Synode pour l'Amazonie @ sinodoamazonico.va

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Document final du synode pour l'Amazonie en français: traduction non officielle

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« Si nous ne changeons pas, nous n’y arriverons pas »

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Le mot “conversion” semble être le maître mot du document final du synode pour l’Amazonie, avec pour corollaire “des nouveaux chemins”, comme le souhaitait le thème du synode: “Amazonie: de nouveaux chemins pour l’Eglise et pour une écologie intégrale”.
« Si nous ne changeons pas, nous n’y arriverons pas », a commenté le cardinal Michael Czerny, jésuite canadien, du dicastère pour le développement intégral, en présentant le document à la presse, aux côtés de Mgr David Martinez de Aguirre, dominicain, du Pérou, de Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la communication, et du p. Giacomo Costa, jésuite, de la commission d’information du synode, au Vatican, à 19h40.
Le document final du synode pour l’Amazonie est publié ce 26 octobre 2019, en espagnol. Il se présente sous la forme de cinq chapitres, une introduction et une conclusion.
Voici la traduction de travail – non officielle – procurée par le Vatican, à partir de l’original en espagnol, disponible sur le site du Vatican .
Nous avons laissé volontairement les néologismes de l’espagnol  comme « écocide ».

Nous avons publié ici notre table des matières du document, publié ce 26 octobre 2019.
La traduction non officielle a été diffusée le 4 novembre par le site: https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/la-doctrine-sociale-en-debat/314-synode-pour-l-amazonie-7-texte-final .
AB

Introduction

1. “Et celui qui était assis sur le trône dit:“ Regarde, je fais toutes choses nouvelles ”Et il dit:“ Écris: ces paroles sont fidèles et vraies! ” (Ap 21.5)
Après un long chemin synodal d’écoute du Peuple de Dieu dans l’Église amazonienne, inaugurée par le pape François lors de sa visite en Amazonie, le 19 janvier 2018, le Synode s’est tenu à Rome lors d’une rencontre fraternelle de 21 jours en octobre 2019. Le climat a été celui d’un échange ouvert, libre et respectueux des évêques, pasteurs en Amazonie, des missionnaires et laïcs, hommes et femmes, et des représentants des peuples autochtones d’Amazonie. Nous avons été des témoins participant à un événement ecclésial marqué par l’urgence du problème qui demande d’ouvrir de nouveaux chemins pour l’Église sur le territoire. Nous avons vécu ensemble avec sérieux ce travail dans un environnement marqué par la conviction d’écouter la voix de l’Esprit présent.
Le Synode a été célébré dans un environnement fraternel et propice à la prière. Plusieurs fois, les interventions ont été accompagnées d’applaudissements, de chants et, toutes, de profonds silences contemplatifs. En dehors de la salle synodale, il y a eu une présence notable de personnes originaires du monde amazonien qui organisaient des actions de soutien dans le cadre d’activités différentes, de processions, telle que la procession d’ouverture avec des chants et des danses accompagnant le Saint-Père depuis la tombe de Pierre à la salle synodale. Le chemin de croix des martyrs de l’Amazonie a eu un impact fort, en plus d’une présence massive des médias internationaux.
2. Tous les participants ont exprimé une conscience aiguë de la situation dramatique de destruction qui sévit en Amazonie. Elle signifie la disparition du territoire et de ses habitants, en particulier des peuples autochtones. La forêt amazonienne constitue un « cœur biologique » pour la terre, de plus en plus menacé. Elle se trouve embarquée dans une course effrénée vers la mort. Elle nécessite de toute urgence des changements radicaux et une nouvelle direction pour la sauver. Il est scientifiquement prouvé que la disparition du biome amazonien aura un impact catastrophique sur toute la planète!
3. Le cheminement synodal du Peuple de Dieu au stade préparatoire a impliqué toute l’Église du territoire, les évêques, missionnaires, membres des Églises d’autres confessions chrétiennes, laïcs, hommes et femmes, ainsi que de nombreux représentants des peuples autochtones, à partir du document de consultation qui a inspiré l’Instrumentum Laboris. Ce texte souligne l’importance d’écouter la voix de l’Amazonie, mue par le souffle plus grand du Saint-Esprit dans le cri du pays blessé et de ses habitants. Il a été enrichi par la participation active de plus de 87 000 personnes de différentes villes et cultures, ainsi que de nombreux groupes d’autres secteurs ecclésiaux, ainsi que les contributions d’universitaires et d’organisations de la société civile sur des problèmes fondamentaux spécifiques.
4. La célébration du Synode a réussi à mettre en évidence l’intégration de la voix de l’Amazonie avec la voix et le sentir des pasteurs participants. Ce fut une nouvelle expérience d’écoute pour discerner la voix de l’Esprit qui conduit l’Église sur de nouveaux chemins de présence, d’évangélisation et de dialogue interculturel en Amazonie. L’idée, soulevée dans le processus préparatoire, selon laquelle l’Église serait un allié du monde amazonien, a été affirmée avec force. La célébration se termine avec une grande joie et l’espoir d’embrasser et de pratiquer le nouveau paradigme de l’écologie intégrale, du soin de la « maison commune » et de la défense de l’Amazonie.

Chapitre I

Amazonie : de l’écoute à la conversion intégrale

« Puis l’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Ap 22,1)
5. « Le Christ vise l’Amazonie » (Paul VI, attribué). Il libère tout le monde du péché et accorde la dignité de fils de Dieu. L’écoute de l’Amazonie, dans l’esprit du disciple et à la lumière de la Parole de Dieu et de la Tradition, nous pousse à une conversion profonde de nos schémas et de nos structures au Christ et à son Évangile.

La voix et le chant de l’Amazonie comme message de vie

6. En Amazonie, la vie est insérée, liée et intégrée au territoire qui, en tant qu’espace physique vital et nutritif, constitue la possibilité, le maintien et la limite de la vie. L’Amazonie, également appelée Panamazonie, est un vaste territoire dont la population est estimée à 33 600 000 habitants, dont 2 à 2,5 millions d’indiens autochtones. Ce territoire, constitué du bassin du fleuve Amazone et de tous ses affluents, couvre 9 pays : Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie, Venezuela, Brésil, Guyana, Suriname et Guyane française. La région amazonienne est essentielle pour la répartition des précipitations dans les régions d’Amérique du Sud et contribue aux grands mouvements aériens autour de la planète. À l’heure actuelle, il s’agit de la deuxième zone du monde la plus vulnérable au changement climatique en raison de l’action directe de l’homme.
7. L’eau et la terre de cette région nourrissent et soutiennent la nature, la vie et les cultures de centaines de communautés autochtones, de paysans, d’afro-descendants, de métis, de colons, de riverains du fleuve et d’habitants de centres urbains. L’eau, source de vie, a une riche signification symbolique. En Amazonie, le cycle de l’eau constitue l’axe de liaison. Il relie les écosystèmes, les cultures et le développement du territoire.
8. En Amazonie, il existe une réalité multiethnique et multiculturelle. Les différents peuples ont su s’adapter au territoire. Au sein de chaque culture, ils ont construit et reconstruit leur vision du monde (cosmovision), leurs signes et leur signification et la vision de leur avenir. Dans les cultures et les peuples autochtones coexistent des pratiques antiques et les explications mythiques avec les technologies et les défis modernes. Les visages qui habitent l’Amazonie sont très variés. Outre les peuples originaires, il existe un grand métissage né de la rencontre et des décalages des différents peuples.
9. La recherche de la vie en abondance chez les peuples autochtones d’Amazonie se concrétise dans ce qu’ils appellent le « bien vivre » et se réalise pleinement dans les Béatitudes. Il s’agit de vivre en harmonie avec soi-même, avec la nature, avec les êtres humains et avec l’être suprême, car il existe une intercommunication entre le cosmos tout entier, là où il n’existe ni excluant ni exclus, et où nous pouvons forger un projet de vie à part entière pour tous. Une telle compréhension de la vie est caractérisée par le lien et l’harmonie des relations entre l’eau, le territoire et la nature, la vie communautaire et la culture, Dieu et les différentes forces spirituelles. Pour eux, « bien vivre », c’est comprendre la centralité du caractère relationnel transcendant de l’être humain et de la création, et suppose un « bien faire ». Cette vision intégrale s’exprime dans une manière propre de s’organiser qui part de la famille et de la communauté et implique un usage responsable de tous les biens de la création. Les peuples autochtones aspirent à améliorer leurs conditions de vie, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation, à bénéficier d’un développement durable envisagé et choisi par eux-mêmes et qui maintient l’harmonie avec leurs modes de vie traditionnels, en dialoguant entre la sagesse et la technologie de leurs ancêtres et les nouvelles acquisitions.

La clameur de la terre et le cri des pauvres

10. Mais l’Amazonie est aujourd’hui une beauté blessée et déformée, un lieu de douleur et de violence. Les attaques contre la nature ont des conséquences sur la vie des peuples. Cette crise socio-environnementale unique s’est entendue dans l’écoute pré-synodale qui a souligné les menaces suivantes contre la vie : l’appropriation et la privatisation de biens naturels, tels que l’eau ; les concessions forestières légales et l’entrée des bûcherons illégaux; la chasse et la pêche prédatrices ; les mégaprojets non durables (centrales hydroélectriques, concessions forestières, coupes forestières massives, monocultures, routes, voies navigables, chemins de fer et projets miniers et pétroliers); la pollution causée par les industries extractives et les décharges urbaines et, surtout, le changement climatique. Ce sont de réelles menaces qui ont des conséquences sociales graves : maladies liées à la pollution, trafic de drogue, groupes armés illégaux, alcoolisme, violence contre les femmes, exploitation sexuelle, trafic et traite des êtres humains, vente d’organes, tourisme sexuel, perte de la culture d’origine et de l’identité (langue, pratiques spirituelles et coutumes), criminalisation et assassinat de dirigeants et de défenseurs du territoire. Derrière tout cela se cachent les intérêts économiques et politiques des secteurs dominants, avec la complicité de certains gouvernements et de certaines autorités autochtones. Les victimes sont les plus vulnérables, à savoir les enfants, les jeunes, les femmes et notre sœur la Terre-mère.
11. La communauté scientifique, pour sa part, met en garde contre les risques de déforestation, qui représente à ce jour près de 17% de la superficie totale de la forêt amazonienne et qui menace la survie de l’ensemble de l’écosystème, mettant en danger la biodiversité et changeant le cycle vital de l’eau pour la survie de la forêt tropicale. En outre, l’Amazonie joue également un rôle essentiel en tant qu’amortisseur du changement climatique et fournit des systèmes inestimables et fondamentaux de maintien de la vie liés à l’air, à l’eau, aux sols, aux forêts et à la biomasse. Dans le même temps, les experts rappellent qu’en utilisant les sciences et technologies de pointe pour une bio-économie innovante de massifs forestiers et de rivières, il est possible d’aider à sauver la forêt tropicale, de protéger les écosystèmes amazoniens et les peuples autochtones et traditionnels, et, dans le même temps, de fournir des activités économiques durables.
12. Un phénomène à traiter est la migration. En Amazonie, trois processus de migration simultanés ont lieu. Tout d’abord, la migration liée à la mobilité de groupes autochtones sur leurs territoires de circulation traditionnelle, séparés par des frontières nationales et internationales. Deuxièmement, le déplacement forcé des peuples autochtones, paysans et riverains expulsés de leurs territoires et dont la destination finale est généralement les zones les plus pauvres et les moins bien urbanisées des villes. Troisièmement, la migration forcée interrégionale et le phénomène des réfugiés qui sont forcés de quitter leur pays (notamment le Venezuela, Haïti et Cuba) et doivent traverser l’Amazonie en tant que couloir migratoire.
13. Le déplacement de groupes autochtones expulsés de leurs territoires ou attirés par la fausse lumière de la culture urbaine représente une spécificité unique des mouvements migratoires en Amazonie. Les cas dans lesquels la mobilité des groupes se produit sur des territoires de circulation autochtone traditionnelle, séparés par des frontières nationales et internationales, nécessitent une pastorale transfrontalière capable de comprendre le droit à la libre circulation de ces peuples. La mobilité humaine en Amazonie révèle le visage de Jésus-Christ appauvri et affamé (cf. Mt 25,35), expulsé et sans abri (cf. Lc 3,1-3), ainsi que la féminisation de la migration qui fait que des milliers de femmes deviennent vulnérables au trafic d’êtres humains, l’une des pires formes de violence à l’égard des femmes et l’une des violations les plus perverses des droits humains. La traite des personnes liée à la migration nécessite un travail pastoral permanent en réseau.
14. La vie des communautés amazoniennes non encore affectées par l’influence de la civilisation occidentale se révèle dans la croyance et les rites concernant l’action que les esprits de la divinité, appelés d’innombrables façons, ont sur et dans le territoire, sur et dans la relation avec la nature (LS 16, 91, 117, 138, 240). Reconnaissons que depuis des milliers d’années, ces communautés ont pris soin de leurs terres, de leurs eaux et de leurs forêts et ont réussi à les préserver jusqu’à aujourd’hui afin que l’humanité puisse profiter de la jouissance des dons gratuits de la création de Dieu. Les nouvelles voies d’évangélisation doivent être construites en dialogue avec ces connaissances fondamentales dans lesquelles se manifestent comme des semences de la Parole.

L’Eglise dans la région amazonienne

15. L’Église, dans son processus d’écoute de la clameur du territoire et du cri des peuples, doit se rappeler son histoire. L’évangélisation en Amérique latine a été un don de la Providence qui appelle tout le monde au salut en Christ. En dépit de la colonisation militaire, politique et culturelle et contrairement à la cupidité et à l’ambition des colonisateurs, de nombreux missionnaires ont donné leur vie pour transmettre l’Évangile. Le sens missionnaire a non seulement inspiré la formation de communautés chrétiennes, mais aussi des lois telles que les lois des Indes, qui protégeaient la dignité des peuples autochtones contre les abus sur leurs peuples et leurs territoires. De tels abus ont causé des blessures dans les communautés et ont obscurci le message de la Bonne Nouvelle. Fréquemment, l’annonce du Christ s’est faite en collusion avec les puissances qui exploitaient les ressources et opprimaient les populations. À l’heure actuelle, l’Église a l’occasion historique de se différencier des nouvelles puissances colonisatrices en écoutant les peuples amazoniens afin qu’elle puisse exercer son activité prophétique avec transparence. De plus, la crise socio-environnementale ouvre de nouvelles opportunités pour présenter le Christ dans tout son potentiel libérateur et humanisant.
16. L’une des pages les plus glorieuses de l’Amazone a été écrite par les martyrs. La participation des disciples de Jésus à sa passion, à sa mort et à sa glorieuse résurrection a accompagné jusqu’à ce jour la vie de l’Église, en particulier dans les moments et les lieux où, à cause de l’Évangile de Jésus, elle vit au milieu de une contradiction flagrante, comme cela se produit aujourd’hui avec ceux qui luttent courageusement en faveur d’une écologie intégrale en Amazonie. Ce synode reconnaît avec admiration ceux qui luttent, avec un grand risque pour leur propre vie, pour défendre l’existence de ce territoire.

Appelés à une conversion intégrale

17. L’écoute de la clameur de la terre et du cri des pauvres et des peuples amazoniens avec lesquels nous cheminons nous appelle à une véritable conversion intégrale, avec une vie simple et sobre, nourrie par une spiritualité mystique selon le style de saint François d’Assise, exemple de conversion intégrale vécue dans la joie chrétienne (cf. LS 20-12). Une lecture priante de la Parole de Dieu nous aidera à approfondir et à découvrir les gémissements de l’Esprit et nous encouragera dans notre engagement pour le soin de la « maison commune ».
18. En tant qu’Église de disciples missionnaires, nous implorons la grâce de cette conversion qui « implique de laisser jaillir toutes les conséquences de la rencontre avec Jésus-Christ dans les relations avec le monde qui nous entoure» (LS 217) ; une conversion personnelle et communautaire qui nous engage à vivre en relation harmonieuse avec l’œuvre créatrice de Dieu, qui est la « maison commune »; une conversion qui favorise la création de structures en harmonie avec le souci de la création ; une conversion pastorale basée sur la synodalité, qui reconnaît l’interaction de tout le créé. Une conversion qui nous conduit à être une Eglise en sortie qui entre dans le cœur de tous les peuples amazoniens.
19. Ainsi, l’unique conversion à l’Évangile vivant, qui est Jésus-Christ, pourra se déployer dans des dimensions interconnectées pour motiver la sortie vers les périphéries existentielles, sociales et géographiques de l’Amazonie. Ces dimensions sont : pastorale, culturelle, écologique et synodale, qui sont développées dans les quatre prochains chapitres.

Chapitre II

Nouveaux chemins de conversion pastorale

« Celui qui ne naît pas de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » (Jn 3,5)
20. Une église missionnaire en sortie exige de nous une conversion pastorale. Pour l’Amazonie, ce cheminement suppose aussi de «naviguer» à travers nos rivières, nos lacs et notre peuple. En Amazonie, l’eau nous unit, elle ne nous sépare pas. Notre conversion pastorale sera samaritaine, en dialogue, accompagnant des personnes aux visages concrets de peuples autochtones, de paysans, de personnes d’ascendance africaine, de migrants, de jeunes et d’habitants des villes. Tout cela supposera une spiritualité de l’écoute et de l’annonce. C’est ainsi que nous allons cheminer et naviguer dans ce chapitre.

L’Eglise en sortie missionnaire

21. L’Église, par nature, est missionnaire et trouve son origine dans «l’amour dans sa source » qu’est Dieu (AG 2). Le dynamisme missionnaire qui découle de l’amour de Dieu rayonne, s’étend, déborde et se répand dans tout l’univers. «Nous sommes insérés par le baptême dans la dynamique de l’amour par la rencontre avec Jésus qui donne un nouvel horizon à la vie» (DAp 12). Ce débordement pousse l’Église à une conversion pastorale et nous transforme en communautés vivantes qui travaillent en équipe et en réseau au service de l’évangélisation. La mission ainsi comprise n’est pas une chose optionnelle, une activité de l’Église parmi d’autres, mais sa propre nature. L’Eglise est mission! « L’action missionnaire est le paradigme de tout le travail de l’Église » (EG 15). Être disciple missionnaire, c’est plus que remplir des tâches ou faire des choses. C’est de l’ordre de l’être. «Jésus nous dit à nous, ses disciples, que notre mission dans le monde ne peut être statique, mais qu’elle doit être itinérante. Le chrétien est un itinérant » (pape François, Angelus, 30/06/2019).
a. Eglise samaritaine, miséricordieuse et solidaire
22. Nous voulons être une Eglise amazonienne, samaritaine, incarnée de la manière dont le Fils de Dieu s’est lui-même incarné : « Il a assumé nos maladies et s’est chargé de nos souffrances » (Mt 8,17b). Celui qui est devenu pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (2 Co 8,9) exhorte, à travers son Esprit, les disciples missionnaires d’aujourd’hui à sortir à la rencontre de tout le monde, en particulier les peuples originaires, les pauvres, exclus de la société et les autres. Nous voulons aussi être une Eglise « Magdaléenne », qui se sent aimée et réconciliée, qui annonce avec joie et conviction le Christ crucifié et ressuscité. Une église mariale qui engendre des enfants à la foi et les éduque avec amour et patience, en apprenant elle-même aussi de la richesse des peuples. Nous voulons être une Eglise servante, kérygmatique, éducatrice, inculturée au milieu des peuples que nous servons.
b. Eglise en dialogue œcuménique, interreligieux et culturel
23. La réalité multiethnique, pluriculturelle et multireligieuse de l’Amazonie exige une attitude de dialogue ouvert, reconnaissant la multiplicité des interlocuteurs : les peuples autochtones, les riverains, les paysans et afro-descendants, les autres Eglises chrétiennes et confessions religieuses, les organisations de la société civile, les mouvements sociaux populaires, l’Etat… bref, tous les gens de bonne volonté qui cherchent la défense de la vie, l’intégrité de la création, la paix, le bien commun.
24. En Amazonie, «les relations entre catholiques et pentecôtistes, charismatiques et évangéliques ne sont pas faciles. L’émergence soudaine de nouvelles communautés, liée à la personnalité de quelques prédicateurs, contraste vivement avec les principes et l’expérience ecclésiologique des Églises historiques et peut cacher le danger d’être entraînés par les vagues émotionnelles du moment ou d’enfermer l’expérience de la foi dans des environnements protégés et sécurisants. Le fait que pas mal de fidèles catholiques soient attirés par ces communautés est une cause de friction, mais cela peut devenir, de notre part, un motif d’examen personnel et de renouveau pastoral » (Pape François, 28.9.2018). Le dialogue œcuménique, interreligieux et interculturel doit être considéré comme une voie indispensable de l’évangélisation en Amazonie (cf. DAp 227). L’Amazonie est un amalgame de credos, principalement chrétiens. Devant cette réalité, de véritables chemins de communion s’ouvrent pour nous : «Les manifestations de bons sentiments ne suffisent pas. Il faut des gestes concrets qui pénètrent les esprits et secouent les consciences, entraînant chacun vers la conversion intérieure, fondement de tout progrès sur la voie de l’œcuménisme » (Benoît XVI, Message aux cardinaux dans la chapelle Sixtine, 20/04/2005). La centralité de la Parole de Dieu dans la vie de nos communautés est un facteur d’union et de dialogue. Par rapport à la Parole, on peut imaginer beaucoup d’actions communes : traduction de la Bible dans les langues locales, éditions conjointes, diffusion et distribution de la Bible et rencontres entre théologiens/ théologiennes catholiques et d’autres confessions.
25. En Amazonie, le dialogue interreligieux se déroule surtout avec les religions indigènes et les cultes d’origine africaine. Ces traditions méritent d’être connues, comprises dans leurs propres expressions et dans leur relation avec la forêt et la terre mère. Avec ces religions, les chrétiens, fondés sur leur foi en la Parole de Dieu, s’engagent dans le dialogue, partageant leur vie, leurs préoccupations, leurs luttes, leurs expériences de Dieu, pour approfondir mutuellement leur foi et pour agir ensemble pour la défense de la « maison commune ». Pour cela, il est nécessaire que les Eglises d’Amazonie développent des initiatives de rencontre, d’étude et de dialogue avec les fidèles de ces religions. Un dialogue sincère et respectueux est le pont vers la construction du  » bien vivre « . Dans l’échange des dons, l’Esprit conduit toujours plus vers la vérité et le bien (cf. EG 250).

Église missionnaire qui sert et accompagne les peuples amazoniens

26. Ce Synode veut être un appel fort à tous les baptisés de l’Amazonie pour qu’ils soient des disciples missionnaires. L’envoi en mission est inhérent au baptême et s’adresse à tous les baptisés. Par lui, nous recevons tous la même dignité d’être fils et filles de Dieu, et personne ne peut être exclu de la mission de Jésus envers ses disciples. « Allez dans le monde entier et proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). C’est pourquoi nous croyons qu’il est nécessaire de générer une plus grande impulsion missionnaire parmi les vocations autochtones ; l’Amazonie doit être évangélisée aussi par les Amazoniens.
a. Eglise au visage autochtone, paysan et afro-descendant
27. Il est urgent de donner à la pastorale indigène sa place spécifique dans l’Église. Nous partons de réalités plurielles et de cultures diverses pour définir, élaborer et adopter des actions pastorales qui nous permettent de développer une proposition évangélisatrice au sein des communautés autochtones, en nous plaçant dans le cadre d’un ministère autochtone et de la terre. La pastorale des peuples autochtones a sa propre spécificité. Les colonisations motivées, à travers l’histoire, par l’extractivisme ainsi que les différents courants migratoires, les mettent dans une situation de grande vulnérabilité. Dans ce contexte, en tant qu’Église, il est encore nécessaire de créer ou de maintenir une option préférentielle pour les peuples autochtones, au nom de laquelle on doit établir ou consolider des organismes diocésains de pastorale indigène avec une action missionnaire renouvelée qui écoute, dialogue, s’incarne et avec une présence permanente. L’option préférentielle pour les peuples autochtones, avec leurs cultures, identités et histoires, exige que nous aspirions à une Église autochtone ayant ses propres prêtres et ministres toujours unis et en communion totale avec l’Église catholique.
28. Reconnaissant l’importance de l’attention que l’Église est appelée à accorder en Amazonie au phénomène de l’urbanisation et aux problèmes et perspectives qui y sont liés, il est aussi nécessaire de se référer au monde rural dans son ensemble et à la pastorale rurale en particulier. Du point de vue pastoral, l’Église doit répondre au phénomène de dépeuplement des campagnes, avec toutes ses conséquences (perte d’identité, laïcité dominante, exploitation du travail rural, désintégration des familles, etc.)
b. Eglise au visage migrant
29. Compte tenu de son augmentation et de son volume, le phénomène migratoire est devenu un défi politique, social et ecclésial sans précédent (cf. DA, 517, a). Face à cela, beaucoup de communautés ecclésiales ont accueilli les migrants avec une grande générosité, en se souvenant que : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35). Le déplacement forcé des familles autochtones, paysannes, d’ascendance africaine ou riveraines, expulsées de leurs territoires sous la pression ou par l’asphyxie face au manque d’opportunités, nécessite une pastorale globale à la périphérie des centres urbains. Pour cela, il faudra créer des équipes missionnaires pour les accompagner, en coordonnant avec les paroisses et les autres institutions ecclésiales et extra-ecclésiales les conditions d’accueil, en offrant des liturgies inculturées et dans les langues des migrants ; en promouvant des espaces d’échanges culturels, en favorisant l’intégration dans la communauté et dans la ville et en encourageant les migrants à être eux-mêmes acteurs de ce travail.
c. Eglise au visage jeune
30. Parmi les différents visages des réalités panamazoniennes, celui des jeunes présents sur l’ensemble du territoire se distingue. Ce sont des jeunes aux visages et identités autochtones, d’ascendance africaine, riverains, extractivistes, migrants, réfugiés, etc. Des jeunes habitants des zones rurales ou urbaines, qui rêvent et recherchent quotidiennement de meilleures conditions de vie, avec le désir profond d’avoir une vie pleine et entière. Des jeunes étudiants, travailleurs et avec une forte présence et participation dans divers espaces sociaux et ecclésiaux. Au sein de la jeunesse amazonienne, on rencontre de tristes réalités telles que la pauvreté, la violence, les maladies, la prostitution des enfants, l’exploitation sexuelle, la consommation et le trafic de drogues, les grossesses précoces, le chômage, la dépression, la traite des êtres humains, de nouvelles formes d’esclavage, le trafic d’organes, les difficultés d’accès à l’éducation, à la santé et à l’aide sociale. Malheureusement, ces dernières années, il y a eu une augmentation significative du nombre de suicides chez les jeunes, ainsi qu’une augmentation de la population carcérale juvénile et de la criminalité parmi et contre les jeunes, en particulier chez les jeunes d’ascendance africaine et des périphéries. Vivant sur le grand territoire de l’Amazonie, ils ont les mêmes rêves et les mêmes désirs que les autres jeunes de ce monde : être considérés, respectés, avoir des opportunités d’études, de travail, d’un avenir d’espérance. Mais ils vivent une intense crise de valeurs ou une transition vers d’autres façons de concevoir la réalité, où les éléments éthiques changent, même pour les jeunes autochtones. La tâche de l’Église est de les accompagner face à toute situation qui détruit leur identité ou porte atteinte à leur estime de soi.
31. Les jeunes sont également très présents dans les contextes migratoires du territoire. Une attention particulière devrait être accordée à la réalité des jeunes dans les centres urbains. Les villes reçoivent de plus en plus tous les groupes ethniques, peuples et problèmes de l’Amazonie. L’Amazonie rurale se dépeuple ; les villes sont confrontées à d’énormes problèmes de délinquance juvénile, de manque de travail, de luttes ethniques et d’injustices sociales. Ici, en particulier, l’Église est appelée à être une présence prophétique parmi les jeunes, en leur offrant un accompagnement adéquat et une éducation appropriée.
32. En communion avec la réalité de la jeunesse amazonienne, l’Église proclame la Bonne Nouvelle de Jésus aux jeunes, le discernement et l’accompagnement vocationnel, le lieu d’appréciation de la culture et de l’identité locale, le leadership des jeunes, la promotion des droits des jeunes, le renforcement des espaces créatifs, novateurs et différenciés d’évangélisation par une pastorale des jeunes renouvelée et audacieuse. Une pastorale toujours en marche, centrée sur Jésus-Christ et son projet, dialogale et intégrale, engagée dans toutes les réalités des jeunes qui existent sur le territoire. Les jeunes autochtones ont un potentiel énorme et participent activement dans leurs communautés et organisations en tant que leaders et animateurs, dans la défense des droits, en particulier à propos du territoire, de la santé et de l’éducation. D’autre part, ils sont les principales victimes de l’insécurité sur les terres autochtones et de l’absence de politiques publiques spécifiques et de qualité. La propagation de l’alcool et des drogues atteint souvent les communautés autochtones, ce qui nuit gravement aux jeunes et les empêche de vivre librement pour réaliser leurs rêves et participer activement à la vie de la communauté.
33. Le protagonisme des jeunes apparaît clairement dans les documents du Synode des jeunes (160, 46) dans l’exhortation pontificale Christus Vivit (170) et dans l’Encyclique Laudato Si (LS 209). Les jeunes veulent être acteurs et l’Église amazonienne veut leur donner leur place. Elle veut être un compagnon d’écoute, reconnaissant les jeunes comme un lieu théologique, comme des « prophètes d’espérance », engagés dans le dialogue, écologiquement sensibles et attentifs à la « maison commune ». Une Église qui accueille et chemine avec les jeunes, surtout dans les périphéries. Face à cela, trois urgences se présentent : promouvoir de nouvelles formes d’évangélisation à travers les médias sociaux (François, Christus Vivit 86) ; aider les jeunes autochtones à atteindre une saine interculturalité ; les aider à affronter la crise des contre-valeurs qui détruit leur estime de soi et leur fait perdre leur identité.
d. Eglise qui parcourt de nouveaux chemins dans la pastorale urbaine
34. La forte tendance de l’humanité à se concentrer dans les villes, en migrant des petites vers les plus grandes, se produit également en Amazonie. La croissance accélérée des métropoles amazoniennes s’accompagne de la naissance de périphéries urbaines. Parallèlement, les modes de vie, les formes de coexistence, les langues et les valeurs façonnées par les métropoles se transmettent et s’implantent de plus en plus tant dans les communautés autochtones que dans le reste du monde rural. La famille citadine est un lieu de synthèse entre la culture traditionnelle et moderne. Cependant, les familles souffrent souvent de la pauvreté, d’un logement précaire, du manque de travail, de l’augmentation de la consommation de drogues et d’alcool, de la discrimination et du suicide d’enfants. En outre, dans la vie familiale, il y a un manque de dialogue entre les générations et les traditions et la langue se perdent. Les familles sont également confrontées à de nouveaux problèmes de santé, qui exigent une éducation adéquate en matière de maternité. Les changements rapides actuels affectent la famille amazonienne. Ainsi, nous trouvons de nouveaux formats familiaux : familles monoparentales sous la responsabilité des femmes, augmentation des familles séparées, des unions consensuelles et des familles recomposées, diminution des mariages institutionnels. La ville est une explosion de vie, parce que « Dieu vit dans la ville » (DAp 514). On y trouve des angoisses et des recherches sur le sens de la vie, des conflits, mais aussi de la solidarité, de la fraternité, du désir de bonté, de vérité et de justice  » (cf. EG 71-75). Évangéliser la ville ou la culture urbaine, c’est « réaliser et, pour ainsi dire, modifier par la puissance de l’Évangile, les critères de jugement, les valeurs qui comptent, les centres d’intérêt, les lignes de pensée, les sources d’inspiration et les modèles de vie de l’humanité, qui se présentent en opposition avec la Parole de Dieu et le plan de salut » (EN 19).
35. Il est nécessaire de défendre le droit de toutes les personnes à la ville. Le droit revendiqué à la ville se définit comme la jouissance équitable de la ville dans le cadre des principes de durabilité, de démocratie et de justice sociale. Mais il faudra aussi influencer les politiques publiques et promouvoir des initiatives qui améliorent la qualité de vie dans le monde rural, évitant ainsi son déplacement incontrôlé.
36. Les communautés ecclésiales de base ont été et sont un don de Dieu aux Églises locales de l’Amazonie. Cependant, il faut reconnaître qu’avec le temps, certaines communautés ecclésiales se sont installées, se sont affaiblies ou ont même disparu. Mais la grande majorité reste persévérante et constitue le fondement pastoral de nombreuses paroisses. Aujourd’hui, les grands dangers des communautés ecclésiales proviennent principalement de la sécularisation, de l’individualisme, du manque de dimension sociale et de l’absence d’activité missionnaire. Pour cette raison, il est nécessaire que les pasteurs encouragent en tous et en chacun des fidèles le désir d’être disciple missionnaire. La communauté ecclésiale devra être présente dans les espaces de participation des politiques publiques où s’articulent des actions pour revitaliser la culture, la coexistence, les loisirs et la fête. Nous devons lutter pour que les favelas et les « villas miseria » (bidonvilles) bénéficient des droits basiques et fondamentaux : l’eau, l’énergie, le logement et la promotion d’une citoyenneté écologique intégrale. Instituer le ministère d’accueil dans les communautés urbaines de l’Amazonie pour la solidarité fraternelle avec les migrants, les réfugiés, les sans-abri et ceux qui ont quitté les zones rurales.
37. Une attention particulière devrait être accordée à la réalité des populations autochtones des centres urbains, qui sont les plus exposées aux énormes problèmes de délinquance juvénile, de manque de travail, de luttes ethniques et d’injustices sociales. C’est l’un des plus grands défis d’aujourd’hui : de plus en plus de villes sont la destination de tous les groupes ethniques et peuples de l’Amazonie. Il sera nécessaire d’articuler une pastorale autochtone de la ville qui tienne compte de cette réalité spécifique.
e. Une spiritualité d’écoute et d’annonce
38. L’action pastorale se fonde sur une spiritualité basée sur l’écoute de la Parole de Dieu et du cri de son peuple, afin de pouvoir ensuite annoncer la bonne nouvelle avec un esprit prophétique. Nous reconnaissons que l’Église qui écoute la clameur de l’Esprit dans le cri de l’Amazonie peut faire siennes les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses de tous, mais surtout des plus pauvres (cf. GS 1), qui sont filles et fils bien-aimés de Dieu. Nous découvrons que les eaux puissantes de l’Esprit, semblables à celles du fleuve Amazone, qui débordent périodiquement, nous conduisent à cette vie surabondante que Dieu nous offre à partager dans l’annonce.

Nouveaux chemins pour la conversion pastorale

39. Les équipes missionnaires itinérantes en Amazonie, qui tissent et construisent des communautés en chemin, aident à renforcer la synodalité ecclésiale. Ils peuvent unir divers charismes, institutions et congrégations, laïcs, religieux et religieuses, prêtres. Unir afin d’arriver ensemble là où seul, ce n’est pas possible. Les tournées des missionnaires qui sortent de leur lieu de vie habituel et passent un certain temps à visiter des communautés une par une et à célébrer les sacrements donnent lieu à ce que l’on appelle la  » pastorale de visite « . C’est un type de méthode pastorale qui répond aux conditions et aux possibilités actuelles de nos Églises. Grâce à ces méthodes, et par l’action de l’Esprit Saint, ces communautés ont aussi développé une richesse ministérielle qui est un motif d’action de grâce.
40. Nous proposons un réseau itinérant qui rassemble les différents efforts des équipes qui accompagnent et dynamisent la vie et la foi des communautés de l’Amazonie. Les chemins du plaidoyer politique pour la transformation de la réalité doivent être discernés avec les pasteurs et les laïcs. En vue de passer d’une pastorale de visite à une présence plus permanente, les congrégations et/ou provinces de religieux/ses du monde, qui ne sont pas encore engagés dans des missions, sont invités à établir au moins un front missionnaire dans l’un des pays amazoniens.

Chapitre III

Nouveaux chemins de conversion culturelle

« Et le Verbe s’est fait chair et il a dressé sa tente parmi nous  » (Jn 1, 14).
41. L’Amérique latine possède une immense biodiversité et une grande diversité culturelle. L’Amazonie y est une terre de forêts et d’eau, de landes et de zones humides, de savanes et de chaînes de montagnes, mais surtout terre d’innombrables peuples, dont beaucoup sont millénaires, habitants ancestraux du territoire, peuples au parfum antique qui continuent à parfumer le continent contre tout désespoir. Notre conversion doit aussi être culturelle, se faire l’autre, apprendre de l’autre. Etre présent, respecter et reconnaître ses valeurs, vivre et pratiquer l’inculturation et l’interculturalité dans notre annonce de la Bonne Nouvelle. Exprimer et vivre la foi en Amazonie est un défi permanent. Elle s’incarne non seulement dans la pastorale mais aussi dans les actions concrètes pour les autres, dans la santé, dans l’éducation, dans la solidarité et le soutien aux plus vulnérables. Nous aimerions partager tout cela dans cette section.

Le visage de l’Église parmi les peuples amazoniens

42. Dans les territoires de l’Amazonie, il y a une réalité pluriculturelle qui exige d’avoir un regard qui inclut tout le monde et d’utiliser des expressions qui permettent d’identifier et de relier tous les groupes et qui reflètent des identités qui soient reconnues, respectées et promues tant dans l’Église que dans la société, qui doit trouver dans les peuples amazoniens un interlocuteur valable pour le dialogue et la rencontre. Puebla parle des visages qui habitent l’Amérique latine et note que, chez les peuples premiers, il y a un métissage qui a grandi et continue à croître avec les rencontres et chocs entre les différentes cultures qui font partie du continent. Ce visage de l’Église en Amazonie est un visage qui s’incarne dans son territoire, qui évangélise et ouvre des chemins pour que les peuples se sentent accompagnés dans les différents processus de la vie évangélique. Il y a aussi un sens missionnaire renouvelé de la part des habitants de ces mêmes peuples, qui réalise la mission prophétique et samaritaine de l’Église, qui doit se renforcer par l’ouverture au dialogue avec les autres cultures. Seule une Église missionnaire insérée et inculturée fera émerger des Églises autochtones particulières, au visage et au cœur amazoniens, enracinées dans les cultures et les traditions propres aux peuples, unies dans une même foi au Christ et diverses dans leur manière de la vivre, de l’exprimer et de la célébrer.
a. Les valeurs culturelles des peuples amazoniens
43. Dans le peuple de l’Amazonie, nous trouvons des enseignements pour la vie. Les peuples premiers et ceux qui sont arrivés plus tard et qui ont forgé leur identité dans la coexistence, apportent des valeurs culturelles dans lesquelles nous découvrons les semences du Verbe. Dans la forêt tropicale, non seulement la végétation s’entremêle en soutenant une espèce à l’autre, mais les peuples aussi sont en lien entre eux dans un réseau d’alliances qui apporte des bénéfices à tous. La forêt vit d’interrelations et d’interdépendances et cela se produit dans toutes les sphères de la vie. Grâce à cela, le fragile équilibre de l’Amazonie a été maintenu pendant des siècles.
44. La pensée des peuples autochtones offre une vision intégratrice de la réalité capable de comprendre les multiples liens qui existent entre tout ce qui est créé. Ceci contraste avec le courant dominant de la pensée occidentale, qui tend à fragmenter pour comprendre la réalité, mais ne parvient pas à articuler toutes les relations entre les différents champs de la connaissance. La gestion traditionnelle de ce que la nature offre aux peuples autochtones s’est faite d’une manière que nous qualifierions aujourd’hui de gestion durable. On retrouve aussi d’autres valeurs chez les peuples autochtones comme la réciprocité, la solidarité, le sens communautaire, l’égalité, la famille, son organisation sociale et le sens du service.
b. Eglise présente et alliée des peuples sur leurs territoires
45. L’avidité pour la terre est à l’origine des conflits qui conduisent à l’ethnocide, ainsi qu’au meurtre et à la criminalisation des mouvements sociaux et de leurs dirigeants. La délimitation et la protection du foncier est une obligation des États nationaux et de leurs gouvernements respectifs. Cependant, une bonne partie des territoires autochtones ne sont pas protégés et ceux qui sont déjà délimités sont envahis par des activités extractives telles que l’extraction minière et forestière, par de grands projets d’infrastructure, par des cultures illicites et par de grands domaines terriens pour la monoculture et l’élevage extensif du bétail.
46. L’Église s’engage ainsi à être l’alliée des peuples amazoniens pour dénoncer les attaques contre la vie des communautés indigènes, les projets qui nuisent à l’environnement, l’absence de délimitation de leurs territoires, ainsi que le modèle économique de développement prédateur et « écocide ». La présence de l’Église parmi les communautés autochtones et traditionnelles a besoin de cette conscience que la défense de la terre n’a pas d’autre but que la défense de la vie.
47. La vie des peuples autochtones, métis, riverains, paysans, quilombolas et/ou d’ascendance africaine et les communautés traditionnelles est menacée par la destruction, l’exploitation environnementale et la violation systématique de leurs droits territoriaux. Les droits à l’autodétermination, à la délimitation des territoires et à une consultation préalable, libre et éclairée doivent être défendus. Ces peuples ont « des conditions sociales, culturelles et économiques qui les distinguent des autres secteurs de la communauté nationale et qui sont régis en tout ou partie par leurs propres coutumes ou traditions ou par une législation spéciale » (Convention 169 de l’OIT, art. 1, 1a). Pour l’Église, la défense de la vie, de la communauté, de la terre et des droits des peuples indigènes est un principe évangélique, en défense de la dignité humaine : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance » (Jn 10, 10b).
48. L’Église promeut le salut intégral de la personne humaine, valorisant la culture des peuples indigènes, parlant de leurs besoins vitaux, accompagnant les mouvements dans leurs luttes pour leurs droits. Notre service pastoral constitue un service pour la vie pleine des peuples autochtones, qui nous pousse à annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu et à dénoncer les situations de péché, les structures de mort, de violence et d’injustice, en favorisant le dialogue interculturel, interreligieux et œcuménique (cf. DAp 95).
49. Un chapitre spécifique est nécessaire pour les peuples autochtones en isolement volontaire (PIAV) ou les peuples autochtones en isolement et premier contact (PIACI). En Amazonie, il y a environ 130 peuples ou segments de peuples qui n’entretiennent pas de contacts systématiques ou permanents avec la société environnante. Les abus et violations systémiques du passé ont provoqué leur migration vers des lieux plus inaccessibles, cherchant à se protéger, à préserver leur autonomie et à choisir de limiter ou d’éviter leurs relations avec des tiers. Aujourd’hui, leur vie continue d’être menacée par l’invasion de leurs territoires par différents fronts et par leur faible démographie, ce qui les expose au nettoyage ethnique et à la disparition. Lors de sa rencontre avec les peuples autochtones en janvier 2018 à Puerto Maldonado, le Pape François nous a rappelé :  » Ce sont les plus vulnérables des plus vulnérables (…) Continuez à défendre ces frères les plus vulnérables. Leur présence nous rappelle que nous ne pouvons pas disposer des biens communs au rythme d’avidité de la consommation (Fr. PM). Une option pour la défense des PIAV/PIACI ne dispense pas les Églises locales de leur responsabilité pastorale.
50. Cette responsabilité doit se manifester par des actions spécifiques pour la défense de leurs droits, elle doit se concrétiser par des actions de plaidoyer pour que les Etats assument la défense de leurs droits par la garantie juridique et inviolable des territoires qu’ils occupent de manière traditionnelle, y compris en adoptant des mesures de précaution dans les régions où il n’y a que des signes de leur présence, qui n’est pas confirmée officiellement, et en établissant des mécanismes de coopération bilatérale entre Etats, lorsque ces groupes occupent des espaces transfrontaliers. En tout temps, le respect de leur autodétermination et de leur libre décision sur le type de relations qu’ils souhaitent établir avec d’autres groupes doit être garanti. Cela exigera que tout le peuple de Dieu, et en particulier les populations voisines des territoires des PIAV/PIACI, soient sensibilisées au respect de ces peuples et à l’importance de l’inviolabilité de leurs territoires. Comme l’a dit Saint Jean Paul II à Cuiabá, en 1991 « L’Église, chers frères et sœurs indiens, a été et sera toujours à vos côtés pour défendre la dignité de l’être humain, son droit à une vie pacifique, dans le respect des valeurs de ses traditions, coutumes et cultures ».

Chemins pour une Église inculturée

51. Avec l’Incarnation, le Christ a quitté sa prérogative divine et s’est fait homme dans une culture concrète pour s’identifier à toute l’humanité. L’inculturation est l’incarnation de l’Évangile dans les cultures indigènes ( » ce qui n’est pas assumé n’est pas racheté « , Saint Irénée, cf. Puebla 400) et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église. Dans ce processus, les peuples sont acteurs et accompagnés de leurs agents et pasteurs.
a. L’expérience de foi exprimée dans la piété populaire et la catéchèse inculturée
52. La piété populaire est un moyen important de relier de nombreux peuples de l’Amazonie avec leurs expériences spirituelles, leurs racines culturelles et leur intégration communautaire. Ce sont des manifestations par lesquelles le peuple exprime sa foi à travers des images, des symboles, des traditions, des rites et autres sacramentaux. Les pèlerinages, processions et fêtes patronales doivent être appréciés, accompagnés, promus et parfois purifiés, car ce sont des moments privilégiés d’évangélisation qui doivent conduire à la rencontre avec le Christ. Les dévotions mariales sont profondément enracinées en Amazonie et dans toute l’Amérique latine.
53. La non-cléricalisation des fraternités, confréries et groupes liés à la piété populaire est caractéristique. Les laïcs assument un rôle de premier plan qu’il leur est difficile d’avoir dans d’autres sphères ecclésiales, avec la participation de frères et de sœurs qui exercent des services et dirigent des prières, bénédictions, chants sacrés traditionnels, animent des neuvaines, organisent des processions, organisent les fêtes patronales, etc. Il faut « donner une catéchèse appropriée et accompagner la foi déjà présente dans la religiosité populaire. Un moyen concret pourrait être d’offrir un processus d’initiation chrétienne… qui nous conduise à devenir de plus en plus comme Jésus-Christ, en provoquant l’appropriation progressive de ses attitudes » (DAp 300).
b. Le mystère de la foi réflété dans une théologie inculturée
54. La théologie indienne, la théologie au visage amazonien et la piété populaire sont déjà des richesses du monde autochtone, de sa culture et de sa spiritualité. Le missionnaire et l’agent pastoral, quand ils portent la parole de l’Évangile de Jésus, s’ils s’identifient à la culture, alors la rencontre a lieu d’où naissent le témoignage, le service, l’annonce et l’apprentissage des langues. Le monde autochtone avec ses mythes, ses récits, ses rites, ses chants, ses danses et ses expressions spirituelles enrichit la rencontre interculturelle. Puebla reconnaît déjà que « les cultures ne sont pas un terrain vague, dépourvu de valeurs authentiques. L’évangélisation de l’Église n’est pas un processus de destruction, mais de consolidation et de renforcement de ces valeurs ; une contribution à la croissance des « semences du verbe » » (DP 401, cf. GS 57) présentes dans les cultures.

Chemins pour une Église interculturelle

a. Le respect des cultures et des droits des peuples
55. Nous sommes tous invités à aborder les peuples amazoniens sur un pied d’égalité, dans le respect de leur histoire, de leurs cultures, de leur style de  » bien vivre » (FP 06.10.19). Le colonialisme est l’imposition de certains modes de vie de quelques peuples à d’autres, sur les plans économique, culturel ou religieux. Nous rejetons une évangélisation de style colonial. Annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus implique de reconnaître les semences du Verbe déjà présents dans les cultures. L’évangélisation que nous proposons aujourd’hui pour l’Amazonie est l’annonce inculturée qui génère des processus d’interculturalité, des processus qui favorisent la vie de l’Église avec une identité et un visage amazoniens.
b. La promotion du dialogue interculturel dans un monde globalisé
56. Dans la tâche évangélisatrice de l’Église, qui ne doit pas être confondue avec le prosélytisme, nous devons inclure des processus clairs d’inculturation de nos méthodes et projets missionnaires. Concrètement, il est proposé que les centres de recherche et de pastorale de l’Église, en alliance avec les peuples indigènes, étudient, compilent et systématisent les traditions des groupes ethniques amazoniens afin de favoriser un travail éducatif qui part de leur identité et de leur culture, aide à la promotion et à la défense de leurs droits, conserve et diffuse leur valeur dans la scène culturelle latino-américaine.
57. Les actions éducatives sont aujourd’hui remises en cause par le besoin d’inculturation. C’est un défi que de rechercher des méthodologies et des contenus appropriés aux peuples dans lesquels nous voulons exercer le ministère de l’éducation. Pour cela, il est important de connaître leurs langues, leurs croyances et leurs aspirations, leurs besoins et leurs espoirs, ainsi que la manière de construire collectivement des processus éducatifs qui ont, tant dans leur forme que dans leur contenu, l’identité culturelle des communautés amazoniennes, en insistant sur la formation à l’écologie intégrale comme axe transversal.
c. Les défis pour la santé, l’éducation et la communication
58. L’Église assume comme tâche importante la promotion de l’éducation à la santé préventive et l’offre de soins de santé dans les endroits où l’aide de l’État n’arrive pas. Il est nécessaire de promouvoir des initiatives d’intégration qui profitent à la santé des Amazoniens. Il est également important de promouvoir la socialisation des connaissances ancestrales dans le domaine de la médecine traditionnelle propre à chaque culture.
59. Parmi les complexités du territoire amazonien, nous soulignons la fragilité de l’éducation, en particulier chez les peuples autochtones. Bien que l’éducation soit un droit humain, la qualité de l’éducation est insuffisante et les abandons scolaires très fréquents, surtout chez les filles. L’éducation évangélise, promeut la transformation sociale, responsabilise les gens avec un sens critique sain. « Une bonne éducation scolaire à un jeune âge jette des graines qui peuvent produire des effets tout au long de la vie » (LS 213). Il est de notre devoir de promouvoir une éducation à la solidarité qui naisse de la conscience d’une origine commune et d’un avenir partagé par tous (cf. LS 202). Les gouvernements doivent être tenus de mettre en œuvre une éducation publique, interculturelle et bilingue.
60. Le monde de plus en plus globalisé et complexe a développé un réseau d’information sans précédent. Cependant, un tel flux instantané d’informations ne conduit pas à une meilleure communication ou connexion entre les peuples. En Amazonie, nous voulons promouvoir une culture communicative qui favorise le dialogue, la culture de la rencontre et le soin de la « maison commune ». Motivés par une écologie intégrale, nous souhaitons renforcer les espaces de communication déjà existants dans la région, afin de promouvoir d’urgence une conversion écologique intégrale. Pour cela, il est nécessaire de collaborer à la formation d’agents de communication autochtones. Ils sont non seulement des interlocuteurs privilégiés pour l’évangélisation et la promotion humaine sur le territoire, mais ils nous aident aussi à diffuser la culture du  » bien vivre  » et à prendre soin de la création.
61. Afin de développer les différents liens avec l’ensemble de l’Amazonie et d’améliorer sa communication, l’Église veut créer un réseau de communication ecclésiale pan-amazonien, qui comprend les divers moyens utilisés par les Églises particulières et autres organismes ecclésiaux. Leur contribution peut avoir une résonance et aider à la conversion écologique de l’Église et de la planète. Le REPAM peut collaborer en conseillant et en soutenant les processus de formation, en surveillant et en renforçant la communication dans la région pan-amazonienne.

Nouveaux chemins pour la conversion culturelle

62. En ce sens, nous proposons la création d’un réseau scolaire d’éducation bilingue pour l’Amazonie (semblable à Fe y Alegría) qui articule des propositions éducatives qui répondent aux besoins des communautés en respectant, valorisant et intégrant en elles l’identité culturelle et linguistique.
63. Nous voulons soutenir, appuyer et favoriser les expériences d’éducation interculturelles bilingues qui existent déjà dans les juridictions ecclésiastiques de l’Amazonie et impliquer les universités catholiques pour qu’elles travaillent et s’engagent en réseau.
64. Nous chercherons de nouvelles formes d’éducation conventionnelle et non conventionnelle, comme l’éducation à distance, en fonction des besoins des lieux, des époques et des personnes.

Chapitre IV

Nouveaux chemins de conversion écologique

« Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance  » (Jn 10, 10).
65. Notre planète est un don de Dieu, mais nous savons aussi que nous vivons l’urgence d’agir face à une crise socio-environnementale sans précédent. Nous avons besoin d’une conversion écologique pour réagir de façon appropriée. C’est pourquoi, en tant qu’Eglise amazonienne, face à l’agression toujours plus grande contre notre biome menacé de disparition avec des conséquences énormes pour notre planète, nous avons entrepris un chemin inspirés par la proposition de l’écologie intégrale. Nous reconnaissons les blessures causées par l’être humain sur notre territoire, nous voulons apprendre de nos frères et sœurs des peuples premiers, dans un dialogue des savoirs, le défi de donner de nouvelles réponses en cherchant des modèles de développement juste et solidaire. Nous voulons prendre soin de notre « maison commune » en Amazonie et nous proposons de nouveaux chemins pour cela.

Vers une écologie intégrale à partir de l’encyclique Laudato si

a. Menaces contre le biome amazonien et ses populations
66. Dieu nous a donné la terre comme un don et comme une tâche, pour en prendre soin et en répondre ; elle ne nous appartient pas. L’écologie intégrale trouve son fondement dans le fait que  » tout est intimement lié  » (LS 16). C’est pourquoi l’écologie et la justice sociale sont intrinsèquement unies (cf. LS 137). Avec l’écologie intégrale, un nouveau paradigme de justice émerge, puisque  » une véritable approche écologique devient toujours une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour entendre tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres  » (LS 49). L’écologie intégrale relie ainsi l’exercice du soin de la nature à celui de la justice pour les plus démunis et les plus défavorisés de la terre, qui constituent le choix préféré de Dieu dans l’histoire révélée.
67. Il est urgent d’affronter l’exploitation illimitée de la « maison commune » et de ses habitants. L’une des principales causes de la destruction de l’Amazonie est l’extractivisme prédateur qui répond à la logique de la cupidité, caractéristique du paradigme technocratique dominant (LS 101). Face à l’urgence de la situation de la planète et de l’Amazonie, l’écologie intégrale n’est pas une voie de plus que l’Église peut choisir pour l’avenir dans ce territoire, c’est la seule voie possible, car il n’existe pas d’autre voie viable pour sauver la région. La déprédation du territoire s’accompagne de l’effusion de sang innocent et de la criminalisation des défenseurs de l’Amazonie.
68. L’Église fait partie d’une solidarité internationale qui doit favoriser et reconnaître le rôle central du biome amazonien pour l’équilibre du climat de la planète ; elle encourage la communauté internationale à fournir de nouvelles ressources économiques pour sa protection et la promotion d’un modèle de développement juste et solidaire, avec le rôle actif et la participation directe des communautés locales et les peuples autochtones dans toutes les phases, de la planification à la mise en œuvre, renforçant également les outils déjà développés par la convention-cadre sur les changements climatiques.
69. Il est scandaleux que des dirigeants et même des communautés soient criminalisés simplement parce qu’ils revendiquent leurs propres droits. Dans tous les pays amazoniens, il existe des lois qui reconnaissent les droits humains, en particulier ceux des peuples autochtones. Ces dernières années, la région (amazonienne) a connu des transformations complexes, où les droits humains des communautés ont été affectés par des normes, des politiques publiques et des pratiques axées principalement sur l’expansion des frontières extractives des ressources naturelles et sur le développement de mégaprojets d’infrastructure, qui exercent une pression sur les territoires ancestraux autochtones. Cette situation s’accompagne, selon le même rapport, d’une grave situation d’impunité dans la région en ce qui concerne les violations des droits humains et d’obstacles pour obtenir que justice soit faite (rapport CIDH/OEA, Indigenous and Tribal Peoples of Panamazonia, n°5 et 188, sept. 2019).
70. Pour les chrétiens, l’intérêt et le souci de la promotion et du respect des droits de l’homme, tant individuels que collectifs, ne sont pas facultatifs. Les êtres humains sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu le Créateur, et leur dignité est inviolable. La défense et la promotion des droits de l’homme ne sont donc pas seulement un devoir politique ou une tâche sociale, mais aussi et surtout une exigence de foi. Nous ne sommes peut-être pas capables de modifier immédiatement le modèle d’un développement destructeur et extractiviste, mais nous avons besoin de savoir et d’être au clair sur : où sommes-nous ? Aux côtés de qui sommes-nous ? Quelle perspective assumons-nous ? Comment transmettons-nous la dimension politique et éthique de notre parole de foi et de vie ? Pour cette raison : a) nous dénonçons la violation des droits de l’homme et la destruction extractive ; b) nous assumons et soutenons les campagnes de désinvestissement des entreprises extractives qui occasionnent des dommages socio-écologiques de l’Amazonie, à commencer par les institutions ecclésiales elles-mêmes et aussi en alliance avec les autres Eglises ; c) nous demandons une transition énergétique radicale et la recherche d’alternatives :  » La civilisation exige de l’énergie mais l’utilisation de l’énergie ne peut détruire la civilisation ! » (Pape François, Discours aux participants à la conférence « Transition énergétique et soin de la maison commune« , 9 juin 2018). Nous proposons de développer des programmes de formation sur le soin de la  » maison commune « , destinés aux agents pastoraux et autres fidèles, ouverts à toute la communauté, dans  » un effort de sensibilisation de la population  » (LS 214).
b. Le défi de nouveaux modèles de développement juste, solidaire et durable
71. Nous constatons que l’intervention humaine a perdu son caractère « amical », pour adopter une attitude vorace et prédatrice qui tend à contraindre la réalité jusqu’à l’épuisement de toutes les ressources naturelles disponibles. « Le paradigme technocratique tend à dominer l’économie et la politique » (LS 109). Pour contrer ce phénomène, qui nuit gravement à la vie, il est nécessaire de chercher des modèles économiques alternatifs, plus durables, plus respectueux de la nature, avec un solide  » fondement spirituel « . C’est pourquoi, avec les peuples amazoniens, nous demandons aux États de cesser de considérer l’Amazonie comme un garde-manger inépuisable (cf. Fr PM). Nous aimerions qu’ils développent des politiques d’investissement qui auraient comme condition à toute intervention, le respect de normes sociales et environnementales élevées et le principe fondamental de la préservation de l’Amazonie. A cette fin, il est nécessaire qu’ils puissent compter sur la participation des peuples autochtones organisés, des autres communautés amazoniennes et des différentes institutions scientifiques qui proposent déjà des modèles pour l’utilisation des forêts sur pied. Le nouveau paradigme du développement durable doit être socialement inclusif, combinant les connaissances scientifiques et traditionnelles pour renforcer le pouvoir d’agir des communautés traditionnelles et autochtones, surtout les femmes, et faire en sorte que ces technologies servent au bien-être et à la protection des forêts.
72. Il s’agit alors de discuter de la valeur réelle que possède toute activité économique ou extractive, c’est-à-dire la valeur qu’elle apporte et restitue à la terre et à la société compte tenu de la richesse qu’elle en tire et de ses conséquences socio-écologiques. De nombreuses activités extractives, telles que l’exploitation minière à grande échelle, en particulier l’exploitation minière illégale, diminuent considérablement la valeur de la vie en Amazonie. En effet, elles déracinent la vie des peuples et les biens communs de la terre, concentrant le pouvoir économique et politique entre les mains de quelques-uns. Pire encore, nombre de ces projets destructeurs sont menés au nom du progrès et sont soutenus – ou autorisés – par les gouvernements locaux, nationaux et étrangers.
73. Avec les peuples amazoniens (cf. LS 183) et leur horizon de  » bien vivre « , nous appelons à une conversion écologique individuelle et communautaire qui préserve une écologie intégrale et un modèle de développement où les critères commerciaux ne sont pas au-dessus des critères environnementaux et des droits humains. Nous souhaitons soutenir une culture de paix et de respect – et non de violence et d’abus – et une économie centrée sur l’être humain qui prend également soin de la nature. Par conséquent, nous proposons de générer des alternatives de développement écologique intégral à partir des visions du monde qui sont construites avec les communautés, en préservant la sagesse ancestrale. Nous soutenons des projets qui proposent une économie solidaire et durable, circulaire et écologique, tant au niveau local qu’international, au niveau de la recherche et dans le domaine de l’action, dans les secteurs formels et informels. Dans cette optique, il conviendrait de soutenir et de promouvoir les expériences des coopératives de bio-production, des réserves forestières et de consommation durable. L’avenir de l’Amazonie est entre nos mains à tous, mais il dépend surtout de notre abandon immédiat du modèle actuel qui détruit la forêt, n’apporte pas le bien-être et met en danger cet immense trésor naturel et ses gardiens.

Église qui prend soin de la « maison commune » en Amazonie

a. La dimension socio-environnementale de l’évangélisation
74. Il nous incombe à tous d’être les gardiens de l’œuvre de Dieu. Les protagonistes du soin, de la protection et de la défense des droits des peuples et des droits de la nature dans cette région sont les communautés amazoniennes elles-mêmes. Ils sont les agents de leur propre destin, de leur propre mission. Dans ce scénario, le rôle de l’Église est celui d’alliée. Ils ont clairement exprimé qu’ils veulent que l’Église les accompagne, qu’elle marche avec eux et qu’elle ne leur impose pas une manière particulière d’être, une manière spécifique de se développer qui a peu à voir avec leurs cultures, traditions et spiritualités. Ils savent comment prendre soin de l’Amazonie, comment l’aimer et la protéger ; ce dont ils ont besoin, c’est du soutien de l’Église.
75. La fonction de l’Église est de renforcer cette capacité de soutien et de participation. De cette façon, nous favorisons une formation qui tient compte de la qualité de vie éthique et spirituelle des personnes à partir d’une vision intégrale. L’Église doit accorder une attention prioritaire aux communautés touchées par les dommages socio-environnementaux. Poursuivant la tradition ecclésiale latino-américaine, où des figures comme Saint José de Anchieta, Bartolomé de las Casas, les martyrs paraguayens, morts au Rio Grande do Sul (Brésil), Roque González, Saint Alfonso Rodríguez et Saint Juan del Castillo, entre autres, nous ont appris que la défense des peuples originaires du continent est étroitement liée à la foi en Jésus Christ et à sa bonne nouvelle. Aujourd’hui, nous devons former des agents pastoraux et des ministres ordonnés avec une sensibilité socio-environnementale. Nous voulons une Église qui navigue à l’intérieur des terres et se fraie un chemin à travers l’Amazonie, en promouvant un style de vie en harmonie avec le territoire, et en même temps avec le « bien vivre » de ceux qui y vivent.
76. L’Église reconnaît la sagesse des peuples amazoniens sur la biodiversité, une sagesse traditionnelle qui est un processus vivant et toujours en marche. Le vol de ces connaissances est de la biopiraterie, une forme de violence contre ces populations. L’Église doit aider à préserver et à maintenir ces connaissances et les innovations et pratiques des populations, dans le respect de la souveraineté des pays et de leurs lois qui réglementent l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées. Dans la mesure du possible, elle doit aider ces populations à assurer le partage des bénéfices découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques dans un modèle de développement durable et inclusif.
77. Il est urgent d’élaborer des politiques énergétiques qui réduisent considérablement les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz liés au changement climatique. De nouvelles énergies propres contribueront à promouvoir la santé. Toutes les entreprises doivent mettre en place des systèmes de surveillance de la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer que la production qu’elles achètent, créent ou vendent est produite d’une manière socialement et écologiquement durable. De plus, « l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain de base, fondamental et universel, car il détermine la survie des personnes et est donc une condition pour l’exercice des autres droits humains » (LS 30). Ce droit est reconnu par les Nations Unies (2010). Nous devons travailler ensemble pour que le droit fondamental d’accès à l’eau potable soit respecté sur le territoire.
78. L’Église choisit de défendre la vie, la terre et les cultures amazoniennes. Cela impliquerait d’accompagner les peuples amazoniens dans l’enregistrement, la systématisation et la diffusion des données et informations sur leur territoire et leur statut juridique. Nous voulons donner la priorité au plaidoyer et à l’accompagnement pour parvenir à la délimitation des terres, en particulier celle des PIACI (Amérique lusophone) ou des PIAV (Amérique hispanophone). Nous encourageons les États à s’acquitter de leurs obligations constitutionnelles sur ces questions, y compris le droit d’accès à l’eau.
79. La Doctrine sociale de l’Église, qui s’occupe depuis longtemps de la question écologique, s’enrichit aujourd’hui d’une vision plus holistique qui englobe la relation entre les peuples amazoniens et leurs territoires, toujours en dialogue avec leur savoir et sagesse ancestraux. Par exemple, en reconnaissant la façon dont les peuples autochtones entretiennent et protègent leurs territoires, comme une référence indispensable pour notre conversion à une écologie intégrale. Dans cette optique, nous voulons créer des ministères pour le soin de la  » maison commune  » en Amazonie, dont la fonction sera de prendre soin du territoire et des eaux avec les communautés indigènes, et un ministère d’accueil pour ceux qui sont déplacés de leurs territoires vers les villes.
b. Eglise pauvre, avec et pour les pauvres des périphéries vulnérables
80. Nous réaffirmons notre engagement à défendre la vie dans son intégralité, de sa conception jusqu’à sa fin, et la dignité de toutes les personnes. L’Église a été et est aux côtés des communautés indigènes pour sauvegarder leur droit d’avoir une vie tranquille, en respectant les valeurs de leurs traditions, coutumes et cultures, la préservation des rivières et des forêts, qui sont des espaces sacrés, source de vie et de sagesse. Nous appuyons les efforts de tant de personnes qui défendent courageusement la vie sous toutes ses formes et à toutes les étapes. Notre service pastoral constitue un service de la vie pleine des peuples indigènes qui nous oblige à proclamer Jésus-Christ et la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, pour enrayer les situations de péché, les structures de mort, la violence et les injustices internes et externes et promouvoir le dialogue interculturel, interreligieux et œcuménique.

Nouveaux chemins pour une promotion écologique intégrale

a. Questionnement prophétique et message d’espérance à toute l’Eglise et au monde entier
81. La défense de la vie de l’Amazonie et de ses peuples exige une profonde conversion personnelle, sociale et structurelle. L’Église est incluse dans cet appel à désapprendre, à apprendre et à réapprendre, afin de surmonter toute tendance vers des modèles colonisateurs qui ont causé des dommages dans le passé. En ce sens, il est important que nous soyons conscients de la force du néocolonialisme qui est présent dans nos décisions quotidiennes et du modèle de développement prédominant qui s’exprime dans le modèle croissant de monoculture agricole, de nos modes de transport et de l’imaginaire de bien-être lié à la consommation que nous vivons en société et qui a des implications directes et indirectes en Amazonie. Devant cet horizon global, en écoutant aussi les voix des Eglises sœurs, nous voulons embrasser une spiritualité de l’écologie intégrale, afin de promouvoir le soin de la création. Pour y parvenir, nous devons être une communauté de disciples missionnaires beaucoup plus participative et inclusive.
82. Nous proposons de définir le péché écologique comme une action ou une omission contre Dieu, contre le prochain, la communauté et l’environnement. C’est un péché contre les générations futures qui se manifeste par des actes et des habitudes de pollution et de destruction de l’harmonie de l’environnement, des transgressions contre les principes d’interdépendance et la rupture des réseaux de solidarité entre les créatures (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 340-344) et contre la vertu de la justice. Nous proposons également de créer des ministères spéciaux pour le soin de la « maison commune » et la promotion de l’écologie intégrale au niveau paroissial et dans chaque juridiction ecclésiastique, qui auront pour fonctions, entre autres, le soin du territoire et des eaux, ainsi que la promotion de l’encyclique Laudato si. Assumer le programme pastoral, éducatif et de plaidoyer de l’encyclique Laudato si dans les chapitres V et VI à tous les niveaux et structures de l’Église.
83. Afin de réparer la dette écologique que les pays ont envers l’Amazonie, nous proposons la création d’un fonds mondial pour couvrir une partie des dépenses des communautés présentes en Amazonie qui promeuvent leur développement intégral et durable et ainsi les protéger du désir prédateur d’extraire leurs ressources naturelles de la part des entreprises nationales et multinationales.
84. Adopter des habitudes responsables qui respectent et valorisent les peuples de l’Amazonie, leurs traditions et leur sagesse, en protégeant la terre et en changeant notre culture de consommation excessive, la production de déchets solides, en encourageant la réutilisation et le recyclage. Nous devons réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et à l’utilisation des plastiques en changeant nos habitudes alimentaires (consommation excessive de viande et de poisson/produits de la mer) et en adoptant des modes de vie plus sobres. S’engager activement dans la plantation d’arbres en recherchant des alternatives durables en matière d’agriculture, d’énergie et de mobilité qui respectent les droits de la nature et les personnes. Promouvoir l’éducation à l’écologie intégrale à tous les niveaux, promouvoir de nouveaux modèles économiques et des initiatives qui favorisent une qualité de vie durable.
b. Observatoire Socio-Pastoral Amazonien
85. Créer un observatoire socio-environnemental pastoral, renforçant la lutte pour la défense de la vie. Effectuer un diagnostic du territoire et de ses conflits socio-environnementaux dans chaque Église locale et régionale, afin de pouvoir prendre position, prendre des décisions et défendre les droits des plus vulnérables. L’Observatoire travaillerait en alliance avec le CELAM, la CLAR, Caritas, le REPAM, les épiscopats nationaux, les Églises locales, les universités catholiques, le CIDH, d’autres acteurs non ecclésiaux du continent et les représentants des peuples autochtones. Nous demandons également qu’au sein du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral soit créé un bureau amazonien qui soit en relation avec cet Observatoire et les autres institutions amazoniennes locales.

Chapitre V

Nouveaux chemins de conversion synodale

« Moi en eux, et Toi en Moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité » (Jn 17,23).
86. Pour marcher ensemble, l’Église a besoin d’une conversion synodale, synodalité du Peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit en Amazonie. Avec cet horizon de communion et de participation, nous cherchons de nouveaux chemins ecclésiaux, surtout dans la ministérialité et la sacramentalité de l’Église au visage amazonien. La vie consacrée, les laïcs et parmi eux les femmes, sont les acteurs anciens et toujours nouveaux qui nous appellent à cette conversion.

La synodalité missionnaire dans l’Église amazonienne

a. La synodalité missionnaire de toute le Peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit
87. « Synode » est un mot ancien vénéré par la Tradition ; il indique le chemin que parcourt ensemble les membres du peuple de Dieu ; il fait référence au Seigneur Jésus, qui se présente comme « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), et au fait que les chrétiens, ses disciples, ont été appelés « les disciples de la Voie » (Ac 9, 2) ; être synodaux, c’est suivre ensemble « le chemin du Seigneur » (Ac 18, 25). La synodalité est la manière d’être de l’Église primitive (cf. Ac 15) et elle doit être la nôtre. « Les parties du corps sont nombreuses, mais le corps est un ; aussi nombreuses que soient les parties, elles forment toutes un seul corps. Ainsi aussi le Christ  » (1 Co 12, 12). La synodalité caractérise aussi l’Église de Vatican II, comprise comme Peuple de Dieu, dans l’égalité et la dignité commune devant la diversité des ministères, charismes et services. Elle « indique la manière spécifique de vivre et d’agir (modus vivendi et operandi) de l’Église du Peuple de Dieu, qui manifeste et réalise concrètement son être « communion », dans le cheminement ensemble, dans le fait de se réunir en Assemblée et dans la participation active de tous ses membres à son action évangélisatrice » (…), c’est-à-dire dans « la coresponsabilité et la participation de tout le peuple de Dieu dans la vie et la mission de l’Église » (CTI, La synodalité…, n° 6-7).
88. Pour marcher ensemble, l’Église d’aujourd’hui a besoin d’une conversion à l’expérience synodale. Il est nécessaire de renforcer une culture du dialogue, de l’écoute réciproque, du discernement spirituel, du consensus et de la communion pour trouver des espaces et des modes de décision commune et répondre aux défis pastoraux. De cette manière, la coresponsabilité dans la vie de l’Église sera encouragée dans un esprit de service. Il est urgent de cheminer, de proposer et d’assumer les responsabilités pour surmonter le cléricalisme et les impositions arbitraires. La synodalité est une dimension constitutive de l’Église. On ne peut pas être Église sans reconnaître un exercice efficace du sensus fidei de tout le Peuple de Dieu.
b. Spiritualité de communion synodale sous la conduite de l’Esprit
89. L’Église vit de la communion avec le Corps du Christ par le don de l’Esprit Saint. Le Concile Apostolique de Jérusalem (cf. Ac 15 ; Ga 2, 1-10) est un événement synodal dans lequel l’Église apostolique, à un moment décisif de son chemin, vit sa vocation à la lumière de la présence du Seigneur ressuscité en vue de la mission. Cet événement est devenu la figure paradigmatique des Synodes de l’Église et de sa vocation synodale. La décision prise par les Apôtres, en compagnie de toute la communauté de Jérusalem, a été l’œuvre de l’action de l’Esprit Saint qui guide le chemin de l’Église, lui assurant la fidélité à l’Évangile de Jésus : « Nous avons décidé, l’Esprit Saint et nous » (Ac 15, 28). Toute l’assemblée a reçu la décision et l’a fait sienne (Actes 15, 22) ; puis la communauté d’Antioche a fait de même (Actes 15, 30-31). Etre vraiment « synodal », c’est avancer en harmonie sous l’impulsion de l’Esprit qui donne la vie.
90. L’Église en Amazonie est appelée à marcher dans l’exercice du discernement, qui est le centre des processus et des événements synodaux. Il s’agit de déterminer et de parcourir comme Église, par l’interprétation théologique des signes des temps, sous la conduite de l’Esprit Saint, le chemin à suivre dans le service du dessein de Dieu. Le discernement communautaire permet de découvrir un appel que Dieu fait entendre dans chaque situation historique particulière. Cette Assemblée est un moment de grâce pour exercer l’écoute réciproque, le dialogue sincère et le discernement communautaire pour le bien commun du Peuple de Dieu dans la région amazonienne, puis, dans la phase de mise en œuvre des décisions, pour continuer à marcher sous l’impulsion de l’Esprit Saint dans les petites communautés, paroisses, diocèses, vicariats, « prelacías », et dans toute la région.
c. Vers un style de vie et de travail synodal dans la région amazonienne
91. Avec une audace évangélique, nous voulons mettre en œuvre de nouvelles voies pour la vie de l’Église et son service d’une écologie intégrale en Amazonie. La synodalité marque une manière de vivra la communion et la participation dans les Eglises locales qui se caractérise par le respect de la dignité et de l’égalité de tous les baptisés et baptisées, la complémentarité des charismes et des ministères, le goût de se réunir en assemblées pour discerner ensemble la voix de l’Esprit. Ce Synode nous donne l’occasion de réfléchir sur la manière de structurer les Eglises locales dans chaque région et pays, et d’avancer dans une conversion synodale qui indique des chemins communs dans l’évangélisation. La logique de l’incarnation enseigne que Dieu, dans le Christ, se lie aux êtres humains qui vivent dans les « cultures propres des peuples » (AG 9) et que l’Église, peuple de Dieu inséré parmi les peuples, a la beauté d’un visage multiforme car enraciné dans de nombreuses cultures différentes (EG 116). Cela se réalise dans la vie et la mission des Eglises locales enracinées dans chaque « grand territoire socioculturel » (GA 22).
92. Une Église au visage amazonien a besoin que ses communautés soient imprégnées d’un esprit synodal, soutenues par des structures organisationnelles en accord avec cette dynamique, comme d’authentiques organismes de « communion ». Les formes d’exercice de la synodalité sont variées, elles doivent être décentralisées aux différents niveaux (diocésain, régional, national, universel), respectueuses et attentives aux processus locaux, sans affaiblir le lien avec les autres Églises sœurs et avec l’Église universelle. Les formes organisationnelles pour l’exercice de la synodalité peuvent être variées, elles établissent une synchronie entre communion et participation, entre coresponsabilité et ministérialité de tous, en accordant une attention particulière à la participation effective des laïcs au discernement et à la prise de décision, en renforçant la participation des femmes.

Nouveaux chemins pour la ministérialité ecclésiale

a. Eglise ministérielle et nouveaux ministères
93. Le renouveau du Concile Vatican II place les laïcs dans le sein du Peuple de Dieu, dans une Église toute entière ministérielle, qui trouve dans le sacrement du baptême le fondement de l’identité et de la mission de tout chrétien. « Les laïcs sont les fidèles qui, par le baptême, ont été incorporés au Christ, constitués en Peuple de Dieu et, à leur manière, fait participants du munus sacerdotal, prophétique et royal du Christ, exerçant ainsi leur rôle dans la mission de tout le peuple chrétien dans l’Église et dans le monde  » (LG 31). De cette triple relation, avec le Christ, l’Église et le monde, naît la vocation et la mission des laïcs. L’Église en Amazonie, en vue d’une société juste et solidaire dans le soin de la « maison commune », veut faire des laïcs des acteurs privilégiés. Leur action a été et est vitale, tant dans la coordination des communautés ecclésiales, dans l’exercice de ministères, que dans leur engagement prophétique pour un monde inclusif pour tous, qui trouve dans ses martyrs un témoignage qui nous interpelle.
94. Comme expression de la coresponsabilité de tous les baptisés dans l’Église et de l’exercice du sensus fidei de tout le Peuple de Dieu, se sont constitués des assemblées et conseils pastoraux dans toutes les sphères ecclésiales, ainsi que des équipes de coordination des différents services pastoraux et des ministères confiés aux laïcs. Nous reconnaissons la nécessité de renforcer et d’élargir les espaces pour la participation des laïcs, que ce soit dans la consultation ou dans la prise de décision, dans la vie et la mission de l’Église.
95. Bien que la mission dans le monde soit la tâche de tout baptisé, le Concile Vatican II a souligné la mission des laïcs : « l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller  » (GS 39). Pour l’Église en Amazonie, il est urgent que soient promus et conférés de manière équitable des ministères pour les hommes et les femmes. Le tissu de l’Église locale, également en Amazonie, est garanti par les petites communautés ecclésiales missionnaires qui cultivent la foi, écoutent la Parole et célèbrent ensemble au plus près de la vie des gens. C’est l’Église des hommes et des femmes baptisés que nous devons consolider en promouvant la ministérialité et, surtout, la conscience de la dignité baptismale.
96. De plus, en l’absence de prêtres dans les communautés, l’évêque peut confier, pour une durée déterminée, l’exercice de la charge pastorale d’une communauté à une personne non investie du caractère sacerdotal, qui soit membre de cette communauté. Les personnalismes doivent être évités et, pour cette raison, il s’agira d’une charge tournante. L’évêque peut établir ce ministère en présence de la communauté chrétienne avec un mandat officiel par un acte rituel afin que la personne responsable de la communauté soit également reconnue au niveau civil et local. Le prêtre reste toujours, avec le pouvoir et la faculté de curé, responsable de la communauté.
b. La vie consacrée
97. Le texte de l’Évangile – « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18) – exprime une conviction qui anime la mission de la vie consacrée en Amazonie, envoyée pour annoncer la Bonne Nouvelle dans l’accompagnement de proximité des peuples autochtones, des plus vulnérables et des plus lointains, à partir d’un dialogue et d’une annonce qui permettent une connaissance profonde de la spiritualité. Une vie consacrée avec des expériences inter-congrégationnelles et inter-institutionnelles peut demeurer dans des communautés où personne ne veut être et avec ceux avec qui personne ne veut être, en apprenant et respectant la culture et les langues autochtones afin d’atteindre le cœur des peuples.
98. La mission, en même temps qu’elle contribue à édifier et à consolider l’Église, renforce et renouvelle la vie consacrée et l’appelle avec plus de force à reprendre le plus pur de son inspiration originelle. Son témoignage sera ainsi prophétique et source de nouvelles vocations religieuses. Nous proposons de parier sur une vie consacrée avec une identité amazonienne, en renforçant les vocations autochtones. Nous soutenons l’insertion et l’itinérance des personnes consacrées, auprès des plus démunis et exclus. Les processus de formation doivent inclure une approche interculturelle, l’inculturation et le dialogue avec les spiritualités et cosmovisions amazoniennes.
c. La présence et l’heure de la femme
99. L’Église en Amazonie veut « élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église » (EG 103). « Ne réduisons pas l’engagement des femmes dans l’Église, mais encourageons plutôt leur participation active dans la communauté ecclésiale. Si l’Église perd les femmes dans leur pleine et réelle dimension, elle s’expose à la stérilité » (Pape François, Rencontre avec l’épiscopat brésilien, Rio de Janeiro, 27 juillet 2013).
100. Depuis le Concile Vatican II, le Magistère de l’Église a souligné le rôle central que les femmes occupent dans l’Eglise :  » L’heure vient, l’heure est venue, où la vocation des femmes s’accomplit en plénitude, l’heure où les femmes acquièrent dans le monde une influence, un poids, un pouvoir jamais atteints auparavant. C’est pourquoi, en ce moment où l’humanité vit une mutation si profonde, les femmes remplies de l’esprit de l’Évangile peuvent tant aider à ce que l’humanité ne décline pas  » (Paul VI, 1965 ; AAS 58, 1966, 13-14).
101. La sagesse des peuples ancestraux affirme que la terre mère a un visage féminin. Dans le monde indigène et occidental, les femmes sont celles qui travaillent dans de multiples champs, dans l’éducation des enfants, dans la transmission de la foi et de l’Evangile, elles sont une présence qui témoigne et responsables dans la promotion humaine, c’est pourquoi nous demandons que la voix des femmes soit entendue, qu’elles soient consultées et qu’elles participent aux prises de décision et, ainsi, qu’elles puissent contribuer avec leur sensibilité à la synodalité ecclésiale. Nous valorisons  » la place de la femme, en reconnaissant son rôle fondamental dans la formation et la continuité des cultures, dans la spiritualité, dans les communautés et les familles. Il est nécessaire qu’elle assume avec plus de force son leadership au sein de l’Église, et que l’Église le reconnaisse et le promeuve en renforçant sa participation dans les conseils pastoraux des paroisses et diocèses, ou même dans les instances de gouvernement.
102. Face à la réalité vécue par les femmes victimes de violences physiques, morales et religieuses, y compris des féminicides, l’Église se positionne pour la défense de leurs droits et les reconnaît comme actrices et gardiennes de la création et de la « maison commune ». Nous reconnaissons la ministérialité que Jésus a réservée aux femmes. Il est nécessaire de promouvoir la formation des femmes dans les études de théologie biblique, de théologie systématique, de droit canon, en valorisant leur présence dans les organisations et leur leadership à l’intérieur et à l’extérieur du milieu ecclésial. Nous voulons renforcer les liens familiaux, en particulier pour les femmes migrantes. Nous assurons leur place dans les espaces de leadership et de formation. Nous demandons la révision du Motu Propio de Saint Paul VI, Ministeria quedam, afin que les femmes formées de manière appropriée et préparées puissent recevoir les ministères de Lectorat et d’Acolytat, parmi d’autres ministères à développer. Dans les nouveaux contextes d’évangélisation et de pastorale en Amazonie, où la majorité des communautés catholiques sont dirigées par des femmes, nous demandons que le ministère institué de  » la femme leader de la communauté  » soit créé et reconnu, au service des exigences changeantes de l’évangélisation et de l’attention aux communautés.
103. Dans les nombreuses consultations menées en Amazonie, a été reconnu et souligné le rôle fondamental des femmes, religieuses et laïques, dans l’Église d’Amazonie et ses communautés, étant donné les multiples services qu’elles offrent. Dans un grand nombre de ces consultations, le diaconat permanent pour les femmes a été demandé. C’est pourquoi le thème a aussi été très présent au Synode. Déjà en 2016, le Pape François avait créé une « Commission d’étude sur le diaconat des femmes » qui, en tant que Commission, est parvenue à un résultat partiel sur ce qu’était la réalité du diaconat des femmes dans les premiers siècles de l’Église et sur ses implications pour aujourd’hui. C’est pourquoi nous aimerions partager nos expériences et réflexions avec la Commission et nous attendons ses résultats.
d. Diaconat permanent
104. Pour l’Église en Amazonie, la promotion, la formation et le soutien des diacres permanents sont urgents en raison de l’importance de ce ministère dans la communauté. D’une manière particulière, en raison du service ecclésial requis par de nombreuses communautés, en particulier par les peuples autochtones. Les besoins pastoraux spécifiques des communautés chrétiennes amazoniennes nous conduisent à une compréhension plus large du diaconat, un service qui existe depuis les débuts de l’Église et qui a été restauré comme un degré autonome et permanent par le Concile Vatican II (LG 29, AG 16, SO 17). Le diaconat d’aujourd’hui doit aussi promouvoir l’écologie intégrale, le développement humain, la pastorale sociale, le service des personnes en situation de vulnérabilité et de pauvreté, le configurant au Christ Serviteur, et se faisant Église miséricordieuse, samaritaine, solidaire et diaconale.
105. Les prêtres doivent garder à l’esprit que le diacre est au service de la communauté par nomination et sous l’autorité de l’évêque, et qu’ils ont l’obligation de soutenir les diacres permanents et d’agir en communion avec eux. L’entretien des diacres permanents doit être gardé à l’esprit. Ceci inclut le processus de vocation selon les critères d’admission. Les motivations du candidat doivent être orientées vers le service et la mission du diaconat permanent dans l’Église et dans le monde d’aujourd’hui. Le projet de formation se situe entre l’étude académique et la pratique pastorale, accompagné par une équipe de formation et de la communauté paroissiale, avec des contenus et des itinéraires adaptés à chaque réalité locale. Il est souhaitable que l’épouse et les enfants participent au processus de formation.
106. Le programme de formation au diaconat permanent, en plus des matières obligatoires, devrait inclure des thèmes qui favorisent le dialogue œcuménique, interreligieux et interculturel, l’histoire de l’Église en Amazonie, l’affectivité et la sexualité, la cosmovision autochtone, l’écologie intégrale et d’autres thèmes transversaux qui sont caractéristiques du ministère diaconal. L’équipe des formateurs sera composée de ministres ordonnés et de laïcs compétents, en accord avec le directoire du diaconat permanent approuvé dans chaque pays. Nous voulons encourager, soutenir et accompagner personnellement le processus vocationnel et la formation de futurs diacres permanents dans les communautés riveraines et indigènes, avec la participation des curés, religieux et religieuses. Enfin, qu’il y ait un programme de suivi pour la formation permanente (spiritualité, formation théologique, pastorale, mise à jour des documents de l’Église, etc.) sous la conduite de l’évêque.
e. Itinéraires de formation inculturée
107. « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur » (Jr 3, 15). Cette promesse, étant divine, est valable pour tous les temps et tous les contextes ; par conséquent, elle est également valable pour l’Amazonie. Destinée à configurer le prêtre au Christ, la formation au ministère ordonné doit être une école communautaire de fraternité, d’expérience, spirituelle, pastorale et doctrinale, en contact avec la réalité des personnes, en harmonie avec la culture locale et la religiosité, proche des pauvres. Nous devons préparer de bons pasteurs qui vivent la Bonne Nouvelle du Royaume, connaissent les lois canoniques, soient compatissants, aussi semblables que possible à Jésus, dont la pratique soit de faire la volonté du Père, nourris par l’Eucharistie et la Sainte Ecriture. C’est-à-dire une formation plus biblique dans le sens d’une assimilation à Jésus tel qu’on le voit dans les Evangiles : proche des gens, capable d’écouter, de guérir, de consoler, patiemment, sans chercher à demander mais pour manifester la tendresse du cœur de son Père.
108. Afin d’offrir aux futurs prêtres des Églises de l’Amazonie une formation au visage amazonien, insérée et adaptée à la réalité, contextualisée et capable de répondre aux nombreux défis pastoraux et missionnaires, nous proposons un plan de formation en ligne avec les défis des Églises locales et la réalité amazonienne. Il doit inclure dans le contenu académique des disciplines qui traitent de l’écologie intégrale, de « l’écothéologie », de la théologie de la création, des théologies indiennes, de la spiritualité écologique, de l’histoire de l’Église en Amazonie, de l’anthropologie culturelle amazonienne, et ainsi de suite. Les centres de formation pour la vie sacerdotale et consacrée doivent être insérés, de préférence, dans la réalité amazonienne, en vue de favoriser le contact du jeune amazonien en formation avec sa réalité, pendant qu’il se prépare pour sa future mission, de manière à ce que le processus de formation ne soit pas à distance du contenu vital des personnes et de leur culture, tout en offrant aux autres jeunes non amazoniens la possibilité de faire une partie de leur formation dans la région, favorisant ainsi des vocations missionnaires.
f. L’Eucharistie, source et sommet de la communion synodale
109. Selon le Concile Vatican II, la participation à l’Eucharistie est la source et le sommet de toute vie chrétienne ; elle est le symbole de cette unité du Corps mystique ; elle est le centre et l’aboutissement de toute la vie de la communauté chrétienne. L’Eucharistie contient tout le bien spirituel de l’Église ; elle est la source et l’aboutissement de toute évangélisation. Faisons écho à la phrase de saint Jean Paul II : « L’Église vit de l’Eucharistie » (Ecclesia de Eucharistia, 1). L’Instruction de la Congrégation pour le Culte Divin Redemptoris sacramentum (2004) insiste sur le fait que les fidèles ont le droit d’avoir la célébration eucharistique telle qu’établie dans les livres et normes liturgiques. Mais il semble étrange de parler du droit de célébrer une Eucharistie telle que prescrite, sans parler du droit plus fondamental d’accès à l’Eucharistie pour tous : « Dans l’Eucharistie, la plénitude a déjà été réalisée, et elle est le centre vital de l’univers, le centre plein d’amour et de vie inépuisable. Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu. En effet, l’Eucharistie est en soi un acte d’amour cosmique  » (LS 236).
110. Il y a un droit de la communauté à la célébration, qui découle de l’essence de l’Eucharistie et de sa place dans l’économie du salut. La vie sacramentelle est l’intégration des différentes dimensions de la vie humaine dans le mystère pascal, qui nous renforce. C’est pourquoi les communautés vivantes réclament vraiment la célébration de l’Eucharistie. C’est, sans aucun doute, le point d’arrivée (sommet et consommation) de la communauté ; mais c’est, en même temps, un point de départ : de rencontre, de réconciliation, d’apprentissage et de catéchèse, de croissance communautaire.
111. Beaucoup de communautés ecclésiales du territoire amazonien ont d’énormes difficultés pour accéder à l’Eucharistie. Parfois, il faut non seulement des mois, mais même plusieurs années avant qu’un prêtre puisse retourner dans une communauté pour célébrer l’Eucharistie, offrir le sacrement de la réconciliation ou oindre les malades de la communauté. Nous apprécions le célibat comme un don de Dieu (Sacerdotalis Caelibatus, 1) dans la mesure où ce don permet au disciple missionnaire, ordonné prêtre, de se consacrer pleinement au service du Saint Peuple de Dieu. Elle stimule la charité pastorale et nous prions pour qu’il y ait beaucoup de vocations vivant le sacerdoce dans le célibat. Nous savons que cette discipline « n’est pas exigée par la nature même du sacerdoce… bien qu’elle ait de nombreuses raisons de convenance avec lui » (PO 16). Dans son encyclique sur le célibat sacerdotal, saint Paul VI a maintenu cette loi et a exposé les motivations théologiques, spirituelles et pastorales qui la soutiennent. En 1992, l’exhortation post-synodale de Saint Jean-Paul II sur la formation sacerdotale a confirmé cette tradition dans l’Église latine (PDV 29). Considérant que la diversité légitime ne nuit pas à la communion et à l’unité de l’Église, mais qu’elle la manifeste et la sert (LG 13 ; SO 6), ce dont témoigne la pluralité des rites et des disciplines existants, nous proposons d’établir des critères et des dispositions de la part de l’autorité compétente, dans le cadre de Lumen Gentium 26, pour ordonner prêtres des hommes appropriés et reconnus de la communauté, qui ont un diaconat permanent fécond et reçoivent une formation adéquate pour le sacerdoce, pouvant avoir une famille légitimement constituée et stable, pour soutenir la vie de la communauté chrétienne par la prédication de la Parole et la célébration des Sacrements dans les endroits les plus reculés de la région amazonienne. A cet égard, certains se sont prononcés en faveur d’une approche universelle du sujet.

Nouveaux chemins pour la synodalité ecclésiale

a. Structures synodales régionales dans l’Eglise amazonienne
112. La majorité des Diocèses, des Prélatures et des Vicariats d’Amazonie ont des territoires étendus, peu de ministres ordonnés et peu de ressources financières, ce qui rend difficile le maintien de la mission. Le « coût amazonien » a de graves répercussions sur l’évangélisation. Face à cette réalité, il est nécessaire de repenser l’organisation des Eglises locales, de repenser les structures de communion aux niveaux provinciaux, régionaux, nationaux et aussi au niveau de la Panamazonie. Il est donc nécessaire d’articuler les espaces synodaux et de générer des réseaux de soutien solidaire. Il est urgent de dépasser les frontières que la géographie impose et de construire des ponts qui unissent. Le document d’Aparecida insistait déjà sur le fait que les Eglises locales génèrent des formes d’association interdiocésaine dans chaque nation ou entre les pays d’une région et qu’elles favorisent une plus grande coopération entre Eglises sœurs (cf. DAp 182). Dans l’optique d’une Église actuelle, solidaire et samaritaine, nous proposons : de redimensionner les vastes zones géographiques des diocèses, vicariats et « prelazias » ; de créer un fonds amazonien de soutien à l’évangélisation ; de sensibiliser et stimuler les agences internationales de coopération catholique pour soutenir, au-delà des projets sociaux, aussi les activités d’évangélisation.
113. En 2015, alors que nous commémorions le 50e anniversaire de l’Institution du Synode des Évêques par saint Paul VI, le Pape François a invité à renouveler la communion synodale aux différents niveaux de la vie de l’Église : local, régional et universel. L’Église est en train de développer une compréhension renouvelée de la synodalité à l’échelle régionale. Appuyée sur la tradition, la Commission théologique internationale exprime :  » Dans l’exercice de la synodalit, le niveau régional est celui qui concerne les regroupements d’Églises particulières présentes dans une même région : une province – comme cela s’est produit surtout dans les premiers siècles de l’Église – ou un pays, un continent ou une partie de celui-ci  » (Document « La synodalité dans la vie et la mission de l’Église », Vatican 2018, 85). L’exercice de la synodalité à ce niveau renforce les liens spirituels et institutionnels, favorise l’échange des dons et aide à définir des critères pastoraux communs. Le travail conjoint en pastorale sociale des diocèses situés aux frontières des pays doit être renforcé pour faire face à des problèmes communs qui dépassent le niveau local, tels que l’exploitation des personnes et du territoire, le trafic de drogue, la corruption, la traite des personnes, etc. Les diocèses doivent être renforcés pour faire face aux problèmes communs qui dépassent le niveau local, comme l’exploitation des personnes et du territoire, le trafic de drogue, la corruption, la traite des personnes, etc. Le problème de la migration doit être traité de manière coordonné par les Eglises aux frontières.
b. Universités et nouvelles structures synodales amazoniennes
114. Nous proposons la création d’une Université catholique amazonienne basée sur la recherche interdisciplinaire (y compris les études de terrain), l’inculturation et le dialogue interculturel ; que la théologie inculturée inclue la formation conjointe pour les ministères laïcs et la formation des prêtres, basée principalement sur la Sainte Ecriture. Les activités de recherche, d’éducation et de vulgarisation devraient inclure des programmes d’études environnementales (connaissances théoriques fondées sur la sagesse des peuples vivant dans la région amazonienne) et des études ethniques (description des différentes langues, etc.). La formation des enseignants, l’enseignement et la production de matériels didactiques devraient respecter les coutumes et traditions des peuples autochtones, en élaborant du matériel didactique inculturé et menant des activités de vulgarisation dans différents pays et régions. Nous demandons aux universités catholiques d’Amérique latine d’aider à la création de l’Université catholique amazonienne et d’accompagner son développement.
c. Organisme ecclésial régional post-synodal pour la région amazonienne
115. Nous proposons la création d’un organisme épiscopal pour promouvoir la synodalité entre les Églises de la région, pour aider à définir le visage amazonien de cette Église et pour continuer à trouver de nouveaux chemins pour la mission évangélisatrice, notamment en incorporant la proposition de l’écologie intégrale, renforçant ainsi la physionomie de l’Église amazonienne. Il s’agirait d’un organisme épiscopal permanent et représentatif qui promeuve la synodalité dans la région amazonienne, articulé avec le CELAM, avec sa propre structure, dans une organisation simple et également articulé avec le REPAM. De cette façon, il pourra être le canal efficace pour assumer, à partir du territoire de l’Église d’Amérique latine et des Caraïbes, beaucoup des propositions qui sont nées de ce Synode. Ce serait le lien qui articulerait les réseaux et initiatives ecclésiaux et socio-environnementaux aux niveaux continental et international.
d. Rite pour les peuples autochtones
116. Le Concile Vatican II a ouvert des espaces pour le pluralisme liturgique « pour des variations et adaptations légitimes pour des groupes et peuples divers  » (SC 38). En ce sens, la liturgie doit répondre à la culture pour qu’elle soit la source et le sommet de la vie chrétienne (cf. SC 10) et pour qu’elle soit liée aux souffrances et aux joies du peuple. Nous devons donner une réponse authentiquement catholique à la demande des communautés amazoniennes d’adapter la liturgie en valorisant la vision du monde, les traditions, les symboles et les rites originaux qui incluent des dimensions transcendantes, communautaires et écologiques.
117. Dans l’Église catholique, il y a 23 rites différents, signe évident d’une tradition qui, depuis les premiers siècles, a cherché à inculturer le contenu de la foi et sa célébration dans un langage aussi cohérent que possible avec le mystère à exprimer. Toutes ces traditions ont leur origine en fonction de la mission de l’Église : « Les Églises d’un même espace géographique et culturel en sont venues à célébrer le mystère du Christ par des expressions particulières, caractérisées culturellement : dans la tradition du « dépôt de la foi », dans le symbolisme liturgique, dans l’organisation de la communion fraternelle, dans la compréhension théologique des mystères et dans les diverses formes de sainteté » (CEC 1202 ; cf. aussi CEC 1200-1206).
118. Il est nécessaire que l’Église, dans son inlassable travail d’évangélisation, travaille pour que le processus d’inculturation de la foi s’exprime dans les formes les plus cohérentes, pour qu’il soit aussi célébré et vécu dans les langues propres des peuples amazoniens. Il est urgent de former des comités pour la traduction et la rédaction des textes bibliques et liturgiques dans les langues des différents lieux, avec les moyens nécessaires, en préservant la matière des sacrements et en les adaptant à la forme, sans perdre de vue l’essentiel. Dans ce sens, il est nécessaire d’encourager la musique et le chant, tout ce qui est accepté et encouragé par la liturgie.
119. Le nouvel organisme de l’Église en Amazonie devrait constituer une commission compétente pour étudier et envisager dans le dialogue, selon les usages et coutumes des peuples ancestraux, l’élaboration d’un rite amazonien qui exprime le patrimoine liturgique, théologique, disciplinaire et spirituel de l’Amazonie, avec une référence spéciale à ce que Lumen Gentium affirme pour les Églises orientales (cf. LG 23). Ce rite s’ajouterait aux rites déjà présents dans l’Église, enrichissant le travail d’évangélisation, la capacité d’exprimer la foi dans sa propre culture et le sens de décentralisation et de collégialité qui peut exprimer la catholicité de l’Église. Cet organisme pourrait aussi étudier et proposer comment enrichir les rites ecclésiaux par la manière dont ces peuples prennent soin de leur territoire et se rapportent à ses eaux.

Conclusion

120. Nous concluons sous la protection de Marie, Mère de l’Amazonie, vénérée sous divers titres dans toute la région. Par son intercession, nous demandons que ce Synode soit une expression concrète de la synodalité, afin que la vie pleine que Jésus est venu apporter au monde (cf. Jn 10, 10) puisse atteindre tout le monde, spécialement les pauvres, et contribuer au soin de la « maison commune ». Que Marie, Mère de l’Amazonie, accompagne notre chemin ; à saint Joseph, fidèle gardien de Marie et de son fils Jésus, nous consacrons notre présence ecclésiale en Amazonie, une Église au visage amazonien et en sortie missionnaire.

Annexe

Nombre de voix lors du vote du texte final, par paragraphe

Placet Non Placet
1. 159 2
2. 165 2
3. 165 4
4. 165 5
5. 164 3
6. 168 1
7. 166 2
8. 168 1
9. 157 9
10. 163 3
11. 161 7
12. 165 2
13. 167 2
14. 159 9
15. 162 7
16. 167 3
17. 169 2
18. 167 3
19. 167 3
20. 169 1
21. 167 0
22. 168 3
23. 166 5
24. 166 7
25. 160 9
26. 170 1
27. 159 8
28. 167 3
29. 168 3
30. 168 2
31. 164 6
32. 167 3
33. 166 5
34. 169 3
35. 163 5
36. 159 10
37. 165 5
38. 163 7
39. 159 12
40. 158 13
41. 167 4
42. 163 6
43. 166 5
44. 153 14
45. 166 4
46. 168 4
47. 165 5
48. 163 5
49. 164 7
50. 164 5
51. 164 6
52. 168 2
53. 166 4
54. 150 17
55. 157 11
56. 158 10
57. 163 7
58. 164 6
59. 168 2
60. 167 3
61. 158 10
62. 161 9
63. 166 4
64. 152 9
65. 166 1
66. 170 1
67. 167 2
68. 161 6
69. 161 7
70. 161 6
71. 166 4
72. 165 3
73. 164 4
74. 162 7
75. 165 4
76. 163 5
77. 162 7
78. 168 4
79. 164 4
80. 165 2
81. 160 9
82. 150 13
83. 152 16
84. 163 7
85. 157 11
86. 167 1
87. 169 1
88. 164 7
89. 171 1
90. 164 5
91. 165 5
92. 166 5
93. 167 6
94. 162 7
95. 158 9
96. 156 14
97. 162 6
98. 162 5
99. 161 2
100. 168 3
101. 165 5
102. 160 11
103. 137 30
104. 162 3
105. 164 8
106. 170 2
107. 169 3
108. 158 11
109. 154 13
110. 156 14
111. 128 41
112. 161 5
113. 160 5
114. 158 11
115. 145 22
116. 147 22
117. 140 27
118. 156 12
119. 140 29
120. 166 2
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Rédaction

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