La Bible @ Robert Cheaib - flickr.com/theologhia

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« La théologie de S. Thomas, animée par l’Écriture sainte: elle en jaillit et y conduit », selon P. Fernández

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« Un commentaire de la Bible »

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« La théologie de saint Thomas est toujours animée par l’Écriture sainte, elle en jaillit et y conduit » écrit Pedro Fernández, recteur du Collège des pénitenciers de Sainte Marie-Majeure, à l’occasion de la mémoire liturgique de saint Thomas d’Aquin, ce 28 janvier 2020, dans L’Osservatore Romano en italien.

L’article s’intitule:

« Saint Thomas d’Aquin, théologien spirituel ».

Voici notre traduction de l’italien:

Il est aujourd’hui largement admis que saint Thomas d’Aquin (1225-1274) serait un théologien scolastique marqué par la philosophie aristotélicienne, passé de mode après le concile Vatican II. Il a également été dit que l’exercice de la raison l’avait empêché de faire une quelconque expérience de Dieu (cf. Adrienne von Speyr, Das Allerheiligenbuch, 1966). En réalité, saint Thomas reste encore un inconnu. À cet égard, la première chose à dire est que, bien que le langage de saint Thomas soit philosophique, son contenu est toujours théologique, puisqu’il s’est servi d’Aristote, ainsi que d’autres philosophes, pour proposer un système de pensée compatible avec la foi catholique. Cela lui a permis de devenir un grand théologien, étant un grand philosophe chrétien, dont le magistère est encore actuel, comme l’a rappelé le concile Vatican II lui-même (cf. Décret Optatam totius, n. 16 ; Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum educationis, n. 10). Concrètement, « saint Thomas a instauré un dialogue surprenant entre la philosophie aristotélicienne et la théologie, et la base de ce dialogue a été sa foi dans le Christ crucifié » (S. Pinkaers, OP, « La voie spirituelle du bonheur selon Saint Thomas » : Ordo sapientiae et amoris. Hommage au prof. J.P. Torrel, op. Fribourg 1993, p.284). Citant Denys l’Aréopagite, saint Thomas manifeste son mode de pensée lorsqu’il écrit : « Si quelqu’un n’admet pas l’autorité de la parole de Dieu, il est tout à fait étranger et loin de notre philosophie. Si, en revanche, il admet la vérité de la parole divine, il est avec nous puisque nous nous servons de ce critère » (Summa theologiae, I, 32, 1c).

L’objectif de cette brève réflexion est de présenter saint Thomas d’Aquin en qualité de théologien spirituel et de proposer une vision de sa théologie qui le fasse reconnaître comme un véritable maître de vie spirituelle. Il continue encore aujourd’hui à nous enseigner à chercher Dieu, surtout à travers sa parole lue, étudiée, célébrée, contemplée et prêchée. La théologie de saint Thomas est toujours animée par l’Écriture sainte, elle en jaillit et y conduit. Le théologien saint Thomas est avant tout un homme de Dieu. « Le mystique ne répond pas à la question de savoir comment est le monde, mais à celle de savoir pourquoi le monde est » (Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, vi, 44). « Toute la théologie de saint Thomas est un commentaire de la Bible ; il ne propose aucune conclusion sans la justifier par quelque parole de l’Écriture sainte, qui est la parole de Dieu » (E. Gilson, Les tribulations de Sophie, Paris 1967, p. 47). « Que l’étude de la Sainte Écriture soit donc pour la théologie sacrée comme son âme » (Const. dogmatique Dei Verbum, 24). « La Somme théologique, avec sa limpidité abstraite et sa transparence impersonnelle, cristallise sous nos yeux la vie intérieure même de saint Thomas d’Aquin », Paris 1986, 457). « Nous ne pouvons pas oublier le sens évangélique et apostolique de la théologie de saint Thomas, qui était un frère prêcheur » (M. D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin, Paris 1954, 2 éd. pp. 38-43).

Il y a une autre raison pour laquelle j’ai décidé d’attirer l’attention sur la théologie spirituelle de saint Thomas, c’est afin de collaborer pour dépasser une manière de faire de la théologie stérile, qui ne provoque de changements ni chez celui qui la fait, ni chez ceux qui l’écoutent ou la lisent. Nous avons besoin d’une compréhension plus adéquate de la théologie, qui soit sainte et qui alimente la sainteté, qui puisse assumer et interpréter les réalités humaines à partir de la foi chrétienne, provoquant une vraie vie spirituelle et une authentique évangélisation. Cela ne vaut même pas la peine de perdre son temps sur la théologie qui a cessé d’être sel et lumière pour les hommes. Les paroles mortes ne génèrent pas la vie. Nous avons besoin d’une réflexion théologique qui nous rapproche vraiment de Dieu, au moment où elle est faite et au moment où elle est enseignée. Le meilleur fruit de la théologie de saint Thomas n’est pas la réflexion, mais la contemplation.

Saint Thomas est un philosophe et surtout un théologien ; même en tant que frère prêcheur et homme apostolique, toute son oeuvre est caractérisée par un profond sens religieux et évangélisateur. À cet égard, souvenons-nous de l’expression verbo et exemplo des nouveaux frères mendiants, enracinés dans l’Évangile et dans la vie des apôtres. Saint Thomas, un homme évangélique, est évidemment un théologien, non pas intellectuel mais spirituel. Nous pouvons également affirmer que toute sa théologie est théocentrique, plus que christocentrique. Dieu s’est fait fils de l’homme afin que les hommes deviennent fils de Dieu. C’est une théologie objective ; nous venons de Dieu et nous retournons à Dieu par la voie ouverte par Jésus, pratiquant avec joie les vertus, surtout l’amour de Dieu et la miséricorde envers notre prochain. C’est une théologie qui naît et conduit à la prière : saint Thomas écrit 33 fois dicitur vel cantatur, se référant à la célébration liturgique selon le rite dominicain. L’analyse des poésies de saint Thomas d’Aquin montre en outre son esprit mystique (cf. Paul Murray, Tomás de Aquino orante. Biblia, poesías y mística, Salamanque 2014). C’est une spiritualité incarnée dans le Christ et dans l’homme, corps et âme, créé par Dieu et racheté par le Christ. Sa théologie est vocation à la sainteté, affirmant que la morale chrétienne est un chemin vers le bonheur.

« Le gigantesque effort intellectuel de ce maître de la pensée fut stimulé, soutenu, orienté par un coeur rempli d’amour pour Dieu et pour son prochain. “Per ardorem caritatis datur cognitio veritatis” (Saint Thomas d’Aquin, In Johan, v, 6, n. 6). Ce sont des paroles emblématiques qui laissent entrevoir, derrière le penseur capable des vols spéculatifs les plus hardis, le mystique habitué à puiser directement à la source même de toutes les vérités la réponse aux invocations les plus profondes de l’esprit humain. N’a-t-il pas, d’ailleurs, confessé lui-même qu’il n’avait jamais écrit ni donné de leçons sans recourir d’abord à la prière ? Qui s’approche de saint Thomas ne peut faire abstraction de ce témoignage qui émerge de sa vie ; au contraire, il doit se lancer courageusement sur ses pas en s’engageant à imiter son exemple, s’il veut arriver à goûter les fruits les plus cachés et les plus savoureux de son enseignement. C’est ce que nous rappelle la prière que la liturgie met sur nos lèvres le jour de sa fête : « Dieu qui as fait de saint Thomas d’Aquin un modèle admirable par sa recherche d’une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples » (Jean-Paul II, Discours à l’Université pontificale Saint Thomas d’Aquin, 17 novembre 1979, à l’occasion du premier centenaire de l’encyclique Aeterni Patris).

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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