Mme Doha Sabah Abdallah, Qaraqosh, 7 mars 2021 © Vatican Media

Mme Doha Sabah Abdallah, Qaraqosh, 7 mars 2021 © Vatican Media

Le pardon d’une maman de Qaraqosh: un témoignage qui touche le pape, en Irak

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L’époque de la terreur et du « noun » sur les maisons chrétiennes (1)

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« Ce qui m’a le plus touché, confie le pape François à la presse dans l’avion de Rome, ce 8 mars 2021, c’est le témoignage de cette mère à Qaraqosh… C’est une femme qui a perdu son fils, pendant les tous premiers bombardements de Daesh, et elle a utilisé ce mot : le pardon. » Ce mot, a-t-il regretté, « nous l’avons perdu dans nos pratiques : on sait parfaitement insulter ; on sait condamner et moi le premier… mais pardonner, pardonner aux ennemis, c’est l’Evangile pur ».

« Nous, les survivants, essayons de pardonner à l’agresseur, parce que le notre Maître Jésus a pardonné à ses bourreaux », a dit cette maman de Qaraqosh (Bakhdida en araméen ou Baghdeda), d’un air grave, dans son ensemble noir.

Le pape François avait déjà rendu hommage à cette maman, Mme Doha Sabah Abdallah, dans son discours de Qaraqosh, dimanche 7 mars, en disant: « Une chose qu’a dite Madame Doha m’a bouleversé: elle a dit que le pardon est nécessaire de la part de ceux qui ont survécu aux attaques terroristes. Pardon: c’est une parole clé.  »

Mais voit-on bien de quel pardon il s’agit? Il faut se souvenir de la terreur répandue par Daesh : beaucoup de chrétiens du monde ont ajouté à ce moment-là un « noun » cette lettre de l’alphabet arabe à leurs noms sur les réseaux sociaux en signe de solidarité.

Le pape lui-même évoqué ce déferlement de terreur (2014-2017) dans son discours de Mossoul: « Une tempête aussi inhumaine, avec d’antiques lieux de culte détruits et des milliers et des milliers de personnes – musulmanes, chrétiennes, les yézidis, qui ont été anéantis cruellement par le terrorisme, et autres – déplacées de force ou tuées! ». »

Une copie d’un document comportant les prix de vente d’esclaves chrétiennes et yézidies par Daesh à Mossoul avait été remise au pape François dans l’avion Rome-Bagdad par la journaliste espagnole Eva Fernández de la radio de la Conférence épiscopale « COPE ». Non seulement les maisons des chrétiens étaient marquées par la lettre « noun », mais ils devaient payer la djizîa, la taxe djihadiste ou se convertir à l’islam, ou quitter la ville sinon, ils seraient « passés par l’épée ». D’où l’exode massif de dizaines de milliers de chrétiens.

Voilà dans quel contexte il faut replacer le « pardon » de Mme Doha Sabah Abdallah, pour comprendre aussi combien le pape François en a été touché.

« De cette église détruite et reconstruite, symbole de l’espérance de Qaraqosh et de tout l’Irak, j’implore de Dieu, par l’intercession de la Vierge Marie, le don de la paix », a ensuite écrit le pape François sur le livre d’or de l’église de l’Immaculée.

Voici notre traduction du témoignage de Mme Doha Sabah Abdallah (Qaraqosh, 7 mars 2021):

Je suis Doha Sabah Abdallah, de Baghdeda – Qaraqosh

Je vous raconte ce que j’ai vécu et que je vis encore: la grâce de l’espérance que j’ai reçue.

Le matin du 6 août 2014, la ville de Baghdeda a été réveillée par le vacarme d’un bombardement. tous nous savions que l’ISIS était aux portes, et que trois semaines plus tôt, il avait envahi les villes et villages des Yézidis, les traitant avec cruauté. Nous avons donc fui la ville, laissant nos maisons; après deux ou trois jours nous sommes revenus, soutenus par notre foi forte et par la conviction que, étant chrétiens, nous sommes prêts au martyre.

Ce matin-là, nous étions occupés avec les choses habituelles et les enfants jouaient devant nos maisons, lorsqu’un accident est survenu qui nous a obligés à partir. J’ai entendu un tir de mortier et j’ai couru hors de la maison. Les voix des enfants se sont tues alors que les cris des adultes s’intensifiaient. Ils m’ont informé de la mort de mon fils et de son cousin, et de la jeune voisine qui se préparait au mariage.

Le martyre de ces trois anges a été un avertissement clair: sans cela, le peuple de Baghdeda serait resté et il serait tombé inévitablement entre les mains de l’Etat islamique. La mort des trois a sauvé toute la ville.

Ce n’est pas facile pour moi d’accepter cette réalité, car la nature humaine se superpose souvent à l’appel de l’Esprit. Cependant, notre force vient sans aucun doute de notre foi dans la Résurrection, source d’espérance. Ma foi me dit que mes enfants sont dans les bras de Jésus Christ notre Seigneur.

Et nous, les survivants, essayons de pardonner à l’agresseur, parce que le notre Maître Jésus a pardonné à ses bourreaux.

En l’imitant dans nos souffrances, nous témoignons que l’amour est plus fort que tout.

Traduction de Zenit – Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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