Le pape François souhaite que soit fait « un pas de plus » dans le rôle des laïcs au sein de l’Eglise. En signant la préface d’un ouvrage du sous-secrétaire du Synode des évêques, Mgr Fabio Fabene, il appelle de ses vœux « une Eglise où le rôle de la femme est central ».
Par les laïcs, il faut « que l’Eglise soit présente là où l’homme vit et souffre pour faire resplendir de partout la lumière de l’Evangile », peut-on lire dans le texte publié par L’Osservatore Romano daté du 14 octobre 2020. Le pape y invite à faire « confiance à l’imagination créatrice » de l’Esprit Saint.
Il fustige aussi une nouvelle fois le cléricalisme « toujours nuisible pour l’Eglise » : il faut, écrit-il, que la vocation spécifique des laïcs « soit reconnue à tous les niveaux, en évitant par tous les moyens de les cléricaliser ».
« Le centre de la mission laïque, affirme-t-il encore, consiste à consacrer le monde selon le projet de Dieu », et les laïcs sont appelés à « être heureux dans le don d’eux-mêmes et dans la prière ».
Voici notre traduction de cette préface au livre « Symphonie de ministères. Une présence renouvelée des laïcs dans l’Eglise » (Sinfonia di ministeri. Una rinnovata presenza dei laici nella Chiesa, Libreria editrice vaticana – Edizioni San Paolo).
Préface du pape François
Toutes les époques ont leur nouveauté, c’est pourquoi nous pouvons dire que nous vivons une nouvelle époque. Il est temps que les laïcs fassent un pas en avant, un pas de plus. Et qu’ils trouvent dans l’Eglise l’espace nécessaire pour le faire, la façon de répondre à leurs vocations. En puisant au riche enseignement du Concile Vatican II, repris par le Synode des évêques et par mes prédécesseurs, ce volume offre une réflexion approfondie sur les ministères que le pape saint Paul VI a réformés, en les liant non plus au chemin de préparation au ministère ordonné, mais à la variété de vocations et de services laïcs que l’Esprit-Saint suscite dans l’Eglise.
L’Esprit est toujours actif au sein du Peuple de Dieu, en l’enrichissant de nouveaux dons à chaque fois, et nous devons être attentifs à ne pas l’arrêter (cf. 1 Ts 5, 19) et à ne pas le contrister (cf. Eph 4, 30). Hélas nous le faisons chaque fois que nous ne faisons pas confiance à son imagination créatrice, et que nous prétendons réduire son action à l’intérieur de nos schémas, sans laisser place au primat de la grâce et en courant le risque de devenir auto-référentiels.
Avec la Constitution Lumen gentium, Vatican II a été le Concile du Peuple de Dieu, un Peuple qui marche dans l’histoire poussé par le vent de la Pentecôte. Ce Peuple saint est continuellement enrichi de ministères et de charismes, enracinés dans le sensus fidei qui rend la totalité des baptisés infaillibles quand ils croient (in credendo). C’est une réalité de grâce que nous devons garder continuellement présente dans l’action pastorale, en dépassant le cléricalisme toujours nuisible pour l’Eglise, comme l’a rappelé aussi le Document Final du Synode dédié aux jeunes.
Le saint peuple de Dieu, oint par l’Esprit, est entièrement sacerdotal, en tant qu’il participe à l’unique sacerdoce du Christ. Les ministres ordonnés, qui agissent in persona Christi capitis, sont certes indispensables à la croissance de ce Peuple, puisque ce sont les seuls à pouvoir présider l’Eucharistie pour le nourrir et absoudre les péchés pour étendre en lui la miséricorde de Dieu. En même temps, si le cœur de l’identité du prêtre est de consacrer le pain eucharistique, le centre de la mission laïque consiste à consacrer le monde selon le projet de Dieu. Cette action fait tout un avec la coresponsabilité des laïcs dans l’édification de l’Eglise, comme l’a mis spécialement en lumière l’exhortation apostolique Christi fideles laici de saint Jean-Paul II. Les ministères institués remplissent cette double mission en faveur de l’Eglise et du monde, en rendant les laïcs (femmes et hommes) sujets actifs de l’évangélisation et de la mission.
Comme je l’ai écrit dans Evangelii gaudium, ils sont la très grande majorité du Peuple de Dieu et il faut que leur vocation spécifique soit reconnue à tous les niveaux, en évitant par tous les moyens de les cléricaliser. Nous devons vérifier si nous sommes fidèles à cette identité laïque, en faisant repartir l’horloge qui semble s’être arrêtée. C’est le moment. La mission des laïcs n’est pas le privilège de quelques-uns et elle implique un dévouement total… Aux laïcs, il est demandé d’être heureux dans le don d’eux-mêmes et dans la prière, de croire et d’agir au sein de la communauté chrétienne pour en partager et en soutenir le chemin, dans l’échange réciproque des dons suscités par l’Esprit. C’est cela la synodalité à laquelle Dieu nous appelle et qui nous demande de répondre aux divers appels ; de marcher ensemble, pasteurs et troupeau, sur les sentiers de l’histoire ; d’être un seul dans la diversité des charismes.
Certains nouveaux ministères laïcs ont été suggérés par les récents synodes dédiés à la famille, aux jeunes et à l’Amazonie. Ce sont des ministères pensés pour une Eglise plus synodale et en sortie, tendue vers les périphéries existentielles. C’est pour cela aussi qu’il est important que chaque évêque et chaque Eglise particulière puissent mener un discernement attentif sur les ministères dont leur territoire a concrètement besoin, afin que l’Eglise soit présente là où l’homme vit et souffre pour faire resplendir partout la lumière de l’Evangile. En effet, comme je l’ai écrit dans Querida Amazonia, « L’inculturation doit aussi se développer et se traduire dans une manière incarnée de mettre en œuvre l’organisation ecclésiale et la ministérialité. Si l’on inculture la spiritualité, si l’on inculture la sainteté, si l’on inculture même l’Évangile, comment ne pas penser à une inculturation de la manière dont les ministères ecclésiaux se structurent et se vivent ? » (85).
Il faut éviter le risque de transformer les ministères en formes de pouvoir, ce qui est une tentation toujours aux aguets. Les ministères répondent à une vocation, ils sont le fruit d’un discernement personnel et communautaire et ils s’expriment dans la diaconie (diakonia) du Peuple de Dieu. Une Eglise toute ministérielle manifeste un Peuple aux mille visages. C’est une Eglise où le rôle de la femme est central. C’est une Eglise perpétuellement fécondée par l’Esprit, qui « fait la jeunesse de l’Église et la renouvelle sans cesse, l’acheminant à l’union parfaite avec son époux » (Lumen gentium 4).
Traduction de Zenit, Anne Kurian-Montabone