« Que le Seigneur nous aide à comprendre, à sentir cette mystique du « demeurer » sur lequel Jésus insiste beaucoup, beaucoup, beaucoup »: c’est le voeu du pape François qui a commenté la page d’Evangile du jour lors de la messe ne la chapelle du Saint-Esprit, à Sainte-Marthe, au Vatican, ce mercredi 13 mai 2020, à 7h. Une messe transmise en direct en streaming depuis le 9 mars et jusqu’au 18 mai inclus.
Le pape François a insisté sur cette « réciprocité » du « demeurer » en Dieu et Dieu dans le baptisé: « Entre la vigne et les sarments, il y a ce « demeurer » intime. Les sarments, nous, nous avons besoin de la sève et la sève a besoin des fruits, du témoignage. »
Voici notre traduction complète de l’homélie du pape François prononcée d’abondance du coeur, en italien.
AB
Homélie du pape François
Le Seigneur revient sur « demeurer en lui » et nous dit : « La vie chrétienne, c’est demeurer en moi ». Demeurer. Et il emploie ici l’image de la vigne, comme les sarments demeurent sur la vigne (cf. Jn 15,1-8). Et ce « demeurer » ne signifie pas demeurer passivement, s’endormir dans le Seigneur : ce serait peut-être un « sommeil béatifique », mais ce n’est pas cela. Ce « demeurer » signifie demeurer activement, et aussi demeurer réciproquement. Pourquoi ? Parce qu’il dit : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (v.4). Lui aussi, il demeure en nous, pas seulement nous en lui. Cela signifie demeurer réciproquement. Ailleurs il dit : Moi et le Père « nous viendrons chez lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14,23).C’est un mystère, mais un mystère de vie, un très beau mystère. Demeurer réciproquement. Et aussi l’exemple des sarments : c’est vrai, les sarments sans la vigne ne peuvent rien faire parce que la sève n’arrive pas, ils ont besoin de la sève pour croître et porter du fruit ; mais l’arbre aussi, la vigne a besoin des sarments, parce que les fruits ne sont pas attachés à l’arbre, à la vigne. C’est un besoin réciproque, demeurer réciproquement pour porter du fruit.
Et c’est cela, la vie chrétienne. C’est vrai, la vie chrétienne, consiste à accomplir les commandements (cf. Ex 20, 1-11), cela doit être fait. La vie chrétienne, c’est aller sur la voie des béatitudes (cf. Mt 5, 1-13), cela doit être fait. La vie chrétienne, c’est accomplir les oeuvres de miséricorde, comme nous l’enseigne le Seigneur dans l’Évangile (cf. Mt 25, 35-36), et cela doit être fait. Mais plus encore : demeurer réciproquement. Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire, comme les sarments sans la vigne. Et lui – que le Seigneur me permette de le dire – , sans nous, il semble qu’il ne puisse rien faire, parce que c’est le sarment qui donne le fruit, et non l’arbre, la vigne. Dans cette communauté, dans cette intimité du « demeurer » qui est féconde, le Père et Jésus demeurent en moi et moi, je demeure en eux.
Quel « besoin » – c’est ce qui me vient à l’esprit – l’arbre de la vigne a-t-il des sarments ? C’est d’avoir des fruit. Quel « besoin » – disons-le ainsi, avec un peu d’audace – quel « besoin » Jésus a-t-il de nous ? Le témoignage. Quand, dans l’Évangile, il dit que nous sommes la lumière, il déclare : « Soyez la lumière pour que “voyant ce que vous faites de bien“, les hommes rendent “gloire à votre Père qui est aux cieux“ (Mt 5,16) ». Cela signifie que le témoignage est la nécessité qu’a Jésus de nous. Rendre témoignage à son nom, parce que la foi, l’Évangile grandit par le témoignage. C’est mystérieux : même glorifié au ciel, après avoir vécu sa Passion, Jésus a besoin de notre témoignage pour faire grandir, pour annoncer, pour que l’Église grandisse. Et c’est le mystère réciproque de ce « demeurer ». Lui, le Père et l’Esprit demeurent en nous, et nous, nous demeurons en Jésus.
Cela nous fera du bien de penser, de réfléchir à cela : demeurer en Jésus, et Jésus demeure en nous. Demeurer en Jésus pour avoir la sève, la force, pour avoir la justification, la gratuité, pour avoir la fécondité. Et lui, il demeure en nous pour nous donner la force de [porter] du fruit (cf. Jn 5,15), pour nous donner la force du témoignage par lequel l’Église grandit.
Et je me pose une question : quelle est la relation entre Jésus qui demeure en moi et moi qui demeure en lui ? Est-ce une relation d’intimité, une relation mystique, une relation sans paroles ? « Ah Père, mais cela, c’est pour les mystiques ! ». Non, c’est pour nous tous ! Avec des petites pensées : « Seigneur, je sais que tu es là [en moi] : donne-moi la force et je ferai ce que tu me diras ». Ce dialogue d’intimité avec le Seigneur. Le Seigneur est présent, le Seigneur est présent en nous, le Père est présent en nous, l’Esprit est présent en nous ; ils demeurent en nous. Mais je dois demeurer en eux…
Que le Seigneur nous aide à comprendre, à sentir cette mystique du « demeurer » sur lequel Jésus insiste beaucoup, beaucoup, beaucoup. Bien souvent, quand nous parlons de la vigne et des sarments, nous nous arrêtons à l’image, au métier de l’agriculteur, du Père : sur le fait qu’il émonde ce [le sarment] qui porte du fruit, et qu’il coupe et jette ce qui n’en porte pas (cf. Jn 15, 1-2). C’est vrai, c’est ce qu’il fait, mais ce n’est pas tout, non. Il y a autre chose. Ceci, c’est l’aide : les épreuves, les difficultés de la vie, et également les corrections que nous fait le Seigneur. Mais ne nous arrêtons pas là. Entre la vigne et les sarments, il y a ce « demeurer » intime. Les sarments, nous, nous avons besoin de la sève et la sève a besoin des fruits, du témoignage.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat