Mgr Charles Scicluna @ Vatican Media

Mgr Charles Scicluna @ Vatican Media

"Traitement des cas de crise liée aux abus sexuels et prévention des abus", par Mgr Scicluna (texte complet)

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« Les phases des procédures de cas d’abus sexuels commis sur des mineurs par des membres du clergé »

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La méditation du cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille (Philippines), a précédé l’intervention de l’archevêque de Malte et expert de la Doctrine de la foi, Charles Jude Scicluna, ce jeudi matin, 21 février 2019, première matinée du sommet de Rome sur la Protection des mineurs (21-24 février 2019): en quelque sorte une « vision » avant une « tactique » a résumé Mgr Mark Benedict Coleridge, archevêque de Brisbane (Australie), lors d’un point-presse à la mi-journée.
En quelque sorte Mgr Scicluna a indiqué aux évêques la feuille de route canonique pour la lutte contre les abus: dénonciation d’inconduite sexuelle, enquête sur les cas d’inconduite sexuelle, procédures pénales canoniques, collaboration avec la juridiction civile, mise en œuvre des décisions canoniques, pour finir par « la prévention des abus sexuels ».
Il s’agit d’aider les évêques à « assumer la responsabilité du traitement des cas de crise liée aux abus sexuels et de la prévention des abus ».
Il indique en effet « les principales phases des procédures de cas individuels d’abus sexuels commis sur des mineurs par des membres du clergé, avec quelques suggestions pratiques dictées par la prudence, les meilleures pratiques et le souci primordial de la sauvegarde de l’innocence de nos enfants et des jeunes ».
Mgr Scicluna, canoniste de formation, a cité souvent et longuement la Lettre au Peuple de Dieu en Irlande, de Benoît XVI, de 2010. Il a aussi cité la Lettre au peuple de Dieu du pape François (20 août 2018), notamment ce passage: « La conscience du péché nous aide à reconnaitre les erreurs, les méfaits et les blessures générés dans le passé et nous donne de nous ouvrir et de nous engager davantage pour le présent sur le chemin d’une conversion renouvelée. »
Comme l’indique le p. Federico Lombardi SJ, la lutte contre les abus mise en oeuvre « il y a 15 ans » et doit encore se prolonger pour un travail sur tous les continents.
Voici la traduction officielle de la communication de Mgr Scicluna, délivrée en anglais, et revue par Zenit (Hélène Ginabat).
AB
« Assumer la responsabilité du traitement des cas de crise liée aux abus sexuels
et de la prévention des abus »
Introduction
La façon dont nous, évêques, exerçons notre ministère au service de la justice dans nos communautés est l’un des tests fondamentaux de notre gestion et de notre fidélité. Pour citer le Seigneur dans Luc 12:48: « On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié. » Il nous a été confié la garde de notre peuple. C’est notre devoir sacré de protéger notre peuple et d’assurer la justice lorsque ceux-ci ont été maltraités.
Dans sa Lettre au Peuple de Dieu en Irlande, publiée le 19 mars 2010, le pape Benoît XVI disait ceci : « Ce n’est qu’en examinant avec attention les nombreux éléments qui ont donné naissance à la crise actuelle qu’il est possible d’entreprendre un diagnostic clair de ses causes et de trouver des remèdes efficaces. Il est certain que parmi les facteurs qui y ont contribué, nous pouvons citer: des procédures inadéquates pour déterminer l’aptitude des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse; une formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats; une tendance dans la société à favoriser le clergé et d’autres figures d’autorité, ainsi qu’une préoccupation déplacée pour la réputation de l’Eglise et pour éviter les scandales, qui a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l’Evangile à un degré que pas même des siècles de persécution ne sont parvenus à atteindre. » (n. 4b)
Mon allocution de ce matin a pour but de passer en revue les principales phases des procédures de cas individuels d’abus sexuels commis sur des mineurs par des membres du clergé, avec quelques suggestions pratiques dictées par la prudence, les meilleures pratiques et le souci primordial de la sauvegarde de l’innocence de nos enfants et des jeunes.
Dénonciation d’inconduite sexuelle
La première phase est la dénonciation d’inconduite sexuelle. Il est essentiel que la communauté soit informée qu’elle a le devoir et le droit de signaler toute inconduite sexuelle à une personne de contact dans le diocèse ou de l’ordre religieux. Ces coordonnées doivent être dans le domaine public. Si et quand un cas d’inconduite est directement référé à l’évêque ou au supérieur religieux, il est conseillé que ces derniers le transmettent à la personne de contact désignée. Dans tous les cas et pour toutes les phases du traitement des cas, ces deux points doivent être suivis à tout moment : i) les protocoles établis doivent être respectés. ii) les lois civiles ou nationales doivent être respectées. Il est important que chaque allégation fasse l’objet d’une enquête avec l’aide d’experts et qu’elle soit menée à son terme sans retard inutile. Le discernement de l’autorité ecclésiastique devrait être collégial. Des commissions de révision ou des commissions de sauvegarde ont été mises en place dans un certain nombre d’Eglises locales et cette expérience s’est révélée bénéfique. C’est un tel soulagement pour nous, évêques, que de pouvoir partager notre chagrin, notre douleur et notre frustration face aux terribles conséquences de la mauvaise conduite de certains de nos prêtres. Les conseils d’experts apportent lumière et réconfort et nous aident à prendre des décisions qui reposent sur des compétences scientifiques et professionnelles. Traiter les cas comme cela se fait dans un cadre synodal ou collégial donnera aux évêques l’énergie nécessaire pour tendre la main, de manière pastorale, aux victimes, aux prêtres accusés, à la communauté des fidèles et à la société en général. Toutes ces personnes requièrent une attention particulière, et l’évêque ou le supérieur religieux doit leur transmettre sa sollicitude pastorale, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de ses délégués. En tant que bergers du troupeau du Seigneur, nous ne devons pas sous-estimer la nécessité de nous confronter aux blessures profondes infligées aux victimes d’abus sexuels par des membres du clergé. Ce sont des blessures de nature psychologique et spirituelle qu’il faut soigner avec soin. Dans mes nombreuses rencontres avec les victimes à travers le monde, je me suis rendu compte que c’est une terre sacrée où nous rencontrons Jésus sur la Croix. C’est un Chemin de Croix que nous, évêques et autres responsables de l’Église, ne pouvons pas rater. Nous devons être Simon de Cyrène pour aider les victimes avec lesquelles Jésus s’identifie (Matt. 25), à porter leur lourde croix.
Enquêter sur les cas d’inconduite sexuelle
Selon le Motu Propio Sacramentorum Sanctitatis tutela, le résultat de l’enquête sur l’inconduite sexuelle de membres du clergé avec des mineurs de moins de 18 ans devrait être soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Dans ces cas, l’Ordinaire est autorisé par le droit canonique à appliquer des mesures de précaution (CIC 1722) limitant ou interdisant l’exercice du ministère. L’Ordinaire devrait consulter ses experts en droit canonique dans tous les cas d’inconduite sexuelle afin que le renvoi soit effectué au moment opportun et que des procédures appropriées soient adoptées au niveau local lorsque l’affaire n’est pas réservée au Saint-Siège (par exemple, en cas d’inconduite entre adultes consentants). Les experts aideront en outre l’Évêque ou le supérieur religieux à partager toutes les informations nécessaires avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et l’aideront à exprimer ses conseils ou le bien-fondé des allégations et des procédures à adopter. Il est conseillé que l’Ordinaire assure le suivi du cas auprès du Congrégation pour la Doctrine de la Foi. L’Évêque ou le supérieur religieux est le mieux placé pour discerner l’impact potentiel de l’issue de l’affaire sur sa communauté. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi prend au sérieux les conseils de l’Évêque et est toujours disponible pour discuter de cas individuels avec les autorités ecclésiastiques compétentes.
Procédures pénales canoniques
Dans la plupart des cas visés à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, une procédure pénale canonique est autorisée par le Saint-Siège. La majorité des procédures pénales canoniques sont de type extrajudiciaire ou administratif (CIC 1720). Les procédures pénales judiciaires sont autorisées dans un nombre moindre de cas. Dans les deux types de processus, l’Ordinaire a le devoir de nommer des délégués et des assesseurs ou des juges et des promoteurs de la justice prudents, possédant les qualifications académiques requises et reconnus pour leur sens de l’équité. Dans notre système, comme cela se passe actuellement, le rôle de la victime d’abus sexuel dans une procédure canonique est limité. La sollicitude pastorale de l’Ordinaire aidera à combler cette lacune.
La personne responsable de la Protection (des mineurs) dans le diocèse ou dans l’ordre religieux devrait pouvoir partager des informations sur le déroulement de la procédure avec la victime ou les victimes de l’affaire. Dans le processus pénal judiciaire, la victime a le droit d’intenter une action en dommages et intérêts devant le juge ecclésiastique de première instance. Dans le cas d’un processus pénal administratif, cette initiative devrait être prise par l’Ordinaire au nom de la victime, en demandant au Délégué d’accorder des dommages et intérêts en faveur de la victime, en tant que conséquence subalterne d’une décision de culpabilité éventuelle. L’essence d’une procédure équitable exige que l’accusé soit présenté avec tous les arguments et preuves à son encontre ; que l’accusé bénéficie pleinement du droit de présenter sa défense ; que ce jugement soit rendu sur la base des faits de la cause et de la loi applicable à la cause ; qu’un jugement ou une décision motivée soit communiqué par écrit à l’accusé et que celui-ci dispose d’un recours contre un jugement ou une décision lui causant un préjudice. Une fois que l’Ordinaire, suivant les instructions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, désigne un délégué et ses assesseurs dans le cadre d’une procédure administrative, ou désigne les membres du tribunal dans le cadre d’une procédure pénale, il devrait laisser les personnes désignées effectuer leur travail et s’abstenir de toute ingérence dans le processus. Il lui incombe toutefois de veiller à ce que le processus se déroule dans les meilleurs délais et conformément au droit canonique. Une procédure pénale canonique, qu’elle soit judiciaire ou administrative, aboutit à l’un des trois résultats possibles : une décision condamnatoire (lorsque la reus est reconnue coupable d’un délit canonique) ; une decisio dimissoria (cas où les accusations n’ont pas été prouvées) ; ou une decisio absolutoria (cas où l’accusé est déclaré innocent). Une decisio dimissoria peut créer un dilemme. L’Évêque ou le supérieur religieux peuvent encore être mal à l’aise de réaffecter l’accusé à un ministère dans un cas où les allégations sont crédibles mais le cas n’a pas été prouvé. Les conseils d’expert sont essentiels dans ces cas et l’Ordinaire devrait user de son autorité pour garantir le bien commun et assurer la protection effective des enfants et des jeunes.
Collaboration avec la juridiction civile
Un aspect essentiel de l’exercice de la gérance dans ces affaires est la bonne collaboration avec la juridiction civile. Nous parlons d’une méconduite qui est également un crime dans toutes les juridictions civiles.
La compétence des autorités de l’Etat devrait être respectée. Les lois sur les dénonciations doivent être scrupuleusement respectées et un esprit de collaboration sera bénéfique à la fois pour l’Église et pour la société en général. Les tribunaux civils ont compétence pour punir le crime et une autre juridiction pour accorder des dommages et intérêts, en vertu de lois concernant les affaires civiles. Les seuils civils ou les critères de preuve peuvent être différents de ceux appliqués dans les procédures canoniques. La différence de résultats pour le même cas n’est pas rare. Dans un certain nombre de procédures canoniques, les actes présentés ou produits au cours de procédures civiles sont présentés comme des éléments de preuve. Ceci se produit assez souvent dans les cas d’acquisition, de possession ou de divulgation de pornographie mettant en scène des mineurs où les autorités de l’État disposent de meilleurs moyens de détection, de surveillance et d’accès aux preuves. La différence entre les lois concernant le statut de limitations ou de prescription est un autre motif d’obtention de résultats divers dans une même affaire, jugée par des juridictions différentes. Le pouvoir de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de déroger à la prescription de vingt ans est toujours invoqué dans un certain nombre de cas historiques, mais il est vrai que cela ne devrait pas être la norme, mais plutôt l’exception. Selon la ratio legis, l’instauration de la vérité et la garantie de la justice supposent la possibilité d’exercer une compétence juridictionnelle en faveur du bien commun, même dans les cas où le crime a été commis depuis longtemps.
Mise en œuvre des décisions canoniques
L’Évêque et le supérieur religieux ont le devoir de superviser la mise en œuvre et l’exécution des résultats légitimes des procédures pénales. L’accusé doit avoir le droit aux recours prévus par la loi à l’encontre d’une décision qui pèse sur lui.
Une fois la phase d’appel épuisée, il est du devoir de l’Ordinaire d’informer la Communauté du résultat définitif du processus. Les décisions qui déclarent la culpabilité de l’accusé et la peine infligée doivent être appliquées sans délai.
Les décisions qui déclarent l’innocence de l’accusé devraient également recevoir la même attention. Nous savons tous qu’il est très difficile de rétablir la réputation d’un prêtre qui pourrait avoir été accusé injustement. La question du suivi dans ces cas concerne également les victimes trahies dans les aspects les plus fondamentaux et spirituels de leur personnalité et de leur être. Leurs familles sont également profondément touchées et toute la communauté devrait partager le fardeau de leur chagrin et progresser avec elles vers la guérison.
Les paroles de Benoît XVI aux évêques d’Irlande, le 28 octobre 2006, résonnent aujourd’hui de façon plus prophétique: « Dans l’exercice de votre ministère pastoral, au cours des dernières années, vous avez dû faire face à de nombreux cas douloureux d’abus sexuels sur des mineurs. Ces faits sont encore plus tragiques lorsque c’est un ecclésiastique qui les commet. Les blessures causées par de tels actes sont profondes, et la tâche de rétablir la confiance lorsqu’elle a été lésée est urgente. Dans vos efforts permanents pour affronter ce problème de manière efficace, il est important d’établir la vérité sur ce qui est arrivé par le passé, de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise à l’avenir, d’assurer que les principes de justice soient pleinement respectés et, surtout, de soutenir les victimes et tous ceux qui sont victimes de ces crimes monstrueux. De cette façon, l’Eglise qui est en Irlande se fortifiera et sera toujours davantage capable de rendre témoignage de la force rédemptrice de la Croix du Christ. Je prie afin que, par la grâce de l’Esprit Saint, ce temps de purification permette à tout le peuple de Dieu qui est en Irlande de ‘conserver et d’achever par leur vie cette sanctification qu’ils ont reçue’ (cf. Lumen gentium, n. 40).
L’excellent travail et le généreux engagement de la plupart des prêtres et des religieux en Irlande ne doivent pas être obscurcis par les transgressions de certains de leurs frères. Je suis certain que les personnes le comprennent et qu’elles continuent à considérer leur clergé avec affection et estime. Encouragez vos prêtres à rechercher toujours un renouveau spirituel et à découvrir à nouveau la joie de prendre soin de leur troupeau au sein de la grande famille de l’Eglise. »
La prévention des abus sexuels
Notre gestion devrait également englober la question urgente et à long terme de la prévention de l’inconduite sexuelle en général et de l’exploitation sexuelle des mineurs en particulier. Malgré le manque de candidats à la prêtrise dans certaines parties du monde, mais aussi dans le contexte d’une floraison des vocations chez les autres, la question de la sélection des futurs candidats reste essentielle. Les documents plus récents de la Congrégation pour le Clergé sur les programmes de formation humaine devraient être étudiés et mis en œuvre de manière approfondie. Pour citer le récent Ratio Fundamentalis (8 décembre 2016) : « La plus grande attention devra être portée à la question de la protection des mineurs et des adultes vulnérables, en veillant avec soin à ce que ceux qui demandent l’admission dans un séminaire ou une maison de formation, ou qui présentent déjà leur demande pour recevoir le sacrement de l’Ordre, ne soient en aucune façon impliqués dans des délits ou des situations problématiques dans ce domaine. Les formateurs devront assurer un accompagnement personnel, spécial et adapté, en faveur de ceux qui auraient subi des expériences douloureuses en la matière.
Dans le programme des formations initiale et permanente, il faut insérer des cours spécifiques ou des séminaires sur la protection des mineurs. Une information adéquate doit être donnée de façon adaptée avec une insistance particulière sur les possibilités d’exploitation ou de violence, comme, par exemple, la traite des mineurs, le travail des enfants, les abus sexuels sur les mineurs ou sur les adultes vulnérables. » (n. 202).
Une compréhension juste et équilibrée des exigences du célibat et de la chasteté sacerdotales devrait être étayée par une formation profonde et saine à la liberté humaine et à une saine doctrine morale. Les candidats à la prêtrise et à la vie religieuse devraient s’épanouir et grandir dans cette paternité spirituelle qui devrait rester la motivation de base pour le don généreux de soi-même à la communauté de foi, à l’exemple de Jésus le Bon Pasteur.
L’Évêque et le supérieur religieux doivent exercer leur paternité spirituelle vis-à-vis des prêtres qui leur sont confiés.
Cette paternité est accomplie par un accompagnement avec l’aide de prêtres prudents et saints. La prévention est mieux servie quand les protocoles sont clairs et les codes de conduite bien connus. La réaction à une inconduite devrait être juste et impartiale. Les résultats devraient être clairs dès le départ. Il incombe avant tout à l’Ordinaire de garantir et de promouvoir le bien-être personnel, physique, mental et spirituel de ses prêtres. Les documents du magistère sur cette question soulignent la nécessité d’une formation permanente ainsi que d’événements et de structures de fraternité dans le presbyterium.
Un bon responsable habilitera sa communauté par l’information et la formation. Il existe déjà des exemples de meilleures pratiques dans un certain nombre de pays où des communautés paroissiales entières ont été formées à la prévention. Cette expérience positive et valable doit croître en accessibilité et en extension dans le monde entier. Un autre service offert à la communauté est la disponibilité immédiate d’un accès convivial aux mécanismes de signalement, de sorte qu’une culture de la divulgation ne soit pas seulement promue par des mots, mais également encouragée par des actes. Les protocoles de protection devraient être facilement accessibles dans un langage clair et direct. La communauté religieuse sous notre responsabilité doit savoir que nous sommes sérieux. Ils devraient nous connaître en tant qu’amis de leur sécurité et de celle de leurs enfants et de leurs jeunes. Nous les impliquerons avec franchise et humilité. Nous protègeront à tout prix. Nous donnerons nos vies pour les troupeaux qui nous sont confiés.
Un autre aspect de la gestion de la prévention est la sélection et la présentation du candidat à la mission d’évêque. Beaucoup exigent que le processus soit plus ouvert à la participation des laïcs de la communauté. Nous, évêques et supérieurs religieux, avons le devoir sacré d’aider le Saint-Père à bien discerner les éventuels candidats à la responsabilité d’évêque. Cacher ou sous-estimer des faits susceptibles d’indiquer des déficiences dans le style de vie ou la paternité spirituelle de prêtres soumis à une enquête pontificale sur leur aptitude à assumer la charge épiscopale est un grave péché contre l’intégrité du ministère épiscopal.
À ce stade, je voudrais faire une autre citation de la Lettre du pape Benoît XVI au peuple de Dieu en Irlande, le 19 mars 2010, adressée expressément aux évêques à cette occasion: « On ne peut pas nier que certains d’entre vous et de vos prédécesseurs ont manqué, parfois gravement, dans l’application des normes du droit canonique codifiées depuis longtemps en ce qui concerne les crimes d’abus sur les enfants. De graves erreurs furent commises en traitant les accusations. Je comprends combien il était difficile de saisir l’étendue et la complexité du problème, d’obtenir des informations fiables et de prendre des décisions justes à la lumière de conseils divergents d’experts. Malgré cela, il faut admettre que de graves erreurs de jugement furent commises et que des manquements dans le gouvernement ont eu lieu. Tout cela a sérieusement miné votre crédibilité et votre efficacité. J’apprécie les efforts que vous avez accomplis pour porter remède aux erreurs du passé et pour assurer qu’elles ne se répètent pas. Outre la pleine mise en œuvre des normes du droit canonique en affrontant les cas d’abus sur les enfants, continuez à coopérer avec les autorités civiles dans le domaine de leur compétence. Les supérieurs religieux doivent clairement en faire tout autant. Ils ont, eux aussi, participé aux rencontres récentes, ici à Rome, pour établir une approche claire et cohérente de ces questions. Il est nécessaire que les normes de l’Eglise en Irlande pour la protection des enfants soient constamment revues et mises à jour et qu’elles soient appliquées de manière totale et impartiale, conformément au droit canonique.
Seule une action ferme menée de manière pleinement honnête et transparente pourra rétablir le respect et l’affection des Irlandais envers l’Eglise, à laquelle nous avons consacré notre vie. Cela doit naître, avant tout, de l’examen de vos propres personnes, de la purification intérieure et du renouveau spirituel. La population irlandaise attend à juste titre que vous soyez des hommes de Dieu, que vous soyez saints, que vous viviez avec simplicité, que vous recherchiez chaque jour la conversion personnelle. Pour elle, selon l’expression de saint Augustin, vous êtes des évêques, et pourtant avec eux vous êtes appelés à être des disciples du Christ (cf. Sermon 340, 1). Je vous exhorte donc à renouveler votre sens des responsabilités devant Dieu, à grandir dans la solidarité avec votre peuple et à approfondir votre sollicitude pastorale pour tous les membres de votre troupeau. Soyez en particulier sensibles à la vie spirituelle et morale de chacun de vos prêtres. Soyez un exemple à travers vos vies elles-mêmes, soyez proches d’eux, écoutez leurs préoccupations, offrez-leur votre encouragement en ce moment de difficulté et nourrissez la flamme de leur amour pour le Christ et leur engagement dans le service de leurs frères et sœurs.
Les laïcs doivent eux aussi être encouragés à jouer leur rôle dans la vie de l’Eglise. Faites en sorte qu’ils soient formés de telle manière qu’ils puissent rendre raison, de manière articulée et convaincante, de l’Evangile dans la société moderne (cf. 1 P 3, 15), et qu’ils coopèrent plus pleinement à la vie et à la mission de l’Eglise. Cela vous aidera également à recommencer à être des guides et des témoins crédibles de la vérité rédemptrice du Christ » (n.11).
Conclusion
Comme l’a écrit le Pape François dans sa Lettre au peuple de Dieu (20 août 2018) : « Il est essentiel que, comme Eglise, nous puissions reconnaître et condamner avec douleur et honte les atrocités commises par des personnes consacrées, par des membres du clergé, mais aussi par tous ceux qui ont la mission de veiller sur les plus vulnérables et de les protéger. Demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaitre les erreurs, les méfaits et les blessures générés dans le passé et nous donne de nous ouvrir et de nous engager davantage pour le présent sur le chemin d’une conversion renouvelée. »
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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