« Les crises de la foi ne sont pas des fautes contre la foi… elles révèlent le besoin d’entrer toujours plus dans la profondeur du mystère de Dieu », affirme le pape François dans un entretien avec le p. Marco Pozza, dont le quotidien Il Corriere della Sera a publié des extraits le 27 février 2021.
Le pape y est en conversation avec l’aumônier de la prison de Padoue pour 7 épisodes télévisés qui seront diffusés sur la chaine Nove – Discovery Italia – et pour un ouvrage intitulé « Des vices et des vertus » (“Dei vizi e delle virtù”, éditions Rizzoli), qui sortira le 2 mars. Le thème s’inspire de la fresque de Giotto dans la chapelle des Scrovegni à Padoue, représentant les vices et les vertus (justice/injustice, force/inconstance, tempérance/colère, prudence/sottise, foi/infidélité, espérance/désespoir, charité/envie).
« Il y a de nombreuses personnes vertueuses, il y a des personnes vicieuses, mais la majorité sont un mélange de vertus et de vices, souligne le pape. Certains sont bons dans une vertu mais ont quelques faiblesses. Parce que nous sommes tous vulnérables. Et nous devons prendre au sérieux cette vulnérabilité existentielle. Il est important de le savoir, comme guide de notre chemin, de notre vie. »
Le pape parle notamment de la colère, « une tempête dont le but est de détruire », donnant l’exemple du harcèlement scolaire : « Les petits aussi ont la capacité de détruire l’autre. (…) Le harcèlement naît lorsque, au lieu de chercher son identité, on diminue et on attaque l’identité de l’autre (…). L’unique façon de ‘guérir’ du harcèlement est de partager, de vivre ensemble, de dialoguer, d’écouter l’autre, de prendre du temps car c’est le temps qui fait la relation. Chacun de nous a quelque chose de bon à donner à l’autre, chacun de nous a besoin de recevoir de l’autre quelque chose de bon. »
La colère de Dieu en revanche, a pour but d’apporter ‘ »la justice, de nettoyer » : « Le déluge (…) est une figure de la colère de Dieu, qui selon la Bible a vu trop de mauvaises choses et décide de supprimer l’humanité… Dieu a déchaîné sa colère, mais il a vu un juste, l’a pris et l’a sauvé. L’histoire de Noé montre que la colère de Dieu est aussi salvatrice. »
Evoquant la découverte archéologique de traces d’un grand déluge, « peut-être à cause d’un réchauffement climatique et de la fonte des glaciers », le pape prévient : « C’est ce qui se passera maintenant si nous continuons sur la même voie. »
Il s’arrête aussi sur la prudence, qui n’est pas la vertu de « celui qui ne se salit jamais, qui se lave avec du désinfectant », mais la « vertu du gouvernement ». « Celui qui gouverne sans prudence gouverne mal et fait de mauvaises choses, il prend de mauvaises décisions, qui détruisent le peuple, toujours », ajoute-t-il.
Pour le pape, « la prudence va de pair avec la sympathie, avec l’empathie pour les situations, les personnes, le monde, les problèmes ». Et la prudence n’est pas toujours l’équilibre » : « Parfois la prudence doit être déséquilibrée, pour prendre des décisions qui produisent un changement. »
Au fil de l’entretien, il médite aussi sur le doute : « Le diable te met en doute, puis la vie, puis les tragédies : pourquoi Dieu permet-il cela ? Mais une foi sans doute ne va pas (…). Le problème c’est de ne pas avoir de patience. Dans le Jardin des oliviers, Jésus homme était-il content ?… Penser être abandonné par Dieu est une expérience de foi qu’ont ressenti tant de saints et de personnes d’aujourd’hui… mais ils ne perdent pas la foi. Ils protègent ce don : en ce moment je ne sens rien, mais je protège le don de la foi. »
Et le pape d’estimer : « Au chrétien qui n’est jamais passé à travers ces états d’âme il manque quelque chose (…). Une foi sans ces épreuves, je doute que ce soit une vraie foi. »