La première question posée au pape François sur le vol Bagdad-Rome (dans un A330 de l’Alitalia), ce lundi 8 mars 2021, portait sur le Document sur la fraternité humaine et la seconde sur un projet de voyage du pape François au Liban: le pape a dit qu’il irait…
Le pape a remercié les journalistes : « Merci de votre travail et de votre compagnie… et de votre fatigue! » En tout 74 journalistes avaient été admis dans l’avion papal (75 mais un s’est désisté), dont l’envoyée spéciale de Zenit, Anne Kurian Montabone, et des nuits courtes… beaucoup de déplacements, de mesures de sécurité, et … de travail!
Voici notre traduction, de l’italien, de la question d’un confrère libanais, Imad Abdul Karim Atrach (Sky News Arabia), et de la réponse du pape François.
AB
Imad Abdul Karim Atrach – Sainteté, il y a deux ans, à Abou Dhabi, ont eu lieu la rencontre avec l’imam Al-Tayeb d’Al-Azhar et la signature de la Déclaration sur la fraternité. Il y a trois jours, vous avez rencontré Al-Sistani : peut-on penser à quelque chose de semblable également avec le versant chiite de l’islam ?
Et une deuxième question sur le Liban : saint Jean-Paul II disait que, plus qu’un pays, c’est un message. Aujourd’hui, malheureusement, je vous le dis en tant que Libanais, ce message est désormais en train de disparaître. Une visite de votre part au Liban est-elle imminente ?
Pape François – Le document d’Abou Dhabi du 4 février [2019] a été préparé en secret avec le grand imam pendant six mois, en priant, en réfléchissant et en corrigeant le texte. Cela a été – c’est un peu présomptueux de le dire, prenez cela comme une présomption – un premier pas de ce que vous me demandez. Nous pouvons dire que ce serait le second et il y en aura d’autres. Le chemin de la fraternité est important. Le document d’Abou Dhabi a laissé en moi l’inquiétude de la fraternité, et puis [l’encyclique] Fratelli tutti est sortie. Il faut étudier ces deux documents parce qu’ils vont dans la même direction, sur le chemin de la fraternité.
L’ayatollah Al-Sistani a une phrase dont j’essaie de bien me souvenir : les hommes sont frères par la religion ou égaux par la création. Dans la fraternité, il y a l’égalité, mais nous ne pouvons pas aller au-dessous de l’égalité. Je crois que c’est aussi un chemin culturel.
Pensons à nous, les chrétiens, à la guerre de Trente ans, à la nuit de la Saint-Barthélemy, pour donner un exemple. De la façon dont change la mentalité parmi nous : parce que notre foi nous fait découvrir que c’est cela, la révélation de Jésus est l’amour et la charité et nous conduit à cela ; mais combien de siècle pour les mettre en œuvre ! C’est important, la fraternité humaine, en tant qu’hommes, tous frères ; et nous devons aller de l’avant avec les autres religions.
Le Concile Vatican II a fait un grand pas sur ce plan, et aussi les institutions par la suite, le Conseil pour l’unité des chrétiens et le Conseil pour le dialogue interreligieux. Le cardinal Ayuso nous accompagne aujourd’hui.
Tu es humain, tu es enfant de Dieu et tu es mon frère, point ! Ce serait cela, l’indication la plus grande et parfois, il faut prendre un risque pour faire ce pas. Vous savez qu’il y a des critiques : que le pape n’est pas courageux, que c’est un inconscient qui fait des pas contre la doctrine catholique, qu’il est à un pas de l’hérésie, il y a des risques. Mais ces décisions se prennent toujours dans la prière, le dialogue, en demandant conseil, dans la réflexion. Ce n’est pas un caprice et c’est aussi dans la ligne que le Concile a enseignée.
J’arrive à la seconde question : le Liban est un message, le Liban souffre, le Liban est plus qu’un équilibre, il a la faiblesse de la diversité, certaines pas encore réconciliées, mais il a la force du grand peuple réconcilié, comme la force des cèdres. Le patriarche Raï m’a demandé de faire une étape à Beyrouth, pendant ce voyage mais cela m’a semblé trop peu… Une miette devant un problème, devant un pays qui souffre comme le Liban. Je lui ai écrit une lettre, j’ai fait la promesse de faire un voyage. Mais en ce moment, le Liban est en crise, mais une crise – je ne veux pas offenser – une crise de vie. Le Liban est si généreux dans l’accueil des réfugiés.
Copyright – Traduction de Zenit, Hélène Ginabat