Conférence de presse de retour d'Irak, Bagdad-Rome, 8 mars 2021 © Zenit

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Bagdad-Rome : les grandes lignes de la conférence de presse du pape

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« Ce qui m’a le plus touché »

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Ce qui l’a le plus touché en Irak, sa rencontre avec le grand ayatollah Al-Sistani, sa fatigue, mais aussi ses prochaines destinations internationales… le pape François a répondu aux questions des journalistes, lors de sa traditionnelle conférence de presse de retour de voyage, lors du vol Bagdad-Rome, ce 8 mars 2021. Nous en donnons ici les grandes lignes.

Un voyage à risque sécuritaire et sanitaire, alors que la pandémie de Covid n’est pas terminée, mais pour lequel le pape François a affirmé avoir beaucoup prié et beaucoup consulté avant de prendre sa décision.

« Ce qui m’a le plus touché, a-t-il confié durant le dialogue de cinquante minutes, c’est le témoignage de cette mère à Qaraqosh… C’est une femme qui a perdu son fils, pendant les tous premiers bombardements de Daesh, et elle a utilisé ce mot : le pardon. » Ce mot, a-t-il regretté, « nous l’avons perdu dans nos pratiques : on sait parfaitement insulter ; on sait condamner et moi le premier… mais pardonner, pardonner aux ennemis, c’est l’Evangile pur ».

Autre moment marquant pour le pape : « Quand je me suis arrêté devant l’église détruite (lors de la prière pour les victimes des guerres, dans les ruines de Mossoul, ndlr), je n’avais pas de mots… C’est incroyable cette cruauté », s’est-il indigné, en pointant du doigt la responsabilité des vendeurs d’armes : « Mais qui vend les armes à ces destructeurs ? … Je demanderais au moins à ceux qui vendent ces armes d’avoir la sincérité de dire, ‘ce sont nous qui vendons les armes’. »

Aux origines du voyage ? Le cadeau d’un journaliste. « Un de vous m’a offert une édition espagnole de “Pour que je sois la dernière“. Je l’ai lu en italien, c’est l’histoire des Yézidis. Nadia Murad y raconte des choses terrifiantes… Cela a été l’inspiration de Dieu pour prendre ma décision. » Les yézidis « ne se sont pas soumis au pouvoir de Daesh », et cela « leur a donné une force très grande », a-t-il affirmé par ailleurs.

Dans le Kurdistan irakien, le pape a repris les bains de foule après un an de distanciation sanitaire : « Après ces mois de prison – vraiment je me suis senti un peu prisonnier – cela c’est pour moi revivre. Revivre, en touchant l’Eglise, en touchant le saint peuple de Dieu, en touchant tous les peuples. »

Le grand ayatollah, un homme de Dieu

Le pape François a rendu un hommage appuyé au grand ayatollah Al-Sistani qu’il a rencontré à Nadjaf, berceau de l’islam chiite, le 6 mars : « J’ai senti le devoir de faire ce pèlerinage de foi et de pénitence et d’aller voir un grand, un sage, un homme de Dieu… Il a été si respectueux pendant notre rencontre que je me suis senti honoré. Il ne se lève jamais habituellement pour saluer, mais s’est levé pour me saluer par deux fois. Un homme humble et sage. Cette rencontre m’a fait du bien à l’âme. »

Il a estimé qu’on trouvait de tels sages « partout », parce que « la sagesse de Dieu a été semée dans le monde entier ». De même, a-t-il ajouté, les saints « ne sont pas seulement ceux qui sont sur les autels » mais sont « les saints de tous les jours, de la porte d’à côté, des saints hommes et saintes femmes qui vivent leur foi quelle qu’elle soit avec cohérence, la fraternité et les valeurs humaines avec cohérence ».

Revenant sur la Déclaration d’Abou Dhabi sur la Fraternité humaine (février 2019), qui, a-t-il expliqué, « a été préparée avec l’imam (Ahmed al-Tayeb, grand imam d’al-Azhar, au Caire, ndlr) en secret pendant 6 mois », le pape a évoqué les critiques émises contre ses initiatives interreligieuses : « Ces décisions se prennent toujours par la prière, dans le dialogue, en demandant conseil. C’est une réflexion, pas un caprice. »

Les prochains voyages en projet

Le pape a également expliqué qu’il ne retournerait pas en Argentine s’il devait démissionner : « Je resterais ici dans mon diocèse. » Il a raconté le projet avorté d’un voyage dans son pays en novembre 2017, afin qu’on ne l’accuse pas de « patri-phobie », a-t-il plaisanté : « Quand il y aura une opportunité, il faudra le faire, parce que l’Argentine, l’Uruguay, le sud du Brésil ont une très grande composition culturelle. »

Parmi les prochains voyages envisagés, il a cité la Hongrie pour « la messe finale du Congrès eucharistique » prévu à Budapest en septembre 2021. La capitale hongroise étant « à deux heures de voiture de Bratislava », le pape a laissé suggérer qu’il pourrait se rendre en même temps en Slovaquie.

Au Moyen-Orient, « il y a seulement l’hypothèse – et même la promesse – du Liban », a-t-il ajouté, exprimant sa proximité à « la Syrie martyre et bien aimée », sans pour autant envisager de déplacement.

Mais le pape de 84 ans a aussi confié sa fatigue après ce voyage – « beaucoup plus qu’au cours des autres » – de trois jours très denses, au cours duquel il a sillonné l’Irak en visitant six villes.

La migration est un droit humain

Répondant à une question de la presse francophone, il a confié qu’il avait songé à des initiatives pour les chrétiens du Moyen-Orient, mais pas à un synode dédié, soulignant que cette idée soufflée dans l’avion serait peut-être « la première graine » vers un tel projet.

Sur la fuite massive des Irakiens, le pape a rappelé que la migration était « un double droit: le droit de migrer et le droit de ne pas migrer ». Mais eux, a-t-il déploré, « n’ont pas les deux » : « ils ne peuvent pas ne pas migrer, ils ne sont jamais en mesure de le faire, mais ils ne peuvent pas non plus migrer parce que le monde n’a pas encore pris conscience que la migration est un droit humain… la migration est vue comme une invasion ».

A Erbil, le pape a d’ailleurs rencontré le père d’Alan Kurdi, enfant retrouvé mort sur une plage de Turquie tandis qu’il tentait de fuir en Méditerranée avec sa mère et son frère : « Cet enfant-là est un symbole, a dit le pape aux 74 journalistes présents à bord. (…) C’est le symbole d’une civilisation morte ». Et le pape d’appeler « des mesures urgentes pour que les gens aient du travail dans leur pays et n’aient pas besoin de migrer ».

Au sujet des réfugiés, il a salué spécialement la Jordanie : « Malheureusement nous ne survolerons pas le pays alors que (…) le roi Abdallah voulait nous rendre hommage au passage de l’avion, je le remercie maintenant… la Jordanie a été très généreuse, plus d’un million et demi de migrants. »

Enfin, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, il a affirmé que les femmes étaient « plus courageuses que les hommes », et qu’elles « font avancer l’histoire ».

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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