« Un père ne tend pas de piège à ses enfants », a affirmé le pape en commentant l’invocation du Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Reconnaissant l’ambiguïté des traductions modernes, le pape a été formel : « nous devons exclure que Dieu soit le protagoniste des tentations qui surgissent sur le chemin de l’homme ». La tentation « vient de Satan » et, à ceux qui pensent que ce dernier n’existe pas, le pape a lancé : « regarde ce que t’enseigne l’Évangile : Jésus a été confronté au diable, il a été tenté par Satan ».
Le pape François a poursuivi sa catéchèse sur la prière du « Notre Père » lors de l’audience générale de ce mercredi 1er mai 2019, Place Saint-Pierre, en présence de milliers de visiteurs d’Italie et du monde entier. Il a abordé l’avant-dernière invocation de la prière: « Ne nous abandonne pas à la tentation ». Il a fait observer: « notre dialogue avec notre Père céleste entre, pour ainsi dire, dans le vif du drame, c’est-à-dire sur le terrain de la confrontation entre notre liberté et les pièges du malin ».
Mais sur ce terrain, l’homme n’est jamais seul. Dans les moments d’épreuve et de tentation, a expliqué le pape, « quand le mal se présente dans la vie de l’homme », Dieu « combat à ses côtés pour qu’il puisse en être libéré », parce que « Dieu, c’est le Père ! ». Il « combat toujours pour nous, pas contre nous ». « Aux moments les plus terribles de notre vie, dans les moments de plus grande souffrance, dans les moments les plus angoissants, Dieu veille avec nous, Dieu lutte avec nous, il est toujours proche de nous ».
Voici notre traduction de la catéchèse du pape François
HG
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous poursuivons notre catéchèse sur le Notre Père, et nous arrivons désormais à l’avant-dernière invocation : « Ne nous abandonne pas à la tentation » (cf. Mt 6,13). Une autre version dit : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Le Notre Père commence de manière sereine : il nous fait désirer que le grand projet de Dieu puisse se réaliser parmi nous. Puis il pose un regard sur la vie et nous fait demander ce dont nous avons besoin chaque jour : notre « pain quotidien ». Puis la prière se tourne vers nos relations interpersonnelles, souvent polluées par l’égoïsme : nous demandons le pardon et nous nous engageons à le donner. Mais c’est avec cette avant-dernière invocation que notre dialogue avec notre Père céleste entre, pour ainsi dire, dans le vif du drame, c’est-à-dire sur le terrain de la confrontation entre notre liberté et les pièges du malin.
Comme nous le savons, l’expression originelle grecque contenue dans les Évangiles est difficile à rendre de manière exacte et toutes les traductions modernes sont un peu boiteuses. Mais nous pouvons converger unanimement sur un élément : quelle que soit la manière dont on comprend le texte, nous devons exclure que Dieu soit le protagoniste des tentations qui surgissent sur le chemin de l’homme. Comme si Dieu était aux aguets pour tendre des pièges et des embûches à ses enfants. Une interprétation de ce genre s’oppose avant tout au texte lui-même et elle est loin de l’image de Dieu que Jésus nous a révélée. N’oublions pas : le Notre Père commence par « Père ». Et un père ne tend pas de piège à ses enfants. Les chrétiens n’ont rien à faire d’un Dieu envieux, en compétition avec l’homme ou qui s’amuserait à le mettre à l’épreuve. Ce sont les images de beaucoup de divinités païennes.
Dans la Lettre de l’apôtre Jacques, nous lisons : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : “Ma tentation vient de Dieu.” Dieu, en effet, ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne » (1,13). C’est plutôt le contraire : le Père n’est pas l’auteur du mal, à aucun de ses fils qui lui demande un poisson, il ne donne un serpent (cf. Lc 11,11) – comme l’enseigne Jésus – et quand le mal se présente dans la vie de l’homme, il combat à ses côtés pour qu’il puisse en être libéré. Un Dieu qui combat toujours pour nous, pas contre nous. C’est le Père ! C’est dans ce sens que nous prions le Notre Père.
Ces deux moments – l’épreuve et la tentation – ont mystérieusement été présents dans la vie de Jésus lui-même. Dans cette expérience, le Fils de Dieu s’est fait complètement notre frère, d’une manière qui frôle presque le scandale. Et ce sont précisément ces passages évangéliques qui nous montrent que les invocations les plus difficiles du Notre Père, celles qui concluent le texte, ont déjà été exaucées : Dieu ne nous a pas laissés seuls, mais en Jésus, il se manifeste comme le « Dieu-avec-nous » jusqu’aux conséquences extrêmes. Il est avec nous quand il nous donne la vie, il est avec nous pendant la vie, il est avec nous dans la joie, il est avec nous dans les épreuves, il est avec nous dans les tristesses, il est avec nous dans les échecs, quand nous péchons, mais il est toujours avec nous, parce qu’il est Père et qu’il ne peut pas nous abandonner.
Si nous sommes tentés de faire le mal, en niant notre fraternité avec les autres et en désirant un pouvoir absolu sur tout et sur tout le monde, Jésus a déjà combattu pour nous cette tentation : les premières pages de l’Évangile l’attestent. Aussitôt après avoir reçu le baptême par Jean, au milieu de la foule des pécheurs, Jésus se retire dans le désert où il est tenté par Satan. C’est ainsi que commence la vie publique de Jésus, avec la tentation qui vient de Satan. Satan était présent. Beaucoup disent : « Mais pourquoi parler du diable, qui est quelque chose d’ancien ? Le diable n’existe pas ». Mais regarde ce que t’enseigne l’Évangile : Jésus a été confronté au diable, il a été tenté par Satan. Mais Jésus repousse toute tentation et il sort victorieux. L’Évangile de Matthieu a une note intéressante qui clôt le duel entre Jésus et l’Ennemi : « Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient. » (4,11).
Mais même au moment de l’épreuve suprême, Dieu ne nous laisse pas seuls. Quand Jésus se retire pour prier à Gethsémani, son cœur est envahi d’une angoisse indicible – c’est ce qu’il dit à ses disciples – et il fait l’expérience de la solitude et de l’abandon. Seul, avec la responsabilité de tous les péchés du monde sur ses épaules ; seul, dans une angoisse indicible. L’épreuve est si déchirante que quelque chose d’inattendu se produit. Jésus ne mendie jamais l’amour pour lui-même, et pourtant, en cette nuit, il sent son âme triste à mourir, alors il demande la proximité de ses amis : « Restez ici et veillez avec moi ! » (Mt 25,38).
Nous le savons, les disciples s’endorment, appesantis par une torpeur causée par la peur. Au temps de l’agonie, Dieu demande à l’homme de ne pas l’oublier et l’homme, lui, dort. Au moment où l’homme connaît l’épreuve, Dieu, lui, veille. Aux moments les plus terribles de notre vie, dans les moments de plus grande souffrance, dans les moments les plus angoissants, Dieu veille avec nous, Dieu lutte avec nous, il est toujours proche de nous. Pourquoi ? Parce qu’il est Père. C’est ainsi que nous avons commencé la prière : Notre Père. Et un père n’abandonne pas ses enfants. Cette nuit de souffrance de Jésus, de lutte, est le dernier sceau de l’Incarnation : Dieu descend nous retrouver dans nos abîmes et dans les tourments qui constellent l’histoire.
Il est notre réconfort à l’heure de l’épreuve : savoir que cette vallée, depuis que Jésus l’a traversée, n’est plus désolée, mais qu’elle est bénie par la présence du Fils de Dieu. Il ne nous abandonnera jamais !
Éloigne donc de nous, o Dieu, le temps de l’épreuve et de la tentation. Mais quand ce moment arrivera pour nous, Notre Père, montre-nous que nous ne sommes pas seuls. Tu es le Père. Montre-nous que le Christ a déjà pris sur lui aussi le poids de cette croix. Montre-nous que Jésus nous appelle à la porter avec lui en nous abandonnant, confiants, à ton amour de Père. Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat