Fille de bouddhistes chinois émigrés en Thaïlande, Orawan Larpppipitmongkol est aujourd’hui sœur Anastasia et vit dans le monastère multiethnique des Clarisses capucines de la Garbatella, à Rome.
Les Clarisses capucines, fondées par Maria Richenza (1463-1542), sont une branche de la famille franciscaine et plus précisement des Clarisses qui portent le nom de sainte Claire d’Assise. En France, les « capucines » ont deux monastères à Aix-en-Provence et à Chamalières: le couvent de Paris a disparu, mais il reste la rue « des capucines » qui perpétue leur souvenir. Le pape François a pour sa part rendu visite aux Clarisses de Vallegloria (Italie) le 11 janvier 2019.
Orawan confie son histoire à L’Osservatore Romano en italien du 12 septembre 2020 : sa vie « tranquille et paisible » à Bangkok où elle travaille dans une banque; sa rencontre avec un catholique avec qui elle veut se marier; ses visites au monastère des Clarisses capucines de Bang Pong et, enfin, une expérience mystérieuse vécue le Vendredi saint et qui la décide à rester au monastère « pour toujours ».
Employée de banque, elle gagne un bon salaire lui permettant de « subvenir aux besoins » de sa « grande famille ». Un jour, Orawan rencontre un homme catholique et se lie « d’amitié » avec lui. L’homme insiste pour qu’elle se convertisse au catholicisme, « parce que nous voulions nous marier », explique-t-elle: « Si je devais me convertir à ta foi, lui ai-je dit, je le ferais parce que je crois en Dieu, pas parce que je veux me marier avec toi. »
Ils vont ensemble à l’église et elle le regarde « agenouillé sur le banc, absorbé et indifférent à ce qui se passait autour de lui ». Elle, par contre, pense à son Bouddha et, « de retour de l’église », elle ira « l’adorer dans le premier temple », « sur la route, offrant de l’encens et des pétales de fleurs rouges ».
Est-elle vraiment croyante? Elle ne sait pas quoi répondre : elle a appris « la langue sacrée » utilisée par ses « compatriotes pour prier »; « chaque semaine », elle remplit un bol « avec lequel les moines collectent de la nourriture le long des routes »; « de temps en temps », elle fréquente un temple bouddhiste: « C’est tout. »
Son fiancé lui dit qu’en refusant de se convertir au catholicisme, elle a péché : « Je voulais être pardonnée, raconte Orawan. J’ai assisté à un cours de catéchisme et un an plus tard, j’ai reçu le baptême. »
Un jour, elle lit dans un journal qu’une femme a « besoin d’aide pour être soignée ». Ainsi, « chaque matin », Orawan vient l’aider à l’hôpital : « Elle était affectueusement assistée par quelques religieuses, dont des étrangères. Je n’en croyais pas mes yeux et je me demandais comment on pouvait avoir autant le souci d’une inconnue! »
Trois mois plus tard, la femme malade décède et Orawan demande la permission de « passer du temps au monastère » des Clarisses capucines de Bang Pong, « l’un des six monastères que les moniales capucines ont en Thaïlande avec 88 moniales »: « J’y suis restée deux semaines, observant attentivement la vie des religieuses, même dans les petites choses qui se font dans toutes les familles. J’ai bien aimé, mais je n’ai rien dit à personne. »
À l’approche de Pâques, « à la veille de mon retour dans ma famille, poursuit Orawan, la mère abbesse m’a demandé si je voulais rester au monastère ou partir. J’ai répondu que je n’avais pas encore décidé: dans mon cœur il y avait une guerre entre le désir de rester avec Jésus et celui de retourner dans ma famille et de me marier. »
Enfin, la nuit du Vendredi saint arrive. Orawan s’est « retrouvée seule devant le Crucifix éclairé par quelques bougies » : « Il y avait une atmosphère surréaliste, se souvient-elle. À un certain moment, j’ai cru entendre une voix: « Pourquoi veux-tu me quitter? » J’ai compris que c’était la voix de Jésus et j’ai répondu: « Seigneur, si quelqu’un t’abandonne, ce ne sera certainement pas moi ». J’ai passé une nuit blanche et le matin du Samedi saint j’ai couru chez l’abbesse pour lui dire que je resterais au monastère. Pour toujours. »
Lorsqu’elle parle de sa décision « en famille et au bureau », on la croit « folle »: « Dans ma famille (où mon père avait subi un accident vasculaire cérébral) tout le monde a fondu en larmes, surtout ma mère, raconte Orawan. Dans le bureau, ils m’ont dit que j’étais devenue folle. « Comment, toi, belle, bonne, et avec un travail qui te permet de tout avoir dans la vie, tu quittes tout? Tu es folle; seule une femme folle peut le faire! » »
Mais la décision est prise : « La folle, qui s’appelait Orawan Larpppipitmongkol, est aujourd’hui sœur Anastasia. » Elle est inscrite à la faculté de spiritualité franciscaine de l’Université pontificale Antonianum de la via Merulana, à Rome. À la fin du cours, elle retournera chez ses sœurs thaïlandaises.