Certaines associations de victimes et une partie de l’opinion publique n’ont pas compris que le pape François ait repoussé, lundi dernier, 18 mars 2019, la démission remise par le cardinal Philippe Barbarin, qui reste donc archevêque de Lyon. Il a été condamné pour « non dénonciation » de faits de pédophilie, et il s’est pourvu en appel.
François Morinière, président des «Entretiens de Valpré», et qui a suivi l’affaire de près, rappelle les faits et explique ce qui va maintenant se passer.
Il souligne que « selon le droit français une personne qui fait appel bénéficie de la présomption d’innocence ».
AB
Des associations de victimes ne comprennent pas la décision du pape François de ne pas accepter la démission du cardinal Barbarin, pourquoi?
Les victimes du père Preynat ont vécu des choses épouvantables il y a très longtemps et ont décidé de tout mettre sur la place publique. On peut comprendre ce besoin de se libérer d’un tel fardeau mais le procès du cardinal Barbarin a été celui d’un juste combat mené malheureusement contre les mauvaises personnes et au mauvais moment. Par un processus en effet diabolique, il se trouve que les actes abominable du père Preynat, serial violeur d’enfants à Sainte-Foy lès Lyon dans les années 1980, ne sont toujours pas jugés. Autre circonstance insupportable : pour un nombre important de victimes du père Preynat, la prescription des faits leur interdira d’obtenir la reconnaissance indiscutable des infamies qu’ils ont subies devant la justice. Alors comment ne pas fulminer de rage ? La toute légitime colère des victimes a besoin de trouver un exutoire. Cette douleur enfouie parce qu’inavouable – et notamment d’abord à ses propres parents – se compare à une explosion volcanique à retardement. On peut dire qu’au sens biblique du terme, le cardinal Barbarin est devenu le « bouc-émissaire » de cette affaire.
Qu’est-ce que l’affaire Preynat?
Dans les années 1980, un prêtre du diocèse de Lyon a commis des dizaines d’actes de pédophilie auprès de scouts de la paroisse qu’il dirigeait. En 2014, une des victimes est venue tout raconter au cardinal, malgré la prescription des faits. Le cardinal l’a encouragé dans sa démarche, et malgré cette prescription, cette victime puis d’autres ont porté plainte contre ce prêtre. Le cardinal Barbarin, après avoir pris conseil auprès du Vatican, a retiré à ce prêtre son ministère en 2015, puis ce prêtre a été inculpé.
Une enquête a ensuite été diligentée par le parquet pour connaître l’éventuelle complicité du cardinal et d’autres personnes du diocèse de Lyon pour non-dénonciation d’actes pédophiles. Le parquet a classé sans suite ce dossier en août 2016.
Comment arrive-t-on à la condamnation?
Le cardinal innocenté, certaines victimes du père Preynat ont enclenché une procédure assez rare de « citation directe » qui permet à une victime de déclencher une plainte envers une autre personne sans passer par l’avis du parquet.
Cette procédure a permis de « forcer » la tenue du procès du cardinal.
Lors du procès, pour la deuxième fois, le parquet s’est prononcé pour la relaxe du cardinal avec de nombreux arguments. Malgré cela, le juge a considéré que le cardinal avait commis une faute et l’a condamné.
Que va-t-il se passer maintenant, au niveau pastoral, sur le diocèse de Lyon, et au niveau judiciaire?
Le cardinal a fait appel comme tout citoyen en a le droit. Cet appel s’appuie sur des failles assez visibles du jugement qui n’ont pas manqué de surprendre beaucoup d’observateurs et de juristes. Cet appel est important car si le jugement était maintenu, il créerait une jurisprudence tout à fait inédite en France. Le parquet s’est joint à l’appel du cardinal car c’est une posture assez classique qui permet de rejuger complètement l’affaire.
Il est très important de rappeler que selon le droit français une personne qui fait appel bénéficie de la présomption d’innocence. C’est ce que le Pape a considéré à juste titre pour refuser la démission du cardinal.
Avec sagesse, le pape et le cardinal ont considéré que cette affaire, qui dure depuis plus de 3 ans, et qui va donc se prolonger, avait compliqué la vie du diocèse de Lyon. D’où la position de retrait du cardinal pour quelques temps.
Un de ses vicaires généraux va donc administrer le diocèse pendant cette période jusqu’au jugement d’appel. On ne sait pas quand il va avoir lieu. Espérons courant 2019.
En pratique le cardinal ne dira plus sa messe hebdomadaire à la cathédrale, ne présidera pas les offices de la semaine sainte, n’administrera pas le sacrement de confirmation, etc. Il ne présidera plus tous les organes de gouvernement du diocèse.