« Aucun État ne peut faire face seul » au phénomène « complexe » de la migration, a fait observer Mgr Jurkovic, attirant l’attention sur plusieurs aspects. Pour tenir l’engagement du Pacte mondial, « de rendre la migration volontaire, sûre, ordonnée et régulière, nous devons nous attaquer aux facteurs qui provoquent les flux migratoires en créant les conditions qui permettent à chacun de vivre en sécurité et dans la dignité dans son propre pays », a-t-il souligné.
Mgr Ivan Jurkovic, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, est intervenu lors de la 109e session du Conseil de l’Organisation internationale pour les migrations, à Genève, le 28 novembre 2019.
Le représentant du Saint-Siège a invité à « exploiter le potentiel des jeunes pour bâtir des sociétés résilientes et durables ». « Pour ce faire, a-t-il dit, il est important d’investir dans une éducation accessible et inclusive afin d’autonomiser les jeunes et de permettre la compréhension mutuelle et les échanges ». Il a aussi souhaité que soit accordée « une plus grande attention mondiale » aux « phénomènes qui déplacent de plus en plus de personnes chaque année, en particulier dans les pays en développement ».
Voici notre traduction du discours de Mgr Jurkovic.
HG
Discours prononcé par Mgr Ivan Jurkovic
Monsieur le Président,
Tout d’abord, la Délégation du Saint-Siège vous adresse ses félicitations pour votre élection et souhaite chaleureusement la bienvenue au Liban dans la famille de l’OIM. Permettez-moi également de remercier le Directeur général d’avoir présenté son rapport annuel sur la situation.
Monsieur le Président,
La migration est une réalité qui, depuis des temps immémoriaux, « a contribué à favoriser les relations humaines, à créer de nouveaux liens de collaboration, à stimuler l’échange de connaissances et l’enrichissement culturel et économique, à compenser les pénuries de main-d’œuvre et démographiques et à élargir les perspectives des gens pour voir objectivement un monde interconnecté ». (1)
Il est bien établi que les migrants peuvent apporter une contribution encore plus riche lorsque leur intégration dans le pays de résidence est favorisée et que leurs droits humains fondamentaux et leur dignité sont respectés. Dans le même temps, ceux qui arrivent devraient également être disposés à l’intégration, en respectant la culture et les valeurs des pays d’accueil.
Aujourd’hui, la migration continue d’être l’une des forces les plus puissantes qui façonnent les aspects économiques, sociaux, politiques et culturels de notre société. Bien qu’elle s’accompagne de défis, la migration se produit pour la plupart régulièrement et se traduit par des avantages pour les pays d’origine, de destination et pour les migrants eux-mêmes.
Malgré cela, le débat sur la migration continue d’être largement unilatéral, l’accent étant mis sur la sécurité, souvent motivée par la peur et les stéréotypes, ce qui donne souvent lieu à l’exploitation et aux abus, éclipsant ainsi ses bénéfices positifs.
Monsieur le Président,
Pour ces raisons, ma délégation souhaite partager avec ce Conseil les remarques du pape François selon lesquelles le débat sur la migration ne concerne pas seulement les migrants. Il s’agit plutôt de nous tous, du présent et de l’avenir de la famille humaine. Face à la tendance croissante à l’individualisme extrême et à la « mondialisation de l’indifférence », il s’agit de faire en sorte que personne ne soit exclu, pas même les pauvres et les plus vulnérables. (2)
Le pape François a affirmé que « dans ce scénario, les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées et les victimes de la traite sont devenus les emblèmes de l’exclusion. En plus des difficultés qu’entraîne leur condition, ils sont souvent méprisés et considérés comme la source de tous les maux de la société. Cette attitude est une sonnette d’alarme qui nous avertit du déclin moral auquel nous serons confrontés si nous continuons à céder du terrain à la culture du jetable. » (3)
Monsieur le Président,
Étant donné qu’aucun État ne peut faire face seul à ce phénomène complexe, la délégation du Saint-Siège tient à souligner trois points :
- Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières représente une étape importante vers une gouvernance efficace des migrations, car il offre à la communauté internationale l’occasion de mettre en œuvre une réponse plus concertée et plus digne aux migrations, fondée sur une responsabilité partagée et sur des principes communs.
Si nous voulons tenir notre engagement de rendre la migration volontaire, sûre, ordonnée et régulière, nous devons nous attaquer aux facteurs qui provoquent les flux migratoires en créant les conditions qui permettent à chacun de vivre en sécurité et dans la dignité dans son propre pays, comme cela est justement reconnu au paragraphe 13 de ce Pacte. (4)
Si la paix, le développement et une véritable intégration sont fondamentaux pour assurer la mise en œuvre du Pacte mondial, ma délégation souhaite, en particulier, souligner qu’un point essentiel est d’exploiter le potentiel des jeunes pour bâtir des sociétés résilientes et durables. Pour ce faire, il est important d’investir dans une éducation accessible et inclusive afin d’autonomiser les jeunes et de permettre la compréhension mutuelle et les échanges. Il est particulièrement apprécié que le Dialogue international sur la migration ait été consacré cette année aux jeunes.
- Parmi les causes profondes des migrations, la délégation du Saint-Siège tient à souligner et à réitérer l’inquiétude que suscite l’effet toujours croissant des catastrophes naturelles et de la dégradation de l’environnement sur l’aggravation de la pauvreté et, par conséquent, sur les mouvements de population au plan tant interne qu’international. Cette délégation soutient l’engagement croissant de l’OIM pour mettre la migration environnementale au cœur des préoccupations internationales, régionales et nationales. Toutefois, il faut accorder une plus grande attention mondiale à ces phénomènes qui déplacent de plus en plus de personnes chaque année, en particulier dans les pays en développement. Le Saint-Siège considère qu’il est crucial de consacrer plus de temps à cette question et de développer un cadre consensuel commun autour des termes clés.
- Enfin, sur l’avenir de l’OIM, le Saint-Siège a suivi attentivement les consultations sur les propositions visant à renforcer l’Organisation. Tout en restant fidèle au mandat, aux principes et aux objectifs de l’OIM, il est important que l’OIM suive le rythme des défis actuels ainsi que le rôle accru qu’elle a assumé ces dernières années. En même temps, il est impératif de toujours maintenir la personne humaine dans sa dignité inhérente fermement au centre de ses préoccupations et du multilatéralisme avec ses exigences de travail comme modèle de fonctionnement.
Monsieur le Président,
Il ne s’agit pas seulement des migrants, mais du présent et de l’avenir de nos sociétés. Les migrants sont une invitation à porter un regard neuf sur les relations internationales et sur notre solidarité en tant que famille de nations. [Le 29 septembre 2019, à l’occasion de la 105e célébration par l’Église catholique de la Journée internationale des migrants et des réfugiés, le pape François a inauguré une sculpture représentant un groupe de migrants et de réfugiés de diverses confessions et cultures et de différentes époques historiques. La statue se trouve aujourd’hui sur la place Saint-Pierre et porte l’inscription suivante, qui est une source d’inspiration : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges ».]
Je vous remercie.
- Card. Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, Allocution de clôture de la réunion avec les ambassadeurs résidents auprès du Saint-Siège, État de la Cité du Vatican, 19 octobre 2018.
- Cf. pape François, Message pour la 105ème Journée mondiale des migrants et des réfugiés, 29 septembre 2019.
- Pape François, Message pour la 105e Journée mondiale des migrants et des réfugiés, 29 septembre 2019.
- Cf. cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État de Sa Sainteté lors de la Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, Marrakech, 10 décembre 2018.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat