Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

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«Le Royaume des Cieux semé par l’amour du Christ», par Mgr Follo

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«Notre cœur de «terre» devient de «ciel», s’il accueille la Parole du Christ»

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«Le Royaume des Cieux est semé en nous par l’amour du Christ», explique Mgr Francesco Follo dans son commentaire hebdomadaire des lectures de la messe du dimanche.

L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, invite à «comprendre que notre cœur de «terre» devient  coeur de «ciel», s’il accueille la semence de la Parole du Christ».

Il commente ainsi les lectures de dimanche prochain, 19 juillet 2020, 16e dimanche du Temps ordinaire (Année A).

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose une homélie de Grégoire Palamas (XIVe s.).

AB

Le Royaume des Cieux est semé en nous par l’amour du Christ

 

 1) Le Royaume gouverné par l’amour de Dieu puissant et miséricordieux.

Le passage tiré du livre de la Sagesse (12,13.16-19), et proposé comme première lecture de la Messe d’aujourd’hui, rappelle la puissance providentielle de Dieu – Amour. Celui-ci exerce son pouvoir avec une douce patience et une clémence indulgente, délicate et lente de colère. Grâce à cette « lenteur », Dieu se différencie de toutes les autres divinités anciennes et aussi des puissants de ce monde, qui exercent leur pouvoir sans « la modération » de l’Amour, mais avec la violence de la force et non avec celle de l’amour vrai qui est toujours délicat. Entre autres, selon l’auteur du livre de la Sagesse, le peuple de Dieu devrait se comporter comme son Dieu, en se montrant ami des hommes. Il devrait toujours se souvenir que même pêcheur, il peut compter chaque jour sur la miséricorde divine.

Dans la 2ème lecture prise de la lettre de Saint Paul Apôtre aux Romains (8,26-27), il nous est rappelé que, seuls et sans la prière, nous sommes incapables de rejoindre le salut offert par la miséricorde. L’Esprit donc, qui est en nous par le baptême, nous aide à formuler cette juste prière qui est selon Dieu, c’est-à-dire selon son plan du salut, et qui a comme objet notre salut.

A travers la Parabole du bon grain et de l’ivraie (1), comme aussi à travers celle du petit grain de moutard et celle du levain dans la pâte l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 13,24-43) parle du Royaume gouverné par la puissance patiente et aimante de Dieu. Le Royaume des Cieux signifie la seigneurie de Dieu, ce qui implique que sa volonté doit être prise comme critère directeur de notre existence.

Le fil rouge des trois paraboles d’aujourd’hui est le Royaume des Cieux. Et ici, comme dans les autres moments où le Christ utilise le mot « cieux », ce mot indique non seulement la hauteur au-dessus de nous, mais indique aussi ces espaces infinis, typiques de l’intériorité de l’homme. De plus, le Rédempteur parle du Royaume des Cieux comme d’un champ de blé, pour nous faire comprendre que quelque chose de petit et de caché est semé en nous qui, cependant, possède une force de vie irrépressible. Si elle est reçue avec amour, la graine se développera malgré les difficultés et portera beaucoup de fruit.

Ce fruit ne sera bon que si le sol de la vie a été cultivé selon la volonté divine. Pour cette raison, dans la parabole du bon blé et de l’ivraie (Mt 13,24-30), Jésus nous avertit qu’après les semailles faites par le maître, « pendant que tout le monde dormait », « son ennemi » est intervenu et a semé de la mauvaise herbe. Cela signifie que nous devons être prêts à garder la grâce reçue le jour du baptême, en continuant à nourrir la foi dans le Seigneur, ce qui empêche le mal de prendre racine. Commentant cette parabole, Saint Augustin observe que « beaucoup sont d’abord de l’ivraie et deviennent ensuite du bon blé » et ajoute: « S’ils n’étaient pas tolérés avec patience, ils ne viendraient pas au changement louable » (Quest. Septend. In Ev. Sec. Matth., 12, 4: PL 35, 1371).

La présence de l’ivraie dans le champ de blé – même si les serviteurs montrent qu’ils en sont surpris – n’est pas en réalité le trait le plus imprévu et surprenant de la parabole de l’ivraie. C’est d’ailleurs vrai car, aux serviteurs qui Lui demandent des explications, le Maitre répond simplement : « l’ennemi a fait ceci ». L’affirmation qu’au temps de la moisson le grain et l’ivraie seront soigneusement séparés n’est pas inattendue non plus : le grain sera récolté dans le grenier et l’ivraie jetée dans le feu. L’étonnement de l’auditeur – étonnement qui, comme il arrive souvent, indique le point où il faut se concentrer – est dans le fait que l’ivraie ne doit pas être arrachée tout de suite, mais elle doit plutôt pousser avec le grain jusqu’au moment de la récolte : autrement il y a le risque – ajoute ironiquement le Maitre – d’arracher le grain et de laisser l’ivraie.

Jésus ne se sépare pas des pêcheurs mais va chez eux (chez nous), il ne les (nous) abandonne pas mais les (nous) pardonne. Accueillons-Le, Bonté infinie et avant d’extirper l’ivraie chez les autres, efforçons-nous de l’enlever de notre cœur, en « profitant » de la patience de Dieu.

En effet, dans la parabole du blé et de l’ivraie, Jésus dénonce notre hâte de purge. Le bon blé et l’ivraie poussent ensemble. Que doit faire l’agriculteur? Séparer le blé de l’ivraie avant la récolte? Non, répond le Seigneur. Lorsque le bon moment (le kairòs) sera venu, le bon grain sera séparé du mauvais grain. Le fait est que nous luttons pour accepter la sagesse patiente de Dieu, nous sommes impatients. Nous voudrions mettre immédiatement les justes d’un côté, les méchants de l’autre, notre place étant – à notre avis évidemment – parmi les premiers.

 

2) Patience, Fidélité, Confiance

Le centre de la parabole se situe donc ici, dans cette patience miséricordieuse de Dieu, dans sa – fait étrange pour nous – politique d’attente. Toutefois ce passage de l’Evangile n’est pas uniquement une invitation à la patience, mais aussi une invitation à la fidélité. Le Christ explique clairement que la vraie justice arrivera à la fin des temps. Jusqu’à présent, nous devons vivre avec l’ivraie en évitant que le bon grain ne soit endommagé. Si cela montre la fidélité à ce bon grain qui nous nourrit, la patience est indiquée par le fait que celui qui représente l’ivraie doit être toléré en espérant qu’il se convertisse. Mais laissons Dieu juger à la fin. Ce n’est pas à nous de faire justice, c’est à nous de témoigner dans la charité en priant pour que notre foi augmente.

C’est notre foi qui doit continuellement se confirmer et croître. Chaque indécision peut être risquée et peut permettre à l’ennemi de jeter de la mauvaise semence même dans un champ très bien cultivé. Le Seigneur lui-même nous avertit « pendant que tous les hommes dormaient….. ». Ceci est un avertissement pour tous, non seulement pour ceux qui doivent veiller sur l’intégrité du champ. Veiller même lorsqu’il n’y a pas de danger. On ne reconnaît en effet seulement l’ivraie qu’une fois qu’elle a grandi et que l’arracher peut être dangereux pour le blé. Il s’agit là d’une invitation claire à la sagesse prévoyante.

D’ autre part, la parabole de l’ivraie est un message de confiance pour les disciples d’hier et d’aujourd’hui. Même si dans le monde, la présence du mal existe, Dieu est déjà en train de réaliser son œuvre de salut. A travers la prédication de Jésus, Dieu répand et fait grandir dans les cœurs de tous les hommes la bonne semence, jusqu’à la fin du monde, quand Dieu séparera les justes des mauvais. Le temps durant lequel la parole semble suffoquer par l’action de l’ennemi est le temps de la patience salvifique de Dieu.

C’est seulement à Dieu de juger : nous, les croyants, devons imiter la bonté du Sauveur et prier pour que le pêcheur se convertisse. Prier signifie demander dans la charité la moisson finale, par laquelle le bien triomphera définitivement sur le mal. Prier c’est s’unir à Dieu, riche de miséricorde, qui cherche à ramener la brebis égarée dans la bergerie. Prier en Dieu, c’est avoir confiance dans l’annonce de la Parole qui reste même dans le mal. Prier, enfin, c’et finalement se laisser pénétrer par l’Esprit « qui nous vient en aide pour nos faiblesses » (Rm 8,26).

Aussi dans la deuxième parabole de l’Evangile d’aujourd’hui (Mt 13,31-32), Jésus nous invite-t-il fortement à avoir confiance en ses actions : Lui a vaincu la mort et le péché et, en instaurant le règne avec Sa prédication et Sa présence, nous fait participer à la vie divine.

La troisième parabole (Mt13,33) est semblable à la deuxième. Jésus souligne la disproportion entre la pincée de levain avec laquelle la femme pétrit la farine et la quantité énorme de pate levée qui en dérive. Cette comparaison explique l’activité du Fils de Dieu, qui, aux yeux des humains d’hier et d’aujourd’hui, apparaît sans importance et, la force silencieuse et spectaculaire avec laquelle Dieu transforme le monde et sauve l’homme. Le levain représente donc la force de l’Evangile qui, même si elle est cachée et silencieuse aux yeux de l’histoire, fermente dans les cœurs des croyants jusqu’ à la fin des siècles.

Pour que la parole de Jésus puisse fermenter dans nos cœurs, nous devons être disponibles, à son écoute : méditer tous les jours les Ecritures Saintes et participer assidûment aux sacrements. En fait, nous devons laisser entrer le Sauveur dans notre maison, dans le « champ » de notre âme.

 

3) La terre de notre cœur 

Notre cœur est un petit grumeau de terre, où la bonne semence a été semée, mais qui est assiégé par l’ivraie.

Avec nos manières peu bienveillantes envers les autres et envers nous-même, nous voudrions arracher tout ce qui est immature, erroné, puéril et méchant. Le Seigneur dit : Soyez patients, n’agissez pas avec violence, car votre cœur est capable de grandes choses quand il est doux et humble, non pas quand il a de grandes réactions immédiates.

Mettons-nous sur le chemin sur lequel Dieu agit, adoptons son mode d’agir : pour vaincre la nuit, Il fait apparaître le matin ; pour faire fleurir le champ, Il jette une infinité de semences de vie ; pour faire lever la farine immobile, Il y met une pincée de levain. Il est le Semeur de l’Amour qui porte sur lui le péché pour transfigurer le pêcheur. Il ne détruit pas l’homme ancien pour construire l’homme nouveau : il le rachète.

Les Vierges consacrées dans le monde montrent que l’important c’est regarder la vie comme Dieu la regarde. Les serviteurs voient surtout les mauvaises herbes, le négatif, le danger. Le Christ et les personnes consacrées fixent leur regard sur le bon grain, l’ivraie est secondaire.
Avec leur dévotion au Christ, elles montrent que nous ne sommes pas créés à l’image de l’ennemi et de sa nuit, mais à l’image du créateur et de son jour (comme le rappelle le Rite de Consécration des Vierges au n. 24 : « Par Jésus Christ, ton fils, Lui par qui tout a été fait, tu renouvelles en tes enfants ton image déformé par le péché. Tu veux non seulement les rendre à leur innocence première, mais encore les conduire jusqu’à l’expérience des bien du monde à venir »).

Aucun être humain ne coïncide avec son péché et avec ses ombres. Mais si nous ne voyons pas la lumière en nous, nous ne la verrons en personne. Ces femmes ne se préoccupent pas de l’ivraie, des défauts, des faiblesses, mais elles se préoccupent de cultiver une vénération profonde pour les forces que sont la bonté, de la générosité, de l’attention, de l’accueil et de la liberté que Dieu leur livre à travers la vocation.

Elles incarnent, selon moi, le message de la parabole d’aujourd’hui : elles vénèrent la vie que Dieu leur a préparée. Elles la protègent pour elles et pour les autres. Avec la prière constante, elles pensent au bon grain, aiment les germes de vie que Dieu leur donne, gardent chaque bon bourgeon, sont indulgentes envers toutes les créatures. Et même envers elles-mêmes.Prenons-les comme exemple, et tout notre être fleurira dans la lumière.

Lecture patristique

Grégoire Palamas (+ 1359)

Homélie 27 (PG 151, 345-348.352-353)

Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla.

Et le Seigneur ajoute: L’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. Puisqu’ils accomplissent les mêmes oeuvres que lui, ils portent, en effet, son empreinte et demeurent ses rejetons et ses fils adoptifs. Et le temps fixé pour la moisson, c’est la fin de ce monde. Car, cette moisson qui a commencé il y a bien longtemps et s’effectue aujourd’hui encore par la mort, parviendra alors à son total achèvement. Et les moissonneurs, ce sont les anges. Ceux-ci, en effet, sont les serviteurs du Roi des cieux, et ils le seront surtout à cette heure-là. De même, dit Jésus, qu’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin de ce monde. Le Fils de l’homme, qui est aussi le Fils du Père, du Très- Haut, enverra donc ses anges et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres.

Ainsi, les serviteurs du Seigneur, autrement dit les anges de Dieu, s’aperçurent qu’il y avait de l’ivraie dans le champ, c’est-à-dire que les impies et les méchants étaient mêlés aux bons et vivaient avec eux, même dans l’Église du Christ. Ils dirent au Seigneur: Veux-tu que nous allions enlever l’ivraie?, en d’autres termes: « que nous étions ces gens de la terre en les faisant mourir »? Mais le Christ leur répondit: Non, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps.

Si les anges avaient ainsi enlevé l’ivraie, s’ils avaient frappé à mort les méchants pour les séparer des justes, comment auraient-ils donc pu déraciner aussi le blé, c’est-à-dire les bons? Beaucoup d’impies et de pécheurs, vivant avec les gens pieux et les justes, en arrivent avec le temps à se repentir et à se convertir; ils se mettent à l’école de la piété et de la vertu, et cessent d’être de l’ivraie pour devenir du blé. Ainsi les anges risquaient-ils, s’ils saisissaient de force ces hommes avant qu’ils pussent se repentir, de déraciner le blé en enlevant l’ivraie. De plus il s’est trouvé souvent des hommes de bonne volonté parmi les enfants et les descendants des méchants. Voilà pourquoi Celui qui connaît toutes choses avant qu’elles ne soient n’a pas permis d’arracher l’ivraie avant le temps fixé. Au temps de la moisson, a-t-il dit, je dirai aux moissonneurs: Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier.

Aussi celui qui veut être sauvé du châtiment sans fin, et veut hériter du Royaume éternel de Dieu, ne doit-il pas être l’ivraie, mais le blé. Qu’il s’abstienne de toute parole vaine ou méchante, qu’il exerce les vertus contraires à ces vices et produise les fruits de la pénitence! C’est ainsi, en effet, qu’il deviendra digne du grenier céleste, qu’il sera appelé fils du Père, le Très-Haut, et que, tout joyeux et resplendissant de la gloire divine, il entrera comme héritier dans son Royaume.

Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l’amour de notre Seigneur Jésus Christ. A lui, la gloire avec son Père éternel et l’Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

***

NOTE

(1) Dans la parabole de l’ivraie, on trouve substantiellement le même déroulement que dans la parabole du Semeur. On y décrit la sorte de semence (la Parole de Jésus et Jésus qui est la Parole), dont la croissance dans le monde est liée par l’action de l’ennemi, qui sème l’ivraie, une mauvaise herbe qui s’accroche au blé. Ce n’est pas parce que la bonne semence a été conservée que l’ivraie a été extirpée avant la récolte. A présent seulement, il est possible de séparer la bonne semence de l’ivraie.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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