Edith Bruck enfant, capture @ L’Osservatore Romano

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L’entretien avec Edith Bruck qui a touché le pape (traduction complète)

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« Il suffit de quelques gestes pour sauver le monde »

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« Il suffit de quelques gestes pour sauver le monde », affirme l’écrivain et poétesse Edith Bruck, juive d’origine hongroise, dans un entretien à L’Osservatore Romano en italien du 27 janvier 2021 mené par Francesca Romana De’ Angelis. Survivante de la Shoah, son témoignage a touché le pape, qui est allé la rencontrer chez elle à Rome samedi dernier, 20 février, comme Andrea Monda l’a rapporté.

Le camp de concentration, c’était « la cruauté systématique, le mal absolu », mais Edith Bruck, qui a été sauvée par l’amour et la tendresse dont l’entourait sa soeur, raconte aussi les « moments de lumière » dans l’horreur.

Elle exprime aussi son espérance « dans les jeunes générations, dans une confiance humaine et civile toujours plus enracinée et diffuse » et dans « ce grand Pape, François » : « J’ai apprécié sa clarté, la simplicité de celui qui parle pour se faire comprendre, la force de ses convictions, sa compréhension pour la fragilité humaine, son humilité pour dire ‘qui suis-je pour juger’. »

Voici notre traduction de cet entretien.

AKM

La mémoire c’est la vie, l’écriture en est la respiration

Edith Bruck est née en 1931 dans un petit village hongrois, la dernière des six enfants d’une famille juive pauvre. En avril 1944, avec ses parents et deux frères elle est déportée dans le ghetto du chef-lieu et ensuite dans les camps d’Auschwitz, Dachau, Bergen-Belsen. Survivante avec sa sœur Judit, elle rejoint l’Italie après plusieurs années et s’établit à Rome. Là elle commence à écrire en italien, une « langue qui n’est pas la sienne » qui finira par devenir la sienne, afin de raconter l’expérience terrible de la déportation. Elle a développé une activité dans divers secteurs, journalisme, théâtre, cinéma, traductions mais son engagement dans l’écriture et le témoignage a été constant. Parmi ses œuvres on peut citer : Qui ti ama cosi (1959), Andremo in città (1962), Lettera alla madre (1988), Quanta stella c’è nel cielo (2009, adapté dans le film de Faenza, Anita B.), La donna del cappotto verde (2012), La rondine sul termosifone (2017), Ti lascio dormire (2019) et le très récent Il pane perduto (La nave di Tesco, 2021).

Affable, gentille, souriante, une manière de parler avec fermeté mais douceur, on ne pourrait jamais imaginer l’enfer dans lequel a vécu Edith Bruck et dont elle est revenue. A la voir, on ne devine pas son âge. Un corps mince et agile, un visage qui est resté beau et des yeux clairs qui conservent des éclairs de tendresse et de stupeur, Edith n’a rien d’une presque nonagénaire, elle ressemble plutôt à la petite fille aux tresses blondes qui sourit à la vie sur une photographie. Elle se raconte dans sa maison au centre de Rome, où le soleil généreux de janvier illumine la pièce et les deux canapés blancs entourés de livres et de tableaux. Elle raconte avec une mémoire prodigieuse non seulement les évènements, qu’elle reconstitue dans ses plus petits détails, mais aussi les pensées et les sentiments de ceux qui ont vécu la déportation et l’extermination. Auschwitz, Dachau, Bergen-Belsen : trois noms qui à leur seul énoncé vous coupent la respiration. Elle parle et je l’écoute mais parfois la douleur se fait tellement insupportable que la parole s’espace et les yeux se remplissent de larmes. Edith pleure et moi avec elle. Quand elle se remet à parler je reprends mon stylo mais devant la feuille blanche je me demande comment on peut raconter avec des paroles humaines cette horreur infinie. Et pourtant, Edith Bruck a dédié sa vie au témoignage. Ce sont deux inconnus, dont elle recueillit les dernières paroles au camp de concentration de Bergen-Belsen, qui lui demandèrent de témoigner : « Raconte, ils ne te croiront pas, mais si tu survis raconte, raconte pour nous ». Edith a tenu fidèlement sa promesse.

Je voudrais commencer par la question qui me vient toujours devant mes interlocuteurs : quel sont tes premiers souvenirs de ta vie ? Cependant j’ai quelques scrupules à parler de mémoire avec toi.

Merci pour ta délicatesse, mais je te répondrai volontiers. En tous cas c’est une « bonne » mémoire que j’ai cherché à protéger et à conserver. Le premier souvenir est lié à un moment de grand bonheur : quand pour un sujet dédié au printemps je vis un feuillet avec une hirondelle dessinée en couleurs. Derrière, Klara Tarpai, ma maîtresse, avait écrit : « A ma meilleure élève, la plus méritante ». Je courus à la maison en volant, vraiment comme une hirondelle, pour la montrer à ma mère et à mes frères.

Parle nous de ta famille.

Nous étions six enfants. Mes deux grandes sœurs Sara et Mirjam vivaient à Budapest où elles étaient allées pour apprendre le métier de tailleur et mon frère David était parti pour aller travailler sitôt les classes élémentaires terminées. A la maison, dans un petit village hongrois à la frontière de la Slovaquie, nous étions ma sœur Judit, mon frère Jonas et moi, les derniers de la nichée. Notre famille était pauvre, là où très peu avait une valeur immense. Nous habitions dans deux pièces avec un toit en paille. Je me rappelle le bruit d’une goutte d’eau qui tombait et ma mère qui traquait la pluie en disposant des écuelles. Mais je me souviens aussi de la joie pour un bonbon, pour les rubans rouges qui me liaient les tresses, pour la première véritable poupée que je reçue en cadeau de ma sœur Mirjam. Jusque là mes poupées étaient inventées avec du maïs ou de l’argile. Je me souviens aussi quand, après la mort de ma grand-mère, nous trouvâmes, dans une poche cousue de son vêtement, un petit trésor. Quelques billets de banque, deux alliances, et une petite chaine en or avec l’étoile de David. Cette petite somme que notre grand-mère avait défendue du besoin avec ténacité, signifiait une nouvelle maison, minuscule mais avec un toit en tuiles rouges et un beau saule qu’on voyait de la fenêtre.

Et tes parents ?

Ma mère était très belle, un regard bleu qui virait vers le violet et un sourire qui illuminait le monde, mais une expression sévère enlevait un peu de sa beauté. Mon père était un homme indulgent, pas bavard et encore moins expansif. Je me rappelle son baiser quand il partit pour la guerre et d’un autre quand il revint. « La pauvreté agressive » disait ma mère qui ne pardonnait pas à son mari toute cette misère. Mon père partait dès la nuit et allait en ville vendre des bêtes pour le compte d’autres, mais il n’avait aucun sens des affaires et récoltait très peu de ce dur métier. En plus, nonobstant les difficultés pour mettre un plat de soupe sur la table, il était d’une générosité extraordinaire. Ma mère disait « A celui qui frappe ouvre, à celui qui tend la main donne ». Un soir mon père rentra à la maison sans son manteau. A ma mère qui lui demandait pourquoi, il répondit qu’il l’avait donné à quelqu’un qui en avait plus besoin que lui.

Quand arrivèrent les premiers signes de persécution ?

Nous étions trois juives dans notre classe, toutes confinées au dernier rang. Une fois les camarades d’école me jetèrent des orties, une autre fois ils provoquèrent des chiens contre nous. Mes amies furent renvoyées de l’école, j’eus le privilège de continuer encore quelque temps grâce aux décorations que mon père avait récoltées à la guerre. Parfois il arrivait qu’étant devant la fontaine ils nous poussent au bout de la file ou que quelqu’un crache dans les trous pleins d’eau. Ensuite il y avait les interdictions. On ne pouvait pas sortir de la maison après 18 heures ni quitter le village ou voyager. « Le monde est malade – disait ma mère – mais Dieu nous sauvera » c’était cela son incroyable confiance. Ce fut une grande ombre qui continua à s’élargir inexorablement jusqu’à ce que s’établisse le brouillard le plus complet et que commence l’horreur insensée de la déportation.

Deux mots reviennent souvent dans tes récits. Le premier est « pain », peut-être parce que c’est un mot qui veut dire nourriture, faim, travail, mais aussi poésie, art, foi c’est-à-dire vie et symbole à la fois. N’est-ce pas le cas du titre de ton livre qui vient de sortir qui est « Le pain perdu » (La Nave di Teseo, 2021) ? Ce sont des pages d’une tragique beauté où tu racontes ton histoire marquée par l’horreur de la déportation que tu conclues par une émouvante « Lettre à Dieu ».

L’enfer commença autour du pain. C’était le printemps 1944 et la Pâque juive venait de se terminer lorsque qu’une voisine nous donna de la farine. Ma mère était heureuse de cette abondance inattendue, ses mains volaient joyeusement pour mélanger les ingrédients, ensuite la pâte reposa dans de grandes écuelles de bois pour lever. A l’aube, ma mère s’était levée pour allumer le feu lorsque deux gendarmes frappèrent violement à la porte jusqu’à l’enfoncer. Ils nous mirent dehors avec tous les juifs du village, d’abord sur des charriots trainés par des chevaux, ensuite dans un train jusqu’au chef-lieu où nous fûmes enfermés dans le ghetto. Ma mère se désespérait pour ce pain abandonné : ces cinq pains représentaient la vie qui s’en va. En quelque sorte le pain m’a accompagnée pendant toute ma vie de déportée désespérée, comme un désir et comme une recherche de normalité. Je n’ai jamais volé à personne le moindre croûton de pain, malgré la faim qui me rongeait. Je me souviens que le dernier geste de ma mère dans ce train qui nous conduisait à Auschwitz, ce fut de donner une tranche de pain à une femme qui allaitait un nourrisson.

Qu’advint-il dans le ghetto ?

Nous étions prisonniers sans pouvoir imaginer notre futur, et pourtant advint quelque chose de très beau. De manière spontanée naquit une sorte de démocratie. Ensemble, riches, pauvres et très pauvres alors que dans le pays existait une hiérarchie sociale très rigide qui divisait. Pour la première fois je jouais avec le fils du médecin. Ensuite, mon père qui n’avait jamais rien eu dans la vie, eut le privilège d’être chanteur de la Torah. Ma mère le regardait avec des yeux songeurs, en l’écoutant elle était émue. Arriva un autre évènement extraordinaire. Un ami de mon père qui n’était pas juif apporta un charriot plein de nourriture. Ce geste me toucha beaucoup, pas seulement parce que pour nous c’était la manne tombée du ciel, mais aussi parce que cela venait de Gyula, un homme qui d’une certaine manière m’était cher. C’était le père de Endre, un gymnaste studieux et cultivé qui aimait les poètes, mon premier et délicat amour qui me fit découvrir combien c’est enchanteur de se regarder quand on s’aime. Grâce à lui, encore une fois, mon père devint le héros : pauvre comme il l’était, il pouvait donner à manger aux autres. La générosité de Gyula ne fut pas seulement nourriture mais aussi lumière.

Voilà, tu viens juste de prononcer le second mot que tu utilises souvent, « lumière ». Tellement plus belle parce qu’elle resplendit dans le brouillard profond et insensé de l’extermination.

Ce précieux charriot de nourriture fut une lumière, comme furent des lumières de nombreux autres moments. Une semaine avant la fin du mois de mai ils nous chargèrent dans des wagons à bestiaux. Je me souviens du sentiment de honte et d’humiliation face à ce nazi qui nous déclara dans notre langue « Bon voyage ». Nous n’étions plus des hongrois mais seulement des juifs et surtout nous ne serons plus pour eux des créatures humaines. Le train avançait, avançait et nous, nous ne savions pas vers où. De ces moments terribles je me souviens d’une autre lumière, ma mère. Elle me peignait, elle me tressait les cheveux, elle les liait avec les deux rubans rouges et me tenait fermement la main dans les siennes. Jai vécu les moments les plus tendres de ma vie même si parfois je pensais : si maman est si bonne, pour nous c’est donc la fin. Ensuite il y eut les lumières qui à cette époque ne me paraissaient pas comme telles mais que j’ai réalisées seulement plus tard.

Veux-tu nous raconter ces moments ?

Arrivés à Auschwitz, aussitôt descendus du train les allemands procédaient en nous répartissant d’un côté et de l’autre. A ce moment nous ne savions pas à quoi correspondait cet aiguillage, mais nous l’apprîmes tout de suite : à droite on était envoyé vers les travaux forcés c’est-à-dire l’anéantissement par la faim, le froid et l’épuisement, à gauche vers les chambres à gaz. A Judit ils indiquèrent la droite, à ma mère et moi la gauche. Un allemand nous arrêta et m’intima de passer à droite. Je m’accrochais à ma mère en criant « non, non ». Ma mère suppliait le soldat de me laisser avec elle et je lui dis aussi que j’étais sa fille la plus jeune. Pour toute réponse le soldat lui donna un coup avec le fusil en me répétant, à droite, à droite. Ma mère me dit seulement « obéis-lui » et je fus contrainte d’aller à droite pleurant désespérément. Cet allemand en m’arrachant à ma mère me sauva la vie. Ils nous amenèrent au baraquement numéro 11, un papier fixé au col avec le numéro 11152 qui à partir de ce moment était substitué à mon nom. Une fois mes cheveux coupés, et disparues mes belles tresses que ma mère traitait avec tant d’amour, ils nous firent endosser une grosse blouse grise et rêche et des sabots aux pieds. Je ne faisais que pleurer appelant ma mère. Un matin, Alice, une kapo, une juive polonaise surveillante pour le compte des allemands, m’amena à l’entrée du baraquement et me dit : « Tu vois cette fumée ? Ils ont fait du savon avec ta mère ». Je ne dis rien à ma sœur, je m’imposais de ne pas croire à ces paroles, mais je continuais à pleurer pendant des jours.

C’est un épisode d’une barbarie impensable.

Le camp c’était cela, la cruauté systématique, le mal absolu. Et pourtant, comme je l’ai dit précédemment, des moments de lumière, il y en a eu. A Dachau où nous travaillions à creuser des tranchées et aux traverses des rails, un jour un soldat allemand me lança sa gamelle afin que je la lave, mais au fond il avait laissé de la compote pour moi. Quelques temps plus tard, ma sœur et moi, nous fumes sélectionnées dans un groupe de 15 femmes qui auraient à travailler dans les cuisines d’un château à peu de distance de l’endroit où logeaient quelques officiers avec leurs familles. Si ce n’était la gifle que chaque matin le SS nous donnait sans raison ou les exécutions des enfants auxquelles nous étions contraintes d’assister hors du camp, ces jours furent les moins difficiles de notre vie dans les camps. Une épluchure, une feuille, un morceau de verdure, il y avait toujours quelque chose à se mettre discrètement dans la bouche. Et là, un jour s’alluma une autre lumière. Le cuisinier auquel j’étais en train de passer des pommes de terre nettoyées, me demanda mon nom. Je lui dis « Edith » avec une voix faible qui tremblait, et lui ajouta : « J’ai une fille de ton âge ». Ensuite il sortit de sa poche un peigne et regardant ma tête avec ses cheveux qui avaient à peine repoussé il me le donna. Après tant de temps j’eus la sensation d’être une personne humaine. Ce geste qui était la vie, l’espérance, m’émut. Il suffit de quelques gestes pour sauver le monde.

Commente peut-on survivre au milieu de tant d’horreur ?

Je ne sais pas te répondre. Mes parents et un de mes chers frères n’ont pas survécu. Je pense que je me suis sauvée uniquement grâce à ma sœur. Elle me serrait dans ses bras, elle me répétait qu’elle ne me lâcherait jamais, elle me laissait entendre que nous retrouverions bientôt nos parents, ensuite elle m’appelait « Ditke, Ditke », c’était le diminutif affectueux qu’on utilisait en famille. Pour moi c’était la voix de l’amour et de la tendresse.

Comment on retourne à la vie après tellement d’horreur ?

C’est difficile d’être un survivant. Quand on apprit le suicide de Primo Levi, c’est ce à quoi j’ai pensé dans la douleur insupportable de la nouvelle. Nous étions amis, « frères et sœurs des camps » disions-nous en plaisantant, mais je ne lui ai pas pardonné son geste. La vie n’appartient pas seulement à nous, mais aussi à l’histoire.

Tu as vécu un vrai paradoxe : l’enfance et l’adolescence détruites par l’horreur et par les persécutions et ensuite pendant soixante ans une vie riche d’amour, un lien affectif sentimental et intellectuel extraordinaire, avec ton mari Nelo Rizzi.

Après une longue odyssée j’avais rejoint l’Italie, mais les premières expériences de travail ne furent pas heureuses, ainsi que je le raconte dans le livre dont tu viens de parler « Il pane perduto ». Un soir je fus invitée à assister à une rencontre avec un groupe de documentalistes de retour de Chine. Au repas qui suivit dans un restaurant de la via delle Carrozze, nous étions une douzaine à table, je me retrouvais assise en face de Nelo. Avant même d’avoir échangé une seule parole, il entra dans mon âme. Les autres étaient distraits par un téléviseur qui surmontait à un angle de la salle et transmettait la célèbre émission de l’époque Lascia o Raddoppia avec Mike Bongiorno, nous en profitâmes pour parler. Nelo avait commandé comme entrée du saucisson et il me l’offrit. Je dis « non merci » et lui essaya de me convaincre en disant qu’il était bon, doux. A ce moment je lui dis « je suis juive » et j’ajoutais aussi « j’ai été déportée ». A ces mots Nelo resta le souffle coupé, sembla se retirer, se faire petit petit, avec sa tranche de jambon qui continuait à pendre de sa fourchette restée à l’arrêt au milieu de l’air. C’était un homme d’une extraordinaire moralité, d’une honnêteté lumineuse : il aimait la liberté, l’engagement civil, il détestait l’argent et les compromis, il avait un sens très profond de la liberté et de la justice. En même temps il était un poète et le sens pratique de l’existence lui échappait. Un jour dans notre maison une souris entra dans la baignoire. Je venais d’une civilisation paysanne où une souris on la tue. Cela ne lui vint même pas à l’idée : il ferma la salle de bain cherchant à convaincre la souris de reprendre sa liberté en sortant par la fenêtre. J’ai aimé Nelo pour son fond et ses défauts et j’ai été à ses côtés jusqu’au dernier jour dans cet outrage et cet abysse qu’est la maladie d’Alzheimer.

Que crains-tu aujourd’hui et qu’est-ce qui te donne une raison d’espérer ?

Je crains l’intolérance, le manque de dialogue, la défiance vis-à-vis de l’autre, je crains ces courants de fascisme qui soufflent toujours plus souvent et s’insinuent dangereusement dans nos vies. J’espère dans les jeunes générations, dans une confiance humaine et civile toujours plus enracinée et diffuse. J’espère dans ce grand Pape, François. Quand je l’ai rencontré, il me dit avec simplicité « le plaisir de me connaître », ensuite il me sourit et m’embrassa. Il y avait une chaleur si rassurante en lui. J’ai apprécié sa clarté, la simplicité de celui qui parle pour se faire comprendre, la force de ses convictions, sa compréhension pour la fragilité humaine, son humilité pour dire « qui suis-je pour juger ». En face du Pape François j’ai pensé « ceci est un homme » et j’éprouve un sentiment d’espérance.

Journalisme, télévision, cinéma, traductions, tu as fait tant de choses mais surtout tu t’es toujours engagée à écrire et à témoigner l’expérience dramatique des camps.

« Si comprendre est impossible, connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer », ce sont les paroles de Primo Levi que j’ai faites miennes. Je n’ai jamais nourri haine ni sentiments de vengeance, plutôt de l’incrédulité et une peine infinie. Le mal génère seulement le mal. Je m’enorgueillis d’avoir un père victime et je serais honteuse jusqu’au plus profond de mon cœur d’un père bourreau. Ce souvenir est une souffrance, mais je ne m’en suis jamais soustraite. Même illuminer une seule conscience vaut la peine et la douleur de tenir vivant le souvenir de ce qui est arrivé. Pour moi la mémoire est la vie et l’écriture en est la respiration.

Traduction de Zenit, Hugues de Warren

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Hugues de Warren

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