« Demander à l’Esprit saint la grâce de discerner ce qui est mondanité et ce qui est l’Evangile »: c’est l’invitation du pape François dans son homélie pour la messe matinale de ce samedi 16 mai 2020, en la chapelle du Saint-Esprit de la Maison Sainte-Marthe au Vatican.
Les messes de 7h son transmise exceptionnellement en direct, en streaming depuis le 9 mars, et elle le seront seulement jusqu’à lundi, 18 mai, pour la messe au tombeau de Saint Jean-Paul II.
Le pape a résumé l’essentiel de son homélie dans un tweet qui dit: « Qu’est-ce que l’esprit du monde dont parle Jésus (Jn 15,18-21)? C’est une manière de vivre, une culture de l’éphémère qui ne connaît pas la fidélité. Demandons à l’Esprit Saint la grâce de discerner ce qu’est la mondanité et ce qu’est l’Évangile. »
Le pape cite la « Méditation sur l’Église » du cardinal Henri de Lubac SJ publiée chez Aubier-Montaigne en 1953, puis par Desclée de Brouwer, et re-publiée au Cerf en 2003, à l’occasion du 50e anniversaire de la publication. On peut trouver une présentation ici.
Voici notre traduction de l’homélie, prononcée en italien, à partir du texte établi par Vatican News.
AB
Homélie du pape François
Jésus parle souvent du monde, et surtout dans son discours d’adieu aux apôtres (cf. Jn 15, 18-21). Et il y dit : “Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi” (v. 18). Il parle clairement de la haine que le monde a eu envers Jésus et aura envers nous. Et dans la prière qu’il fait à table avec les disciples lors de la Cène, il demande au Père de ne pas les enlever du monde, mais de les défendre de l’esprit du monde (cf. Jn 17, 15).
Je crois que nous pouvons nous demander : quel est l’esprit du monde ? Quelle est cette mondanité, capable de haïr, de détruire Jésus et ses disciples, plus encore de les corrompre et de corrompre l’Église ? Comment est-il cet esprit du monde,? Qu’est-ce que c’est? Cela nous fera du bien d’y penser. C’est une proposition de vie, la mondanité. Mais certains pensent que la mondanité c’est faire la fête, vivre de fêtes…. Non, non. La mondanité peut être cela, mais fondamentalement ce n’est pas cela.
La mondanité c’est une culture: c’est une culture de l’éphémère, une culture de l’apparence, du maquillage, une culture du « aujourd’hui oui, demain non, demain oui et aujourd’hui non ». Elle a des valeurs superficielles. Une culture qui ne connaît pas la fidélité, parce qu’elle change selon les circonstances, elle négocie tout. Voilà la culture mondaine, la culture de la mondanité. Et Jésus insiste pour nous en défendre et il prie pour que le Père nous défende de cette culture de la mondanité. C’est une culture du prends et jette, selon ce qui convient. C’est une culture sans fidélité, elle n’a pas de racines. Mais c’est un mode de vie, le mode de vie aussi de beaucoup qui se disent chrétiens. Ils sont chrétiens mais ils sont mondains.
Dans la parabole du grain qui tombe en terre, Jésus dit que les soucis du monde – c’est-à-dire de la mondanité – étouffent la Parole de Dieu, qu’ils ne la laissent pas croître (cf. Lc 8, 7). Et Paul dit aux Galates : “Vous étiez esclaves du monde, de la mondanité” (cf. Gal 4, 3). Je suis toujours, toujours frappé quand je lis les dernières pages du livre du père de Lubac : « Méditation sur l’Église« , les trois dernières pages, où il parle justement de mondanité spirituelle. Et il dit que c’est le pire des maux qui puissent arriver à l’Église ; et il n’exagère pas, parce qu’ensuite il parle de certains maux qui sont terribles, et celui-là, c’est le pire : la mondanité spirituelle, parce que c’est une herméneutique de vie, c’est une façon de vivre ; une façon de vivre aussi le christianisme. Et pour survivre face à la prédication de l’Évangile, elle haït, elle tue.
Lorsqu’ion dit des martyrs qu’il sont tués « en haine de la foi », oui, pour certains, la haine était vraiment un problème théologique, mais ce n’était pas la majorité. Dans la majorité [des cas], c’est la mondanité qui hait la foi et qui les tue, comme elle l’a fait avec Jésus.
C’est curieux : la mondanité, on pourrait me dire : « Mais Père, cela c’est une superficialité de vie… ». Ne nous trompons pas ! La mondanité n’est en rien superficielle ! Elle a des racines profondes, des racines profondes. Elle est caméléonienne, elle change, elle va et vient selon les circonstances, mais la substance est la même : une proposition de vie qui entre partout, même dans l’Église. La mondanité, l’herméneutique mondaine, le maquillage, on maquille tout pour être comme cela.
L’apôtre Paul est venu à Athènes, et il a été impressionné de voir dans l’aréopage tant de monuments aux dieux. Et il a pensé en parler: « Vous êtes un peuple religieux, je vois ceci… Cet autel du « dieu inconnu » attire mon attention. Celui-là je le connais et je viens vous dire qui il est ». Et il a commencé à prêcher l’Évangile. Mais lorsqu’il en est arrivé à la croix et à la la résurrection, ils ont été scandalisés et ils sont partis (cf. Ac 17, 22-33). Il y a une chose que la mondanité ne tolère pas : le scandale de la Croix. Elle ne le tolère pas. Et le seul remède contre l’esprit de mondanité c’est le Christ mort et ressuscité pour nous, scandale et folie (cf. 1 Co 1, 23).
Et c’est pourquoi, lorsque l’apôtre Jean aborde le thème du monde dans sa première lettre, il dit : « Voilà la victoire qui a vaincu le monde : notre foi » (1 Jn 5, 4). La seule : la foi en Jésus-Christ, mort et ressuscité. Et cela ne signifie pas être des fanatiques. Cela ne signifie pas négliger de dialoguer avec toutes les personnes, non, mais avec la conviction de la foi, à partir du scandale de la Croix, la folie du Christ et aussi de la victoire du Christ. « Voilà notre victoire, dit Jean: notre foi ».
Demandons à l’Esprit Saint en ces derniers jours, – aussi dans la neuvaine à l’Esprit Saint -, en ces derniers jours du temps pascal, la grâce de discerner ce qui est mondanité et ce qui est l’Evangile, et de ne pas nous laisser tromper, parce que le monde nous hait, le monde a haï Jésus et Jésus a prié pour que le Père nous défende de l’esprit du monde (cf. Jn 17, 15).
(c) Traduction de Zenit, Anita Bourdin