« Nous sommes des mendiants qui risquent en chemin de ne jamais trouver complètement ce trésor qu’ils cherchent depuis le premier jour de leur vie : l’amour », or, « cette faim d’amour » c’est « une invitation à connaître Dieu qui est père », explique le pape François.
Le pape François a poursuivi son parcours de catéchèse sur la prière du « Notre Père » au cours de l’audience générale de ce mercredi matin 20 février 2019, qui s’est exceptionnellement déroulée en deux moments distincts. À 9h10, dans la Basilique Saint-Pierre, le pape François a reçu les participants au pèlerinage de l’archidiocèse de Bénévent. Puis il a rencontré les groupes de pèlerins et de fidèles venus d’Italie et du monde entier dans la Salle Paul VI, à 9h45 pour la catéchèse hebdomadaire, retransmise en direct dans la basilique vaticane.
« Les hommes et les femmes sont éternellement des mendiants d’amour », affirme le pape François, « ils cherchent un lieu où être enfin aimés, mais ils ne le trouvent pas ». En effet, explique-t-il, bien que « désireux d’aimer », « nous avons tous l’expérience » de « nos limites » et de « la pauvreté de nos forces ».
Face aux « amitiés » et aux « amours déçus » de notre monde, poursuit le pape, « il existe un autre amour, celui du Père “qui est aux cieux”. Personne ne doit douter d’être le destinataire de cet amour ».
Cet amour n’est pas « lointain », mais « radicalement différent », c’est « un amour qui ne se lasse pas, un amour qui durera toujours, ou plutôt qui est toujours à portée de main ». Et le pape de conclure : « tu es l’enfant bienaimé de Dieu » et « rien dans la vie ne peut éteindre son amour passionné pour toi », insiste le pape.
Voici notre traduction de la catéchèse en italien du pape François.
HG
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
L’audience de ce jour se déroule en deux lieux. J’ai d’abord eu une rencontre avec les fidèles de Bénévent, qui étaient dans Saint-Pierre, et maintenant avec vous. Et ceci est dû à la délicatesse de la Préfecture de la Maison pontificale qui ne voulait pas que vous preniez froid : nous les remercions pour ce geste. Merci.
Nous continuons les catéchèses sur le « Notre Père ». Le premier pas de toute prière chrétienne est l’entrée dans un mystère, celui de la paternité de Dieu. On ne peut pas prier comme des perroquets. Soit tu entres dans le mystère, en étant conscient que Dieu est ton Père, soit tu ne pries pas. Si je veux prier Dieu mon Père, j’aborde un mystère. Pour comprendre dans quelle mesure Dieu est pour nous un père, nous pensons aux figures de nos parents, mais nous devons toujours, dans une certaine mesure, « les affiner », les purifier. C’est aussi ce que dit le Catéchisme de l’Église catholique, qui affirme ceci : « La purification du cœur concerne les images paternelles et maternelles, issues de notre histoire ».
Parmi nous, personne n’a eu des parents parfaits, personne ; comme nous, à notre tour, nous ne serons jamais des parents ou des pasteurs parfaits. Nous avons tous des défauts, tous. Nos relations d’amour, nous les vivons toujours marquées par nos limites et aussi par notre égoïsme, et c’est pour cela qu’elles sont souvent polluées par des désirs de possession ou de manipulation de l’autre. C’est pourquoi, parfois, les déclarations d’amour se transforment en sentiments de colère ou d’hostilité. Mais regarde, ces deux-là s’aimaient beaucoup la semaine dernière, aujourd’hui ils se haïssent à mort : cela, nous le voyons tous les jours ! C’est pour cette raison, parce que nous avons tous des racines amères en nous, qui ne sont pas bonnes et qui parfois sortent et font du mal.
Voilà pourquoi, quand nous parlons de Dieu comme « père », tout en pensant à l’image de nos parents, surtout s’ils nous ont aimés, nous devons en même temps aller au-delà. Parce que l’amour de Dieu est celui du Père « qui est aux cieux », selon l’expression que Jésus nous invite à employer : c’est l’amour total qu’en cette vie nous goûtons seulement d’une manière imparfaite.
Les hommes et les femmes sont éternellement des mendiants d’amour – nous sommes des mendiants d’amour, nous avons besoin d’amour – ils cherchent un lieu où être enfin aimés, mais ils ne le trouvent pas. Combien d’amitiés et combien d’amours déçus dans notre monde ! Il y en a tant !
Le dieu grec de l’amour, dans la mythologie, est le plus tragique qui soit : on ne comprend pas s’il s’agit d’un être angélique ou d’un démon. La mythologie dit qu’il est le fils de Poros et de Pénia, c’est-à-dire de la ruse et de la pauvreté, destiné à porter en lui un peu de la physionomie de ces parents. À partir de là nous pouvons penser à la nature ambivalente de l’amour humain : capable de fleurir et de vivre de manière irrésistible à une heure du jour et aussitôt après de se faner et de mourir ; ce qu’il saisit lui échappe toujours plus (cf. Platon, Le Banquet, 203). Il y a une expression du prophète Osée qui cerne sans pitié la faiblesse congénitale de notre amour : « Votre fidélité, une brume du matin, une rosée d’aurore qui s’en va » (6,4). Voilà ce qu’est souvent notre amour : une promesse que l’on peine à maintenir, une tentative qui se dessèche et s’évapore aussitôt, un peu comme lorsqu’au matin le soleil se lève et qu’il emporte la rosée de la nuit.
Combien souvent nous, les hommes, avons-nous aimé de cette manière si faible et intermittente. Nous en avons tous l’expérience : nous avons aimé mais ensuite cet amour est tombé ou s’est affaibli. Désireux d’aimer, nous nous sommes ensuite confrontés à nos limites, à la pauvreté de nos forces : incapables de maintenir une promesse qui, aux jours de grâce, nous semblait facile à réaliser. Au fond, l’apôtre Pierre aussi a eu peur et a dû fuir. L’apôtre Pierre n’a pas été fidèle à l’amour de Jésus. Il y a toujours cette faiblesse qui nous fait tomber. Nous sommes des mendiants qui risquent en chemin de ne jamais trouver complètement ce trésor qu’ils cherchent depuis le premier jour de leur vie : l’amour.
Mais il existe un autre amour, celui du Père « qui est aux cieux ». Personne ne doit douter d’être le destinataire de cet amour. Il nous aime. « Il m’aime », pouvons-nous dire. Si même notre père et notre mère ne nous avaient pas aimés – une hypothèse historique – il y a un Dieu dans les cieux qui nous aime comme personne sur cette terre ne l’a jamais fait et ne pourra jamais le faire. L’amour de Dieu est constant. Le prophète Isaïe affirme : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains » (49,15-16). Aujourd’hui, le tatouage est à la mode : « je t’ai gravé sur les paumes de mes mains ». J’ai fait un tatouage de toi sur mes mains. Je suis dans les mains de Dieu, comme cela, et je ne peux pas l’enlever. L’amour de Dieu est comme l’amour d’une mère qui ne peut jamais oublier. Et si une mère oublie ? « Moi, je n’oublierai pas », dit le Seigneur. Cela, c’est l’amour parfait de Dieu, nous sommes aimés par lui comme cela. Même si tous nos amours terrestres s’effritaient et qu’il ne reste que de la poussière dans nos mains, il y a toujours pour chacun de nous, ardent, l’amour unique et fidèle de Dieu.
Dans cette faim d’amour que nous éprouvons tous, ne cherchons pas quelque chose qui n’existe pas : cette faim est au contraire une invitation à connaître Dieu qui est père. La conversion de saint Augustin, par exemple, est passée par cette crête : le jeune et brillant orateur cherchait simplement chez les créatures quelque chose qu’aucune créature ne pouvait lui donner, jusqu’à ce qu’un jour il ait le courage d’élever son regard. Et ce jour-là il connut Dieu. Dieu qui aime.
L’expression “aux cieux” ne veut pas exprimer un éloignement, mais une diversité radicale de l’amour, une autre dimension de l’amour, un amour qui ne se lasse pas, un amour qui durera toujours, ou plutôt qui est toujours à portée de main. Il suffit de dire : « Notre Père qui es aux cieux » et cet amour vient. C’est pourquoi ne craignez pas ! Aucun d’entre nous n’est seul. Même si, par malheur, ton père terrestre t’avait oublié et que tu aies de la rancœur contre lui, l’expérience fondamentale de la foi chrétienne ne t’est pas refusée : celle de savoir que tu es l’enfant bienaimé de Dieu et que rien dans la vie ne peut éteindre son amour passionné pour toi.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat