Un prêtre français, le p. Gabriel Longueville (1931-1976), originaire du diocèse de Viviers, sera béatifié demain, samedi 27 avril 2019, en Argentine avec Mgr Enrique Angel Angelleli Carletti (1923–1976), le p. Carlos Murias (1945-1976) et le laïc Wenceslao Pedernera.
Ils ont été tués “en haine de la foi” par des militaires en 1976, dès le début de la dictature argentine (1976-1983), dans leur diocèse de mission. Nous avions annoncé ces probables béatifications déjà en mai 2015. Le site de l’Eglise catholique en France lui rend hommage ici.
La célébration aura lieu demain, samedi 27 avril 2019 à La Rioja, au nord-ouest du pays. Elle sera présidée par le cardinal Angelo Giovanni Becciu, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, qui a été reçu par le pape François au Vatican, avant son départ, jeudi, 25 avril.
La junte militaire argentine présidée par le général Jorge Rafael Videla puis par trois autres militaires menait alors le “processus de réorganisation nationale”, au cours duquel – selon les chiffres rappelés par Vatican News – près de 30 000 personnes ont « disparu » (les “desaparecidos”), 15 000 ont été fusillées, 9 000 ont été arrêtées comme prisonniers politiques, et 1,5 million de personnes ont dû s’exiler sur… 32 millions d’habitants !
Les martyrs de Chamical
L’engagement de l’évêque de La Rioja envers les pauvres a certainement marqué et inspiré le Pape François, comme l’a rappelé l’évêque de Viviers (France), Mgr Jean-Louis Balsa, au micro de Radio Vatican (Adélaïde Patrignani).
Il souligne que « depuis le début de son pontificat, le Saint-Père n’a cessé de poser des gestes concrets envers les exclus et les plus démunis ». L’évêque a rencontré le pape François le 29 octobre 2018 lors d’une audience avec les jeunes Ardéchois de son diocèse qui ont parlé avec le pape de leur pèlerinage dans son pays sur les pas du père Gabriel Longueville. En juillet 2018, ils ont constaté l’héritage «très vivant» laissé par le prêtre fidei donum et ses compagnons : fresques, musées, oratoires, et surtout empreinte intérieure, dans la mémoire des fidèles de toutes générations.
Pour Mgr Balsa, leur témoignage résonne désormais comme un «appel à la conversion et à la crédibilité de l’Évangile». Les jeunes de son diocèse sont particulièrement touchés par le père Gabriel Longueville: «cette figure de martyr a un très grand écho» auprès d’eux, un peu comme un autre prêtre ardéchois, le bienheureux Charles de Foucauld.
Les noms du père Carlos Murias, franciscain, et de Wenceslao Pedernera, laïc père de famille, et celui de Mgr Enrique Angel Angelelli Carletti, évêque de La Rioja, étaient inscrits sur les listes des citoyens à éliminer, tenues par les militaires, précise la même source. Pas celui du père Gabriel Longueville, arrivé dans le pays en 1969 pour y être curé de la paroisse d’El Salvador à El Chamical.
Mais lorsque son vicaire, le père Carlos Murias, est enlevé le 18 juillet 1976, il choisit volontairement de le suivre pour ne pas le laisser seul. Et Wenceslao Pedernera, qui venait d’achever sa quotidienne prière du soir avec son épouse, est arrêté en même temps qu’eux. Tous les trois sont torturés à mort, et leurs corps lacérés et criblés de balles sont retrouvés peu après dans un terrain vague sur lequel un oratoire s’élève en leur honneur.
Les pp. Longueville et Murias, connus comme « les martyrs de Chamical », ont été assassinés par des forces paramilitaires le 22 juillet 1976, le père de famille, Pedernera, le 26 juillet.
Une Eglise persécutée
Moins d’un mois plus tard, le 4 août 1976, Mgr Enrique Angelelli, évêque de La Rioja depuis 1968, revient d’El Chamical où il a célébré une messe en mémoire des trois martyrs. La camionnette qu’il conduisait en compagnie du père Arturo Pinto est alors prise en étau par deux voitures : un assassinat camouflé en “accident de la circulation”, et dont l’interprétation a provoqué des divisions au sein même de l’Église catholique argentine.
En 2006 pour le 30e anniversaire de son assassinat, Mgr Enrique Angelleli est évoqué comme “martyr” par le cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires. Il témoigne: «J’ai rencontré une Église persécutée, entièrement, le peuple et son berger».
Huit ans après, il intervient en écrivant à la justice argentine qui instruit le procès des anciens militaires accusés du meurtre de l’évêque. La mort de Mgr Angelelli n’est pas due à un accident mais à une «action préméditée», «exécutée dans le cadre du terrorisme d’État», concluent les magistrats. Les quatre accusés sont condamnés à des peines de prison.
Demain, 27 avril, des milliers de pèlerins sont attendus à La Rioja pour la messe de béatification présidée par le cardinal Becciu : d’Argentine, de pays limitrophes comme l’Uruguay et le Paraguay, ou de plus loin. Les Français seront au moins une dizaine.
Une fête diocésaine en l’honneur du bienheureux père Gabriel Longueville aura également lieu le 8 juin prochain à Étables, son village natal.