Thérèse de Lisieux dans sa pièce sur Jeanne d'Arc © Carmel de Lisieux

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L’actualité de sainte Jeanne d’Arc, par le p. François-Marie Léthel ocd

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Une « théologie de la libération »

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SAINTE JEANNE D’ARC (1412-1431)

P. François-Marie Léthel ocd

 

Actualité de Jeanne

            Jeanne d’Arc est une sainte à redécouvrir aujourd’hui, à la lumière de l’enseignement du Concile Vatican II sur la sainteté des laïcs au coeur du monde, à la lumière aussi de l’enseignement de Jean-Paul II sur « Jésus-Christ Rédempteur de l’homme, centre du Cosmos et de l’Histoire », sur la dignité et la vocation de la femme, etc… Car la sainteté de Jeanne est la sainteté d’une femme, d’une laïque engagée au coeur des réalités du monde de son temps, et cela uniquement pour l’amour de Jésus, pour accomplir l’étonnante mission qu’elle avait reçue de lui.

 

Jeanne et Thérèse

Thérèse de Lisieux, qui aimait beaucoup Jeanne, peut aussi nous aider à la redécouvrir à partir de cette source profonde et unique qui est l’amour de Jésus, un amour qui se déploie et s’incarne dans l’amour du prochain. Les deux jeunes saintes sont les deux patronnes de la France (après la Vierge Marie). A deux époques très différentes et dans deux styles de vie apparemment opposés (Jeanne au coeur du monde, Thérèse dans la clôture de son monastère), l’une et l’autre se sont consacrées à l’unique amour de Jésus dans la virginité, et cet amour exclusif de la Personne de Jésus s’est épanoui en un amour sans limite pour leurs frères. Jeanne est la libératrice de son peuple et Thérèse est la patronne de toutes les missions.

 

Le Nom de Jésus

Jeanne est morte sur le bûcher en prononçant à haute voix le Nom de Jésus. C’est ce Nom qui est l’unique explication de toute sa vie, une vie brève, qui n’a duré que 19 ans, mais qui a été extraordinairement remplie, remplie par Lui, par sa Présence, son Amour. Le Nom de Jésus exprimé dans le dernier souffle de Jeanne avait été comme la respiration de toute sa vie. Dès son enfance, elle avait été certainement influencée par la spiritualité franciscaine du Nom de Jésus, alors répandue par saint Bernardin de Sienne et ses disciples, spiritualité populaire accessible aux plus simples fidèles qui ne savaient ni lire ni écrire, mais qui tous pouvaient invoquer ce Nom, respirer ce Nom de Jésus.

 

Jeanne « par elle-même et par ses témoins »: les deux Procès

Pour connaître la vraie Jeanne d’Arc, nous disposons de deux sources principales qui sont ses Procès. D’abord, le Procès de condamnation a « enregistré » les paroles de Jeanne elle-même, au cours des longs interrogatoires, pendant quatre mois (février-mai 1431). Ces paroles de Jeanne concernent tous les événements de sa vie, et surtout sa vie intérieure. Elles sont sûrement authentiques; elles nous sont parvenues dans des manuscrits écrits et signés par les notaires (ou greffiers) du tribunal. Ensuite, une vingtaine d’années après sa mort (entre 1450 et 1456), le Procès en nullité de la condamnation a « enregistré » plus de cent témoignages de personnes qui avaient connu Jeanne (des paysans de son village et des environs qui avaient été témoins de son enfance, des simples soldats et des grands personnages du royaume, des prêtres, les théologiens qui l’avaient condamnée, etc…).  Ce bref article est entièrement fondé sur ces paroles de Jeanne et sur les récits des témoins.

 

A la lumière de l’Evangile

Jeanne a vécu à une période particulièrement difficile de l’histoire, dans un contexte de crise de l’Eglise et de la société. Lorsqu’elle naît en 1412, il y a en même temps trois papes: l’Eglise est divisée comme jamais elle ne l’avait été. L’Europe est divisée par des guerres fratricides, entre des peuples chrétiens. La France et l’Angleterre sont engagées dans une guerre qui n’en finit pas (la Guerre de cent ans).

Au moment de la Passion de Jésus, les Apôtres se sont tous enfuis, Judas a trahi Jésus et Pierre l’a renié trois fois. Seules la Vierge Marie et les saintes femmes sont restées fidèlement près de la Croix de Jésus. Il en va de même à cette époque; alors que les hommes d’Eglise et les hommes d’Etat font preuve d’une grande faiblesse, Jésus suscite des saintes femmes pour soutenir et guider son peuple: les plus connues sont sainte Catherine de Sienne, sainte Brigitte de Suède, sainte Françoise Romaine et Jeanne d’Arc. On a parlé justement du « prophétisme féminin à la fin du Moyen-Age ». Ces femmes sont proches de Jésus Crucifié et elles sont proches de toute l’humanité de leur temps, surtout de tous ceux qui souffrent. A tous elles parlent clairement et courageusement au Nom de Jésus, et elles s’engagent au coeur de la vie de l’Eglise et de la Société.

En lisant la vie de Jeanne à la lumière de l’Evangile, on peut distinguer comme dans la vie de Jésus d’abord une longue période de vie cachée, puis une période plus brève mais extraordinairement féconde de vie publique, qui est d’abord une action et ensuite une passion. Il faut donc considérer successivement la Vocation de Jeanne pendant ces années de vie cachée, son Action, et enfin sa Passion. Et puisque les Noms de Jésus et de Marie unifient et illuminent toute sa vie, sa vocation sera éclairée par l’Evangile de l’Annonciation, son action par celui de la Visitation, et sa passion par la Passion de Jésus.

 

I/ La Vocation de Jeanne, ses « voix », son voeu de virginité

Dans son Procès, Jeanne a été longuement interrogée sur sa vocation, sur l’expérience spirituelle qui a commencé lorsqu’elle avait 13 ans, en 1425. Ses récits sont comme un pur écho de l’Evangile de l’Annonciation (cf. Lc 1, 26-38): l’Ange du Seigneur fut envoyé à une jeune fille pour lui révéler une vocation extraordinaire et pour lui demander son consentement; et la jeune fille a répondu par un « oui » total, en s’offrant toute entière, corps et âme, et pour toujours à la volonté de Dieu. Jeanne est proche de Marie.

 

Les « voix »

Progressivement, elle reconnaîtra cet Ange comme étant saint Michel, et avec lui viendront aussi les saintes Catherine d’Alexandrie et Marguerite d’Antioche, vierges et martyres d’Orient, très vénérées en Occident. Telles sont les « voix » de Jeanne, des « voix » qu’elle a conscience d’entendre souvent. Et non seulement elle entend, mais aussi elle voit l’Ange et les saintes, dans une vision « corporelle », c’est à dire perçue avec les yeux du corps et donc localisée. Ainsi Jeanne raconte qu’elle baisait la terre là où elle les avait vus. Dans le même sens, elle affirme qu’elle voit souvent les anges présents parmi les fidèles. Tout ceci montre sa familiarité avec l’Eglise du Ciel: Jésus est toujours au centre, mais il n’est pas seul. Auprès de lui se tiennent la Vierge Marie, les anges et les saints.

 

Le message

Dès la première rencontre, l’Ange demande à Jeanne trois choses de la part du Seigneur: qu’elle « soit bonne », qu’elle « fréquente l’église », qu’elle « vienne en France ». Ce qui lui est ainsi demandé est d’abord une intensification de sa vie chrétienne, et ensuite elle devra quitter son village de Domrémy (situé aux limites de la France et de la Lorraine), pour accomplir la grande oeuvre de libération de son peuple. Dès le début, la vocation de Jeanne comporte cette dimension politique comme étant une dimension essentielle. Mais il est remarquable qu’elle est précédée et comme portée par les deux autres. Jeanne ne pourra accomplir une telle mission qu’en « étant bonne », c’est-à-dire charitable envers tous, et en « fréquentant l’église » par une vie de prière plus intense, l’assistance quotidienne à la messe, la communion et la confession fréquentes.

 

La vie chrétienne de Jeanne

Les paroles de Jeanne sont confirmées par les récits des nombreux témoins de son enfance. Elle appartenait à une famille de paysans aisés. Jacques d’Arc, son père, était un des « notables » de Domrémy. Isabelle, sa mère, était surnommée « Romée », parce qu’elle avait fait le pèlerinage de Rome ou quelque autre grand pèlerinage de la chrétienté. Jeanne a reçu de sa mère une profonde éducation chrétienne. Selon son propre témoignage, c’est de sa mère qu’elle a appris le « Notre Père », le « Je vous salue Marie » et le « Je crois en Dieu », c’est à dire les prières les plus fondamentales pour tout baptisé. Tout cela était complété par les instructions du curé de sa paroisse. Les sources nous révèlent une solide piété populaire, pleine de bon sens, fondée sur la foi en la Personne de Jésus-Christ, qui a réussi à christianiser des vieux éléments païens comme « l’arbre des fées ». Toute la sainteté de Jeanne va s’épanouir à partir de la religion populaire, de la vie chrétienne du Peuple de Dieu dont elle fait partie.

Les témoins sont unanimes au sujet de la charité de Jeanne, de son amour pour Jésus et pour le prochain; ils l’ont vu prier longuement, et ils l’ont vu aussi secourir les pauvres et les malades.

Jeanne écoute ses « voix », saint Michel et les saintes, mais elle écoute aussi toutes les voix de ses frères qui souffrent de la guerre et de l’oppression. Et c’est le même Seigneur qui lui parle et qui l’appelle à travers toutes ces voix, qui l’invite à la compassion et à l’engagement en lui révélant « la grande pitié qui est au royaume de France ».

 

La « virginité de corps et d’âme »

La toute première réponse de Jeanne à sa vocation est le voeu de virginité qu’elle fait spontanément à l’âge de 13 ans, la première fois qu’elle a entendu la « voix ». Ce voeu exprime le don total d’elle-même, en toute sa personne, en son coeur et en son corps, à l’unique amour de Jésus. Selon ses propres paroles, c’est « la promesse faite à Notre Seigneur de bien garder sa virginité de corps et d’âme ». Garder la virginité de l’âme, c’est demeurer toujours dans l’amitié de Dieu, dans cet « état de grâce » qui est pour Jeanne la valeur suprême, plus précieuse que la vie, c’est ne jamais consentir délibérément au péché grave, « mortel » parce qu’il fait perdre cette amitié de Dieu qui est grâce et qui est vie. Chez Jeanne, cette « virginité de l’âme » s’exprime surtout dans une obéissance absolue à la volonté du Seigneur, même quand il commande des choses apparemment impossibles.

La virginité chrétienne est d’abord cette pureté d’un coeur attaché à Dieu sans partage, mais elle est aussi pureté du corps, témoignage rendu à la sainteté du corps. Et sur ce point, le témoignage de Jeanne est impressionnant. Tous les textes de l’époque l’appellent « Jeanne la Pucelle », c’est à dire la vierge. La virginité du corps, virginité physique de Jeanne, est une donnée historique absolument certaine, particulièrement attestée par les Procès. Il est incroyable qu’une femme jeune et belle, vivant jour et nuit avec des soldats, ait pu garder sa virginité. Et pourtant, c’est vrai. Et même les témoignages les plus beaux sont précisément ceux de ces soldats, de ces compagnons d’armes, qui ont expérimenté le rayonnement de la pureté de Jeanne: avec eux, elle était proche, amicale, et en même temps elle leur inspirait un immense respect. Jeanne se sentira plus menacée dans sa prison, enchaînée et gardée par des soldats ennemis, mais les Procès nous donnent la certitude comme sainte Maria Goretti, elle a reçu « la grâce de défendre sa virginité jusqu’à la mort ».

 

II/ L’action de Jeanne: la libération politique de la France

L’action libératrice de Jeanne commence lorsqu’elle quitte pour toujours son village au début de l’année 1429. Elle a 17 ans, mais ce jeune âge ne doit pas nous tromper. A son époque, il est normal qu’une femme se marie à 13 ans. Jeanne âgée de 17 ans n’est plus une enfant ni une adolescente, mais une femme adulte, forte et courageuse, convaincue et convaincante, capable de toucher le coeurs les plus durs.

 

Une femme qui doit « enfanter » la liberté de son peuple

Cette mission commence dans la lumière évangélique de la Visitation. Dans cette visitation libératrice, nous retrouvons tous les accents du Magnificat de Marie, la louange de ce Dieu qui « s’est penché sur son humble servante », qui « renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles » (cf. Lc 1/48-52). Comme Marie, Jeanne est partie « en hâte » (cf. Lc 1/39) pour accomplir cet acte de charité. Elle a le pressentiment que son action sera brève (un peu plus d’un an).

Sur cette « hâte » de Jeanne, nous avons le beau témoignage d’une femme, Catherine Royer, qui l’avait hébergée pendant trois semaines dans sa maison à Vaucouleurs. Spontanément elle la compare à une femme enceinte: « Le temps d’attente lui paraissait long comme à une femme qui attend un enfant ». Cette comparaison, exprimée par une femme du peuple, mariée et mère de famille, est très éclairante. La mission de Jeanne est une vraie maternité spirituelle, virginale. La femme qui porte déjà dans son coeur la libération de son peuple devra d’une certaine manière « l’enfanter » par son action et par les douleurs de sa passion.

A cette même femme, Jeanne avait cité une prophétie populaire selon laquelle « la France, perdue par une femme, serait restaurée par une vierge ». La femme qui a perdu la France est la reine Isabeau de Bavière, la mère indigne qui a déshérité son fils, le dauphin Charles. La vierge qui va la restaurer est évidemment Jeanne elle-même. Elle a une claire conscience d’être cette vierge porteuse de libération pour son peuple, suivant les traces de Marie la Vierge Mère qui a porté et donné au monde le Sauveur. Cette prophétie populaire était comme un reflet politique, un écho de la célèbre comparaison entre Eve et Marie. Jeanne a un grand amour pour Marie.

 

Une « théologie de la libération » inspirée par Jésus, Roi de Paix

L’action libératrice de Jeanne se concentre sur deux points essentiels: d’abord la délivrance de la ville d’Orléans (8 mai 1429), puis le sacre du roi Charles VII à Reims (17 juillet 1429). C’est une véritable « théologie de la libération » dont Jeanne nous révèle le sens à travers une image et un texte. L’image, c’est son étendard; le texte, c’est la lettre adressée aux Anglais à Orléans. Ces deux éléments nous montrent que Jeanne ne veut que la paix, et non la guerre: l’étendard est une image de paix et la lettre est une offre de paix.  Sur son étendard, Jeanne a fait peindre l’image de Jésus Roi de l’univers: « Notre Seigneur tenant le monde », adoré par les deux anges Michel et Gabriel; elle y a fait écrire les Noms de Jésus et de Marie. C’est une véritable icône. L’étendard est le principal « instrument » de Jeanne. Elle-même affirme qu’elle « le préfère 40 fois à son épée » et que « dans les batailles elle porte toujours pour ne tuer personne, et qu’elle n’a jamais tué personne ».

Si nous nous demandons maintenant comment Jeanne pouvait porter cette image de paix en pleine guerre, nous trouvons la réponse dans sa lettre aux Anglais. Jeanne, qui ne sait ni lire ni écrire, dicte ce très beau texte. Elle s’adresse au roi d’Angleterre et à son peuple comme à des frères chrétiens, elle leur parle au Nom de Jésus « Roi du Ciel, Fils de sainte Marie », en leur offrant la paix, une vraie paix dans la justice, en leur demandant de retourner librement dans leur pays. Réconciliés, les Anglais et les Français pourront ensuite venir au secours des chrétiens d’Orient menacés par les Turcs musulmans (Constantinople sera prise en 1453).

Il n’y a dans les propos de Jeanne aucune trace de ce qui sera plus tard le nationalisme ou l’absolutisme. Pour Jeanne, comme pour les fidèles de son temps, les rois chrétiens, et concrètement les rois de France et d’Angleterre, sont les représentants, les « lieutenants » de Jésus Roi, chacun pour son pays et pour son peuple; ils n’en sont pas les propriétaires, mais seulement des administrateurs.  L’offre de paix ayant été refusée, la guerre a continué, mais Jeanne était toujours animée par cette volonté de paix.

 

III/ La Passion de Jeanne: le procès de condamnation

Jeanne a été capturée à Compiègne le 23 mai 1430. La prisonnière est conduite à Rouen où va se dérouler son procès, du mois de février jusqu’au mois de mai 1431. Il se terminera avec la mort de la jeune fille, brûlée le 30 mai sur la place du Vieux Marché. Cette dernière étape de la vie de Jeanne est la plus bouleversante: c’est sa pleine participation à la Passion de Jésus.

Absolument seule, abandonnée par les siens, enchaînée dans sa prison, la jeune fille de 19 ans est jugée par des prêtres français, pour la plupart théologiens de l’Université de Paris, qui ont fait un choix politique opposé au sien. Pour simplifier, on pourrait dire que ce sont des « collaborateurs », alors que Jeanne est l’âme de la « résistance »!  Son juge principal est l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, conseiller du roi d’Angleterre. Mais d’autres évêques et même un cardinal ont participé à ce procès. Jeanne vit un drame inimaginable. Elle aime l’Eglise, jamais elle ne voudrait s’en séparer, et voici que ces représentants de l’Eglise la jugent et la condamnent, affirmant que toute sa mission vient du diable, et non de Jésus.

A ces prêtres, elle demande de pouvoir recevoir l’Eucharistie, et cela lui est refusé. Poussée au désespoir, Jeanne continue d’espérer contre toute espérance, elle s’attache encore plus radicalement à Jésus Crucifié.  Voici l’une de ses prières: « Très Doux Dieu, en l’honneur de votre Sainte Passion, je vous demande, si vous m’aimez, de me révéler comment je dois répondre à ces gens d’Eglise ».  De même, elle affirme jusqu’au bout son amour pour l’Eglise et sa foi en l’Eglise, alors même que ces représentants de l’Eglise la rejettent, la condamnent et finalement l’envoient à la mort. Jamais sans doute l’amour de l’Eglise n’a été autant mis à l’épreuve. C’est dans ces circonstances dramatiques que Jeanne affirme: « C’est tout un de Notre Seigneur et de son Eglise ».

Ses « voix » la soutiennent et l’aident à s’abandonner totalement à Jésus, elles lui demandent de vivre malgré tout dans l’action de grâces et à « faire bon visage hardiment ». Jeanne ne perd pas son sourire ni sa bonne humeur. Certaines de ses réponses sont pleines d’humour. Par exemple quand ses juges lui demandent « si saint Michel était nu », elle leur répond: « Pensez-vous que Notre Seigneur n’ait pas de quoi le vêtir! » Ou encore, quand ils lui reprochent son activité jugée exclusivement masculine, et de ne pas faire les travaux féminins (filer, coudre, etc), elle répond « quant aux travaux de femmes, il y a bien assez d’autres femmes pour les faire! » Jeanne reste très humaine, elle aime la vie, elle a peur de la mort, surtout de cette mort terrible dont elle est menacée: être brûlée vive!

Elle a son heure de faiblesse, le 24 mai, lorsque pour sauver sa vie, elle accepte la soumission qu’on lui demandait, et qui est pratiquement le reniement de sa mission et de ses « voix ».  Mais elle se reprend bientôt, et dans le dernier interrogatoire, le 28 mai, elle reconnaît qu’elle a fait cela « par peur du feu », et surtout elle affirme que « vraiment Dieu l’a envoyée ». Elle signe ainsi son arrêt de mort (« réponse mortelle », selon ses juges). Le matin du 30 mai, dans sa prison, elle peut recevoir une dernière fois l’Eucharistie; elle avait tant désiré qu’on « lui donne son Sauveur ». Conduite sur la place du Vieux-Marché, elle est condamnée solennellement comme hérétique et relapse (c’est à dire retombée dans son erreur). Attachée sur le bûcher, elle demande qu’on tienne devant ses yeux une croix; et c’est en fixant les yeux sur lui qu’elle meurt dans les flammes, en prononçant à plusieurs reprises son Nom: « Jésus! »

Lorsqu’il mourait sur la Croix, Jésus avait prié son Père en disant: « Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23/24). Jeanne avait pardonné à ceux qui l’avaient condamnée et qui ne savaient pas non plus ce qu’ils faisaient. Celle qu’ils avaient ainsi condamnée était une sainte, une grande sainte!

Dans son martyre, Jeanne montre la toute-puissance de l’Amour de Jésus dans un coeur qui se livre entièrement à lui. Elle nous donne comme une démonstration de ce qu’affirmait saint Paul: « Rien ne pourra jamais nous séparer de l’Amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre-Seigneur » (cf. Rm 8/35-39).

 

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Note bibliographique

Edition scientifique des Procès de Jeanne:

            Procès de condamnation de Jeanne d’Arc (ed. par P. TISSET et Y. LANHERS. Société de l’Histoire de France, Paris, 1960-1971, ed. Klincksieck, 3 vol.)

            Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc (ed. par P. DUPARC. Société de l’Histoire de France, Paris, 1977-1989, 5 vol.)

Trois très bons livres, fondés sur les Procès:

  1. Régine PERNOUD: Jeanne d’Arc par elle-même et par ses témoins (Paris, 1962, ed. du Seuil, col. « livre de vie »)
  2. Régine PERNOUD: Vie et mort de Jeanne d’Arc. Les témoignages du Procès de Réhabilitation (Paris, 1953, Hachette, réimprimé dans la col. « Marabout Université »)
  3. Régine PERNOUD et M.V. CLIN: Jeanne d’Arc (Paris, 1986, ed Fayard, col « pluriel »)
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François-Marie Léthel

Le pape Benoît XVI a adressé une lettre au Père François-Marie Léthel, o.c.d., secrétaire de l’Académie pontificale de théologie et professeur à la faculté pontificale de théologie « Teresianum », qui a prêché la retraite de carême au Vatican de 2011, sur le thème : « La lumière du Christ au cœur de l’Eglise – Jean-Paul II et la théologie des saints ». Il est aussi depuis 2004, consulteur de la Congrégation pour les causes des saints. https://fr.zenit.org/articles/lettre-de-benoit-xvi-au-pere-francois-marie-lethel/

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