« Ce n’est pas moi qui ai reçu le titre, mais le Synode », affirme le cardinal désigné Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques : « Lorsque j’ai rencontré le personnel du Secrétariat l’autre jour, j’ai précisé ceci: je suis devenu cardinal parce que je suis avec vous. La synodalité pour le Saint-Père a une grande valeur. »
C’est ce que le futur cardinal a dit à Vatican News en italien, le 31 octobre 2020, quelques jours après que le pape François a annoncé un consistoire pour la création de 13 cardinaux, prévu le 28 novembre, veille de l’entrée dans l’Avent.
« Le Synode signifie que chacun doit être écouté, explique Mgr Grech. Le Synode signifie qu’un cercle plus large est appelé à répandre ce que l’Esprit dit à l’Église. »
En évoquant l’encyclique du pape François Fratelli tutti, il souligne que « si le pape avec sa nouvelle encyclique nous a appelés à cette fraternité mondiale, le Synode et la synodalité sont des outils qui aident la communauté ecclésiale précisément à devenir plus frères et sœurs ».
Mgr Grech souligne également que ce n’est pas à sa « personne », mais plutôt à sa « fonction » que le pape François a « confié » le titre cardinalice. Lors de sa dernière rencontre avec le pape, explique-t-il, « on n’a pas parlé du cardinalat ». « En fait, nous avons parlé des engagements que j’ai dans mon bureau. Cela confirme que le Saint-Père m’a appelé à cette dignité précisément parce que je suis le secrétaire général du Synode des évêques. »
La nomination « était une grande surprise » pour Mgr Grech : « Même maintenant, quelques jours se sont écoulés, je ne peux pas croire que j’ai été jugé digne de ce ministère, dit-il. Je viens d’une toute petite paroisse et d’un diocèse tout aussi petit, et donc, en un certain sens, je ne comprends pas pourquoi, de la périphérie de l’Église, le pape m’a appelé. D’un autre côté, je peux comprendre que les petites choses comptent aux yeux de Dieu, aux yeux du Saint-Père et aux yeux de l’Église. »
Mgr Grech décrit aussi le cardinalat comme « un appel renforcé » à annoncer l’Évangile : « Il n’y a pas d’autre sens pour notre vocation dans l’Église et dans le monde que de s’engager à annoncer l’Évangile, à aider l’homme d’aujourd’hui à rencontrer Jésus-Christ », dit-il.
Le cardinal désigné revient sur ce même sujet dans une interview accordée à La Civiltà Cattolica, le 2 novembre 2020 : « Nous devons … espérer que cette crise, dont les effets nous accompagneront pendant longtemps, sera un moment opportun pour nous, en tant qu’Église, pour ramener l’Évangile au centre de notre vie et de notre ministère. Beaucoup sont encore « analphabètes de l’Évangile ». »
L’Église « paraît trop cléricale »
En répondant aux questions du directeur de la revue jésuite, le p. Antonio Spadaro, et de Simone Sereni, rédacteur en chef, Mgr Grech dénonce « un certain cléricalisme » qui est apparu « pendant la pandémie » : « De nombreuses initiatives pastorales de cette période, explique-t-il, étaient centrées sur la seule figure du prêtre » et « dans la situation qui empêchait la célébration des sacrements, nous ne nous rendions pas compte qu’il y avait d’autres manières de faire l’expérience de Dieu ».
Mais « la fidélité du disciple à Jésus, poursuit le prélat maltais, ne peut être compromise par le manque temporaire de la liturgie et des sacrements ». Mgr Grech explique: « Je trouve curieux que beaucoup se soient plaints de ne pas pouvoir recevoir la communion et célébrer les funérailles à l’église, mais que peu se soucient de savoir comment se réconcilier avec Dieu et avec les autres, comment écouter et célébrer la Parole de Dieu et comment vivre le service. »
L’Église « paraît trop cléricale, insiste le cardinal désigné, et le ministère est contrôlé par les clercs ». « Même les laïcs se laissent souvent conditionner par un modèle de cléricalisme fort », dénonce Mgr Grech, selon lequel « on s’inquiète en dehors du contexte eucharistique ou on se sent perdu parce qu’on ne connaît pas d’autres manières de s’engager dans le mystère ».
Le secrétaire général du Synode tire la sonnette d’alarme : « Ce sera un suicide si, après la pandémie, on revient aux mêmes modèles pastoraux que nous avons pratiqués jusqu’à présent. » Pour cette raison, « nous devons réfléchir pour nous interroger sur la richesse des ministères laïcs dans l’Église, pour comprendre si et comment ils se sont exprimés ».
S’il n’y a pas d’église domestique, l’Église n’a pas d’avenir
Autre thème soulevé avec La Civiltà Cattolica : la famille comme église domestique. La grande Église communautaire « est composée de petites églises qui se réunissent dans les maisons », affirme Mgr Grech : « Si l’église domestique échoue, l’Église ne peut pas subsister. S’il n’y a pas d’église domestique, l’Église n’a pas d’avenir! »
Le cléricalisme resurgit également dans ce contexte: c’est « l’une des perversions de la vie presbytérale et de l’Église, malgré le fait que le Concile Vatican II a retrouvé la notion de famille comme ‘église domestique’ et a développé l’enseignement sur le sacerdoce commun », explique-t-il. « Ce n’est pas la famille qui est une filiale de l’Église, mais l’Église doit être une filiale de la famille, affirme Mgr Grech. Dans la mesure où la famille est la structure fondamentale et permanente de l’Église, la domus ecclesiae, sa dimension sacrée et cultuelle doit être restaurée. »