Card. Parolin, 150 ans du Bambino Gesù © capture de Zenit / Vatican News

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Le card. Parolin encourage une diplomatie "pour construire la paix"

Ouverture de l’année académique de l’Université catholique du Sacré-Coeur

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Le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin encourage une diplomatie au service de la construction de la paix, dans son discours pour l’ouverture de l’année académique de l’Université catholique du Sacré-Coeur, de Rome, le 28 novembre 2019, publié par le Saint-Siège le 30 novembre.
Voici notre traduction, de l’italien.
Lectio Magistralis du card. Parolin 
L’expérience nous montre que pour ceux qui s’approchent de l’action diplomatique du Saint-Siège, une question revient toujours: dans quel but la diplomatie pontificale agit-elle? Pour y répondre, nous pourrions faire appel ici à des raisons historiques – je crois que sont encore valides les argumentations de Balladore-Pallieri e de Vismara, illustres enseignants de cette faculté – et affirmer qu’il s’agit d’une action poursuivie en continuité au cours des siècles ou peut-être peut-on la lire en suivant le cours des événements et des décisions adoptées. Mais souvent, on néglige d’indiquer que nous sommes face à une action qui s’est développée selon les formes de la diplomatie permanente qui ont vu et qui voient le Saint-Siège comme participant à ce résesau de relations stables entre les Nations qui, avec toutes les limites possibles, représente aujourd’hui encore un instrument au service de la coexistence humaine et de son aspiration à la sécurité, à la stabilité et à la paix. La diplomatie pontificale, en effet, tout en étant fermement ancrée par sa nature dans des tâches essetiellement ecclésiales qui la mettent au service de la mission universelle de l’Église, reste projetée dans l’oeuvre qui consiste à garantir une coexistence mondiale ordonnée, cette paix souhaitée qui, loin d’être un équilibre, est en premier lieu le synonyme et l’effet de la justice.
Certes, dans le cas de la diplomatie pontificale, il faut toujours rappeler qu’elle constitue un instrument essentiel pour la vie intérieure de l’Église, c’est-à-dire pour la réalité d’une communauté de croyants, avec son cadre spirituel et sociétaire, unis entre eux par un lien indissoluble. Avec son service, en fait, le représentant pontifical réalise une collaboration directe avec la mission du Successeur de Pierre, il manifeste de manière visible l’intérêt et la sollicitude du pape pour les Églises locales présentes dans les différentes régions. À travers son représentant, l’évêque de Rome instaure un rapport vital et nécessaire qui contribue à faire émerger la véritable image de l’Église, en tant que réalité de communion entre le centre et la périphérie. Une communion que le pape François voit aujourd’hui comme un instrument pour surmonter les diversités et prévenir les antagonismes ou les divisions. […].
Le lien avec la paix est continu et permet de lire la figure selon laquelle la diplomatie pontificale, en suivant les normes et le langage propres à la diplomatie, se structure pour transformer la paix de simple sentiment à une méthode: favoriser une coexistence internationale faite d’amitié, de respect, d’attention réciproque […].
Si l’on regarde donc la structure de la diplomatie pontificale, l’objectif de la pleine communion entre le pontife romain et les Églises locales non seulement est essentiel pour la vie et les activités de ces dernières, mais il en est la caractéristique, y compris lorsque celle-ci oeuvre avec les différents pays et par conséquent avec les gouvernements. La communion dans l’Église et de l’Église est essentielle aux manières d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous les peuples et c’est la base de tout dialogue.
Et c’est précisément le dialogue qui, depuis toujours, y compris dans les situations les plus difficiles, est voulu, s’instaure et se développe en raison de la paix. Nous pourrions dire que pour le Saint-Siège il s’agit d’un engagement structuré, destiné à connaître les faits et les situations en les interprétant à la lumière des principes évangéliques et des règles internationales, sans jamais négliger les éléments qui peuvent favoriser, ne serait-ce que très peu, la concorde et non l’opposition, la solution aux disputes et non leur amplification […].
La guerre, la violation des principes et des normes, la perte du sens de l’humanité sont des réalités que nous vivons et qui sont accompagnées d’incertitudes et de perspectives sombres. Face à un tel cadre, pour le Saint-Siège, l’objectif est de rendre opérants la vision chrétienne et le magistère ecclésial, les conjuguant toujours à la relation entre le gouvernement central de l’Église et les réalités locales avec leurs exigences et leurs spécificités […].
La scène des relations internationales est en général décrite comme un lieu de rencontre et de dialogue entre différentes visions politiques, économiques, culturelles et même religieuses. Et c’est dans cette diversité que continue de s’inspirer toute action visant à garantir l’avenir des relations entre les nations, ainsi que leur stabilité, pour favoriser ce que le magistère de l’Église identifie comme l’ « ordre international ». Il s’agit de cet ensemble de valeurs et de principes fondamentaux, communs aux différents peuples et civilisations qui constituent la pierre angulaire du droit international d’où découlent et à laquelle sont reliées les normes coutumières ou dérivant  de traités ou de conventions, comme expressions du comportement et de la volonté des membres de la Communauté des Nations.
Par conséquent, pour les diplomates du pape, l’objectif de la paix part d’une demande générale de paix et se concrétise avant tout en prévoyant les présupposés et les modalités qui peuvent la favoriser. Peut-être est-ce aussi pour cela que les partis en dispute, lorsqu’ils recherchent une véritable réconciliation pour mettre fin à des conflits, invoquent une implication directe du Saint-Siège. Dans ces cas-là, elle agit en favorisant un véritable dialogue, même lorsque le dialogue suppose la présence et l’apport de qui dérange ou de qui, selon une vision traditionnelle, ne semble pas avoir la légitimité d’acteur dans une négociation. Le devoir de ne pas exclure, mais d’inclure la diplomatie pontificale, on l’expérimente et on le vit à travers l’effort pour conjuguer la bonne volonté des nombreuses parties en conflit afin d’initier la pacification. Je pense, parmi les cas les plus récents, au procès de paix initié en Colombie, où la diplomatie vaticane n’a pas manqué d’apporter une contribution ; ou à la situation au Nicaragua, qui voit le représentant du pape dans le pays participer  en tant qu’ « observateur » aux discussions pour la repacification nationale ; ou encore au rôle qu’elle joue dans les crises cycliques de pays d’Afrique, comme dans le cas du Mozambique, objet de l’attention du Saint-Père lors de son récent voyage dans ce pays.
Cette orientation se manifeste également au niveau multilatéral, comme en témoigne la contribution active apportée à l’élaboration du Pacte mondial sur les migrations, l’asile et le chapitre plus large de la mobilité humaine ou le soutien persistant aux efforts visant à réglementer le désarmement et l’utilisation des armes ayant des effets destructeurs et préjudiciables au principe traditionnel d’humanité qui inspire la réglementation des conflits (…).
En agissant de la sorte, le Saint-Siège prend pleinement conscience qu’il n’exerce pas de pouvoir et qu’il ne cherche pas à obtenir des privilèges de quelque nature que ce soit. De plus, il s’agirait d’un exercice très modeste compte tenu de la spécificité de sa nature et de sa mission, qui sont très différentes de celles des États. Il s’agit de se sentir partie prenante de la vie et des besoins essentiels de la famille humaine, ainsi que de la société d’un pays, d’être proche des familles, des groupes de toute inspiration et croyance, et pas seulement des communautés catholiques (…).
La diplomatie pontificale (…) en combinant l’expérience de l’Eglise avec les instruments mis à sa disposition par le droit international, montre combien elle se soucie du sort de la paix sous ses diverses formes. C’est pourquoi elle soutient les efforts visant à rechercher le règlement pacifique des différends, le développement intégral et pas seulement la croissance économique, le respect des droits de l’homme et le soin de la maison commune.
Certains pourraient soutenir qu’il s’agit là d’objectifs théoriques ou, en tout état de cause, peu enclins à être poursuivis dans la pratique internationale plutôt faite de solutions pragmatiques. Mais combien de temps peut durer une paix imposée par la force des armes ? Quel développement les peuples et les pays peuvent-ils réaliser s’ils ne sont bénéficiaires que des aides et de l’assistance liées aux urgences ? Il n’est pas difficile de comprendre que l’antithèse du conflit réside dans l’élimination des causes qui le déclenchent et donc dans la mise en œuvre des moyens nécessaires, dans de nombreux cas déjà connus et prévus ; ou que le sous-développement et la pauvreté sont la conséquence de déficiences structurelles, d’une formation insuffisante, voire absente, et du manque d’accès à des technologies adéquates.
Le Saint-Siège, et donc sa diplomatie, sont porteurs de la conviction que l’action internationale doit aller au-delà de la logique d’agir uniquement face aux urgences, peut-être pour les arrêter momentanément. L’idée de durabilité qui est tant proclamée aujourd’hui doit se concrétiser non seulement en abordant les problèmes et les défis dans la continuité, mais aussi en planifiant les solutions nécessaires. On peut certes affirmer que l’objectif est ambitieux, mais il ne faut pas nier que c’est ce que le droit international exige de la diplomatie […].
Ce qui émerge aujourd’hui dans les relations internationales fait prendre conscience à tous que l’activité diplomatique ne peut avoir son poids et ses effets que si elle réussit à être un instrument efficace au service de la cause de l’homme et pas seulement de l’intérêt national. Cela implique l’effort quotidien non seulement de connaître les situations, mais de les interpréter et d’apporter ainsi les solutions nécessaires, même lorsque tout semble obscur et toute intervention impossible. Face aux difficultés, le pape François confie à la diplomatie la tâche de développer des idées originales et des stratégies novatrices (…). Une indication essentielle qu’il pense à une diplomatie vivante, qui fonctionne comme un outil privilégié pour construire la paix en surmontant les crises et en résolvant les conflits, mais aussi en combinant des idées divergentes, des positions politiques opposées, voire des visions religieuses lointaines (…).
La présence dans le multilatéral permet au Saint-Siège de poursuivre le grand objectif de la paix, le déclinant dans ses différentes nuances : du désarmement au développement, de l’éducation à la propriété intellectuelle, du commerce aux télécommunications et l’on pourrait continuer. L’Église en soutient depuis toujours l’importance et la fonction […]. Un soutien aujourd’hui encore plus nécessaire devant aux impasses qui se présentent souvent aux Institutions multilatérales et à la diplomatie qui y est liée. Une crise que la diplomatie pontificale observe et étudie, mais qu’elle ne peut certes pas partager. […]. Mais le risque est que l’on nie l’essence de la diplomatie si l’on ne reconnaît pas les contextes multilatéraux comme l’unique possibilité pour les États de se retrouver simultanément pour dialoguer, élaborer des stratégies et trouver des solutions à des questions, comme la paix, qui sont nécessairement communes […].
Une diplomatie, par conséquent, véhicule de dialogue, de coopération et de réconciliation, qui deviennent ensuite toutes des voies vers la paix si elles remplacent les revendications réciproques, les oppositions fratricides, l’idée d’ennemi et le refus de l’autre. Une diplomatie, surtout, capable de concourir à construire la paix en se substituant à l’usage de la force, c’est-à-dire à cette voie considérée comme plus brève, mais qui n’est certainement pas une solution.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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