Jorge Mario Bergoglio jeune jésuite, photo: Compañía de Jesús

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« Un temps pour changer »: « Les trois covid du pape François »

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« Si tu le laisses te transformer, tu en sors meilleur »

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« J’ai vécu trois Covid dans ma propre vie : ma maladie, l’Allemagne et Cordoba », confie le pape François à Austen Ivereigh dans le nouveau livre du pape « Un temps pour changer » qui paraîtra en français chez Flammarion le 2 décembre 2020.

Le pape conclut sa confidence en disant: « Voilà mes trois Covid personnelles. Ce que j’ai compris, c’est que tu souffres beaucoup, mais si tu le laisses te transformer, tu en sors meilleur. Et si tu t’enfonces, tu en ressors pire. »

La maladie, à 21 ans

Le pape se souvient de la maladie qui a atteint ses poumons lorsqu’il avait 21 ans: « Quand je suis tombé vraiment malade à l’âge de vingt et un ans, c’était ma première expérience de la limite, de la douleur et de la solitude. Cela a changé ma façon de voir la vie. Pendant des mois, je n’ai pas su qui j’étais, ni si j’allais vivre ou mourir. Les médecins ne savaient pas non plus si j’allais m’en sortir. Je me souviens d’avoir serré ma mère dans mes bras et de lui avoir dit : dis-moi seulement si je vais mourir. J’étais en deuxième année de formation pour le sacerdoce au séminaire diocésain de Buenos Aires. »

Il raconte l’ablation du lobe supérieur droit de l’un de ses poumons: « Je me souviens de la date : le 13 août 1957. J’ai été emmené à l’hôpital par un préfet qui s’est rendu compte que ma grippe n’était pas le genre de celle que l’on traite avec de l’aspirine. Ils m’ont tout de suite enlevé un litre et demi d’eau du poumon et je suis resté là, à me battre pour ma vie. En novembre, ils m’ont opéré pour enlever le lobe supérieur droit d’un poumon. J’ai une idée de ce que ressentent les personnes atteintes du coronavirus lorsqu’elles luttent pour de l’oxygène sous respirateur. »

Il souligne le rôle qu’on joué deux infirmières dans ce chemin de croix, dont l’une lui a sauvé la vie: « Je me souviens surtout de deux infirmières de cette époque. L’une d’entre elles était l’infirmière en chef, une sœur dominicaine qui avait été enseignante à Athènes avant d’être envoyée à Buenos Aires. J’appris plus tard qu’à la suite du premier examen médical, une fois le médecin parti, elle demanda aux infirmières de doubler la dose de médicaments – essentiellement de la pénicilline et de la streptomycine – qu’il avait prescrits. Elle savait en effet par expérience que j’étais en train de mourir. Sœur Cornelia Caraglio m’a sauvé la vie. Grâce à son contact régulier avec les malades, elle comprenait mieux que le médecin ce dont ils avaient besoin, et elle avait le courage d’agir en fonction de son expérience. »

L’autre a pris l’initiative de soulager sa douleur: « Une autre infirmière, Micaela, a fait de même lorsque j’avais des douleurs intenses, me prescrivant secrètement des doses supplémentaires d’analgésiques en dehors des heures prévues. Cornelia et Micaela sont au paradis maintenant, mais je leur devrai toujours beaucoup. Elles se sont battues pour moi jusqu’à la fin, jusqu’à mon complet rétablissement. Elles m’ont appris ce que c’est que de recourir à la science mais aussi de savoir la dépasser pour répondre à des besoins particuliers. »

Déracinement et purification

Plus loin, le pape évoque sa souffrance en Allemagne, ce qu’il appelle « la Covid du déracinement », un « déracinement volontaire », pour sa thèse : la solitude d’être « déstabilisé ».

Et sa « troisième Covid », c’est un « autre déracinement », lorsqu’il est envoyé « à Cordoba entre 1990 et 1992 »: « J’ai passé un an, dix mois et treize jours dans la résidence des jésuites. » Il a vécu « une sorte de confinement, d’isolement ».

« La Covid de Cordoba a été une véritable purification », explique le pape qui fait ce bilan de cette période: « Elle m’a donné une plus grande tolérance, une meilleure compréhension, une capacité de pardon et une empathie renouvelée pour les faibles et les sans-pouvoir. Et la patience, beaucoup de patience, qui est le don de comprendre que les choses importantes ont besoin de temps, que le changement est inexorable, qu’il y a des limites et que nous devons travailler à l’intérieur de celles-ci tout en gardant les yeux sur l’horizon, comme l’a fait Jésus. J’ai appris l’importance de voir ce qu’il y a de grand dans les petites choses, et de considérer ce qu’il a de petit dans les grandes choses. C’était une période de croissance à bien des égards, le genre de croissance nouvelle qui advient après une taille sévère. »

Extraits de « Un temps pour changer -traduction française- copyright Austen Ivereigh.

Tous droits réservés.

© 2020-Flammarion 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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