Thérèse d'Avila, peintre anonyme (1630), @ DP

Thérèse d'Avila, peintre anonyme (1630), @ DP

C’est la prière qui a fait d’elle une « femme exceptionnelle » (traduction complète)

Thérèse d’Avila docteur de l’Eglise: message du pape François

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« L’audace, la créativité et l’excellence de sainte Thérèse comme réformatrice sont le fruit de la présence intérieure du Seigneur » et c’est par la prière qu’elle est devenue une « femme exceptionnelle », explique le pape François.

Un congrès international intitulé « Une femme exceptionnelle » (« Mujer excepcional »), est en effet organisé à l‘Universidad Católica Santa Teresa de Jesús de Ávila, du 12 au 15 avril 2021, à l’occasion du 50e anniversaire de la proclamation de sainte Thérèse d’Avila comme docteur de l’Église, par le pape Paul VI.

Rappelons que le 27 septembre 1970, S. Paul VI a fait de sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) la première femme à recevoir le titre de docteur de l’Église, puis ce furent sainte Catherine de Sienne, le 4 octobre 1970, sainte Thérèse de Lisieux en 1997 (S. Jean-Paul II) et sainte Hildegarde de Bingen en 2012 (Benoît XVI).

Comme nous l’indiquions déjà le 13 avril, le pape François a adressé pour ce congrès un message en espagnol, à l’évêque d’Avila, Mgr José Maria Gil Tamayo, reçu au Vatican avec une délégation le 17 décembre 2020.

Le pape François a aussi adressé un message vidéo aux participants, ce 15 avril. Il a parlé de la sainteté comme « la vocation de tous les croyants », totalement différente pour chacun: « La sainteté ne se copie pas, car même cela pourrait nous éloigner du chemin unique et différent qu’a le Seigneur pour chacun de nous. Ce qui est important c’est que chaque croyant discerne son propre chemin, chacun de nous a son chemin de sainteté, de rencontre avec le Seigneur. »

Voici notre traduction rapide, de travail, de ce message du pape François.

AB

Message du pape François

Je salue les participants au congrès universitaire qui commémore le cinquantième anniversaire de la proclamation de sainte Thérèse de Jésus comme docteur de l’Église.

L’expression «femme exceptionnelle», qui donne son titre à votre rencontre, a été utilisée par saint Paul VI [1]. Nous sommes devant une personne qui s’est démarquée dans de nombreuses dimensions. Cependant, il ne faut pas oublier que sa pertinence reconnue dans ces dimensions n’est rien de plus que la conséquence de ce qui était important pour elle: sa rencontre avec le Seigneur, sa «détermination déterminée», comme elle le dit, à
de persévérer dans l’union avec Lui  grâce à la prière [2], son ferme propos de mener à bien la mission qui avait été confiée par le Seigneur auquel elle s’offre avec simplicité en disant, dans ce langage simple et on pourrait dire même de paysanne: « Je suis vôtre, je suis née pour vous. Qu’ordonnez-vous qu’il soit fait de moi ? » [3].

Thérèse de Jésus est exceptionnelle, avant tout, parce qu’elle est sainte. Sa docilité à l’Esprit l’unit au Christ et elle demeure « toute embrasée dans l’amour de Dieu » [4]. Elle exprime son expérience par de belles paroles en disant: « Je me suis toute livrée et j’ai déjà tout donné et j’ai eu la chance de faire ce troc, mon Bien-aimé est à moi, et je suis à mon Bien-aimé » [5]. Jésus a enseigné que « la bouche parle de ce qui déborde du coeur » (Lc 6, 45). L’audace, la créativité et l’excellence de sainte Thérèse comme réformatrice sont le fruit de la présence intérieure du Seigneur.

Nous disons que nous sommes en train de vivre non pas une époque de changements, mais un changement d’époque [6]. Et dans ce sens, ces jours ont des similitudes avec le XVIe siècle où la sainte a vécu. Comme alors, maintenant aussi les chrétiens sont appelés à ce que, à travers nous, la puissance de l’Esprit Saint continue de renouveler la face de la terre (cf. Ps 104,30 Vlg), avec la certitude qu’en dernier lieu ce sont les saints qui permettent au monde d’avancer vers son but ultime.

Il est bon de se souvenir de l’appel universel à la sainteté dont parlait le Concile Vatican II (cf. LG 39-42). « Pour tous les chrétiens, l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain » – c’est ce que dit le numéro 40 de Lumen Gentium.

La sainteté n’est pas seulement pour certains « spécialistes du divin », mais c’est la vocation de tous les croyants. L’union au Christ, dont les mystiques comme sainte Thérèse font l’expérience de manière spéciale par pure grâce, nous la recevons par le baptême. Les saints nous stimulent et nous motivent, mais ils ne sont pas là pour que nous essayions de les copier littéralement, la sainteté ne se copie pas, car même cela pourrait nous éloigner du chemin unique et différent qu’a le Seigneur pour chacun de nous. Ce qui est important c’est que chaque croyant discerne son propre chemin [7], chacun de nous a son chemin de sainteté, de rencontre avec le Seigneur.

En fait, sainte Thérèse elle-même avertit ses moniales que la prière n’est pas de faire l’expérience de choses extraordinaires, mais pour que nous soyons unis au Christ. Et le signe que cette union est réelle ce sont les œuvres de charité. « C’est à cela que sert la prière, mes filles, dit-elle dans Les Demeures. C’est à ça que sert ce mariage spirituel: qu’il en naisse toujours des oeuvres, des oeuvres » [8]. Déjà auparavant, dans ce même livre, elle avait averti: « Quand je vois des âmes très diligentes pour comprendre la prière qu’elles ont et très encapuchonnées quand elles y sont, qu’il semble qu’elles n’osent pas faire bouillir ou secouer leur pensée pour que ne parte pas le peu de goût et de dévotion qu’elles ont eu , me fait voir à quel point ils comprennent peu le chemin par lequel on atteint l’union, et elles pensent que toute l’affaire est là. Non, mes sœurs, non; ce sont des œuvres que le Seigneur veut; et si vous voyez une malade à laquelle vous pouvez apporter du soulagement, ne prétextez rien pour perdre cette dévotion et aies compassion d’elle… Voilà la vraie union avec sa volonté » [9]. Dans Les Demeures aussi elle dit cela. En définitive, « ce qui mesure la perfection des personnes, c’est leur degré de charité, pas la quantité de données, de connaissances accumulées » [10], et d’autres choses de ce style.

Sainte Thérèse nous enseigne que le chemin qui a fait d’elle une femme exceptionnelle et une personne de référence à travers les siècles, le chemin de la prière, est ouvert à tous ceux qui s’ouvrent humblement à l’action de l’Esprit dans leur vie, et que le signe que nous avançons sur ce chemin est d’être de plus en plus humble, plus attentif aux besoins de nos frères, de meilleurs enfants du Saint Peuple de Dieu. Un tel chemin n’est pas ouvert à ceux qui se considèrent purs et parfaits, les Cathares de tous les siècles, mais à ceux qui, conscients de leurs péchés, découvrent la beauté de la miséricorde de Dieu, qui accueille tous, rachète tous et appelle tous à son amitié.

Il est intéressant de voir comment la conscience de son être pécheur est ce qui ouvre la porte au chemin de la sainteté. Sainte Thérèse, qui se considérait comme très « méchante et misérable » – c’est ainsi qu’elle se définit -, reconnaît que la bonté de Dieu « est plus grande que tous le mal que nous pouvons faire, et elle ne se souvient pas de notre ingratitude … Souvenez-vous de ses paroles et regardez ce qu’il a fait avec moi, dit-elle, que je me suis lassée de l’offenser, avant que Sa Majesté ne cesse de me pardonner ». Nous nous lassons d’offenser Dieu, de prendre des chemins étranges, avant que Dieu ne cesse de nous pardonner. Lui ne se lasse jamais de pardonner. Nous nous nous lassons de demander pardon, et c’est là que réside le danger. « Le Seigneur ne se lasse jamais de donner, et ses miséricordes ne peuvent pas s’épuiser. Ne nous lassons pas de recevoir » [11], en ouvrant le coeur avec humilité. Un de ses passages préférés de l’Ecriture était le premier verset du psaume 89 dont elle a fait, en quelque sorte la devise de sa vie: « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur ». Ce « faire miséricorde » de Dieu.

La prière a fait de Sainte Thérèse une femme d’exception, une femme créative et innovante. A partir de la prière, il découvre l’idéal de fraternité qu’elle a souhaité concrétiser dans les couvents fondés par elle: « Ici, toutes doivent être des amies, elles doivent toutes s’aimer, elles doivent toutes se chérir, elles doivent toutes s’entraider » [12]. Et quand je vois les « disputes » dans certains couvents, à l’intérieur d’un couvent, ou les « disputes » entre couvents, « je suis d’ici », « je suis de là », « j’interprète comme cela », « j’accepte cela de l’Eglise, je ne l’accepte pas ». Les pauvres moniales oublièrent la fondatrice, ce qu’elle leur a enseigné.

Dans la prière, elle a su qu’elle était traitée en épouse et amie par le Christ ressuscité. A travers la prière, elle s’est ouverte à l’espérance. Et avec cette pensée, je désire terminer cette salutation? Nous vivons, comme la docteure de l’Eglise, des moments difficiles, des moments pas faciles qui ont besoin d’amis de Dieu fidèles, des amis forts [13].

La grande tentation c’est de céder à la déception, à la résignation, au présage fatal
et infondé que tout ira mal. Ce pessimisme infertile, ce pessimisme des gens
incapable de donner la vie. Certaines personnes, effrayées par ces pensées, ont tendance à s’enfermer, à se réfugier dans des choses petites . Je me souviens de l’exemple d’un couvent, où toutes ses religieuses étaient abrité dans des choses petites. Le couvent s’appelait de Sainte … je ne dirai pas de qui il s’agit, ni que c’était dans telle ville, mais on l’appelait le « Couvent, petite chose, petite chose, petite chose », parce qu’elles étaient toutes enfermées dans des choses petites, comme refuge, dans des projets égoïstes qui ne construisent pas la communauté, mais la détruisent. En revanche, la prière nous ouvre, nous permet de goûter que Dieu est grand, qu’il est au-delà de l’horizon, que Dieu est bon, qu’il nous aime et que l’histoire ne s’est pas échappée de ses mains.

Il se peut que l’on marche dans des ravins obscurs (cf. Ps 23,4), n’en ayez pas peur si le Seigneur est avec vous, mais Il n’arrête pas de marcher à nos côtés et de nous conduire vers le but auquel nous aspirons tous: la vie éternelle. Nous pouvons avoir le courage de faire de grandes choses, car nous savons que nous sommes les bien-aimés de Dieu [14].

Que rien ne te trouble
que rien ne t’effraie,
tout passe,
Dieu ne change pas,
la patience obtient tout ;
celui qui possède Dieu
ne manque de rien :
Dieu seul suffit.

Que Jésus vous bénisse et que la Vierge et Saint Joseph vous accompagnent. Et n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

***

NOTES

[1] Paul VI, Homélie pour la proclamation de sainte Thérèse de Jésus comme docteur de l’Église (27 septembre 1970).

[2] Cf. Le Chemin de la perfection (Valladolid), 21,2.
[3] Poésies, 5 (la numérotation est citée d’après l’édition de Editorial de Espiritualidad, Madrid 1944).
[4] Cf. Vie, 29, 13.
[5] Poésies, 2.
[6] Cf. Discours à la curie romaine à l’occasion des voeux de Noël (21 décembre 2019).

[7] Cf. Gaudete et exultate, 11.
[8] Les Demeures VII, 4, 6.
[9] Les Demeures V, 3,11.
[10] Gaudete et exultate, 37.
[11] Vie, 19, 15.
[12] Le Chemin de la perfection (Valladolid), 4, 7.
[13] Cf. Vie, 15, 5.
[14] Cf. Vie, 10, 6: « C’est impossible, selon notre nature ».

 

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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