Christ, de notre amour pour Lui, de notre confiance en Lui, au point d’y engager toute notre vie.

– ‘baptiser’ souligne le sacrement qui transforme et introduit les personnes dans la vie trinitaire et ecclésiale. Le baptême, le sacrement qui nous donne l’Esprit Saint, faisant de nous des fils de Dieu en Jésus Christ, et marque notre entrée dans la communauté de foi, dans l’Eglise: croire ne vient pas tout seul, sans recevoir la grâce de l’Esprit; et l’on ne croit pas tout seuls, mais en union avec nos frères.  « Avec le baptême, nous sommes plongés dans cette source intarissable de vie qui est la mort de Jésus, le plus grand acte d’amour de toute l’histoire ; et grâce à cet amour, nous pouvons vivre une vie nouvelle, n’étant plus en proie au mal, au péché et à la mort, mais dans la communion avec Dieu et avec nos frères » (Pape François, audience générale, 8 janvier 2014).

 3) Le caractère missionnaire de la virginité.

Qu’il est beau de réfléchir aux dernières paroles de Jésus, lorsqu’il envoie les siens prêcher au milieu de ce monde qui, on ne le dirait pas, mais a besoin d’infini, de vérité, d’amour, d’espérance, de joie, ce que le Ciel est et possède.

Cette tache est si grande qu’elle nous fait trembler nous aussi, aujourd’hui.

On s’attendrait plutôt à la voir entre les mains d’anges que confiée aux pauvres êtres humains que nous sommes. Voilà pourquoi  Jésus garantit Sa présence «  en travaillant avec nous et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnent » (cf. Mc 16,20).

C’est une tache pour tous les baptisés, car grâce au baptême tous les chrétiens deviennent des disciples missionnaires et sont appelés à transmettre l’Evangile au monde.

Mais les Vierges consacrées, comment sont-elles missionnaires dans le monde?

En étant des icônes, des images vivantes du Christ chaste, pauvre et obéissant (cf.  Concile Vat. II, Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, Perfectae Caritatis, 1) devant la communauté ecclésiale et humaine.

Et comment peuvent-elle « dépeindre » le Christ vivant ?

En entretenant une communion avec Dieu et avec ses frères et ses sœurs en humanité, une communion que la solitude à laquelle elles sont appelées fait grandir et non pas diminuer. Les vierges sont ainsi, des missionnaires, si elles «  utilisent » leur affectivité et leur corps comme le Christ l’a fait: non pas pour posséder ou pour être possédés mais pour être en communion avec tous ceux qu’elles rencontrent.

Bref, la vocation singulière des vierges consacrées indique une mission bien claire : exalter la dignité de la femme en témoignant, dans la vie du monde où elles sont plongées, du sens plein de l’amour qu’elles ont reçu de Jésus Christ pour le donner à leurs frères et sœurs en humanité.

 

Lecture Patristique

Saint Augustin (354 – 430)

Commentaire sur la Première Épître de Jean, 4,2-3 (SC 75, 220-224)

Nous croyons en Jésus que nous n’avons pas vu. Ceux qui l’ont vu et qui l’ont touché, qui ont entendu la parole de sa propre bouche, nous l’ont annoncé. Ils ont été envoyés par lui pour persuader le genre humain de la vérité. Ils n’ont pas eu l’audace d’y aller eux-mêmes. Et où ont-ils été envoyés? Vous l’avez entendu, quand on nous a lu l’Évangile: Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création (Mc 16,15). Les disciples ont donc été envoyés partout. On les croyait parce que, confirmés par des signes et des prodiges, ils disaient ce qu’ils avaient vu. Et nous, nous croyons en celui que nous n’avons pas vu, et dont nous attendons le retour. Tous ceux qui l’attendent avec joie se réjouiront alors. Et ceux qui ne croient pas, lorsque viendra ce qu’ils ne voient pas maintenant, seront couverts de honte.

Demeurons donc dans ses paroles pour éviter d’être confondus quand il viendra. Car lui-même dit dans l’Évangile à ceux qui avaient cru en lui: Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples. Et comme s’ils avaient demandé pour quel avantage, il ajoute: Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres (Jn 8,31-32). Car, pour le moment, notre salut existe en espérance, pas encore en réalité. Puisque nous ne tenons pas encore ce qui a été promis, nous espérons seulement que cela viendra. Il est fidèle, celui qui a promis, il ne te trompe pas. Mais de ton côté, ne succombe pas, attends la promesse, car la vérité ne peut pas tromper. Et toi, ne sois pas menteur en professant une chose tandis que tu en fais une autre. Garde la foi, et lui gardera sa promesse. Mais si tu ne gardes pas la foi, c’est toi qui es coupable de fraude, non celui qui a promis.

Puisque vous savez que Dieu est juste, reconnaissez aussi que tout homme qui vit selon la justice de Dieu est vraiment né de lui (1Jn 2,29). Actuellement notre justice vient de la foi. La justice parfaite ne se trouve que chez les anges, et même pas chez eux si on les compare à Dieu. Pourtant s’il y a une justice parfaite dans les âmes et les esprits créés par Dieu, c’est bien chez les anges saints, justes et bons que nulle chute n’a fait dévier, qu’aucun orgueil n’a fait tomber, mais qui demeurent toujours dans la contemplation du Verbe de Dieu et qui trouvent leur unique douceur en celui qui les a créés. En eux la justice est parfaite, et en nous, par la foi, elle commence à exister selon l’Esprit.

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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