Rencontre avec jeunes et personnes âgées, 23 oct. 2018 © Vatican Media

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Synode: comment être heureux dans ce marché de l’apparence ? Un geste

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Le pape en dialogue avec des jeunes et des personnes âgées (1/6)

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« Comment être heureux dans ce marché de la compétition, dans ce marché de l’apparence ? » Le pape François recommande « un geste » : « la main tendue et ouverte ».
Le pape a ainsi répondu à la question d’une jeune Italienne, lors d’une rencontre avec des jeunes et des personnes âgées, à l’occasion de la sortie du livre « La Sagesse du Temps », où 250 seniors du monde entier livrent leurs histoires de vie.
Lors de l’évenement qui a eu lieu à l’Institut à Augustinianum de Rome, le pape a échangé avec des jeunes et des personnes âgées, soulignant notamment : « Dans la vie, si tu ne prends pas de risques, tu ne seras jamais, jamais mûre, tu ne diras jamais une prophétie, tu auras seulement l’illusion d’accumuler pour avoir une sécurité. C’est une culture du déchet, mais pour ceux qui ne se sentent pas rejetés, c’est la culture de la sécurité : avoir toutes les sécurités possibles pour être bien. »

Dialogue du pape avec des jeunes et des personnes âgées (1/6)

Federica Ancona, Italie, 26 ans

Pape François, aujourd’hui, nous, les jeunes, nous sommes toujours exposés à des modèles de vie qui expriment une vision « jeter après usage », celle que vous appelez la « culture du déchet ». Il me semble que la société, aujourd’hui, nous pousse à vivre une forme d’individualisme qui finit ensuite dans la compétition. On ne me demande pas de donner le meilleur de moi-même, mais d’être toujours meilleur que les autres. Mais j’ai l’impression que si l’on tombe dans ce mécanisme, on finit par se sentir un raté. Quelle est alors la voie du bonheur ? Comment faire pour vivre une vie heureuse ? Comment pouvons-nous, nous, les jeunes, regarder en nous-mêmes et comprendre ce qui est vraiment important ? Comment pouvons-nous, nous, les jeunes, créer des relations véritables et authentiques quand tout autour de nous semble faux, en plastique ? Merci, Saint-Père.

Pape François

« Faux et en plastique » : c’est la culture du maquillage, ce qui compte, ce sont les apparences ; ce qui compte, c’est le succès personnel, y compris au prix de piétiner la tête de l’autre, de poursuivre cette compétition, comme tu le dis – j’ai ici les questions écrites, pour ne pas me perdre. Et ta question est : comment être heureux dans ce marché de la compétition, dans ce marché de l’apparence ? Tu n’as pas dit le mot, mais je me permets de le dire : dans ce marché de l’hypocrisie ; je le dis, non pas dans le sens moral, mais dans le sens psychologique et humain : paraître ce qui n’existe pas à l’intérieur, on paraît d’une manière, mais à l’intérieur, c’est le vide, par exemple, ou c’est l’anxiété d’arriver, n’est-ce pas ?

Là-dessus il me vient à l’esprit de te dire un geste, un geste pour expliquer ce que je veux te dire par ma réponse. Le geste est celui-ci : la main tendue et ouverte. La main de la compétition est fermée et elle prend : toujours prendre, accumuler, bien souvent au prix fort, au risque d’anéantir les autres, par exemple, au risque de mépriser l’autre mais… c’est cela la compétition ! Le geste de l’anti-compétition est celui-ci : s’ouvrir. Et s’ouvrir en marchant. La compétition, en général, est arrêtée : elle fait ses calculs, bien souvent inconsciemment, mais elle est arrêtée, elle ne s’implique pas ; elle fait des calculs mais elle ne s’implique pas.

En revanche, la maturation d’une personnalité se produit toujours en chemin, elle s’implique. Pour le dire par une expression commune : elle se salit les mains. Pourquoi ? Parce qu’elle a la main tendue pour saluer, pour embrasser, pour recevoir. Et cela me fait penser à ce que disent les saints, et même Jésus : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ». Contre cette culture qui anéantit les sentiments, il y a le service, servir. Et tu verras que les gens plus mûrs, les jeunes plus mûrs – mûrs dans le sens de développés, sûrs d’eux, souriants, avec le sens de l’humour – sont ceux qui ont les mains ouvertes, en marche, avec le service.

Et l’autre mot : ils prennent des risques. Dans la vie, si tu ne prends pas de risques, tu ne seras jamais, jamais mûre, tu ne diras jamais une prophétie, tu auras seulement l’illusion d’accumuler pour avoir une sécurité. C’est une culture du déchet, mais pour ceux qui ne se sentent pas rejetés, c’est la culture de la sécurité : avoir toutes les sécurités possibles pour être bien. Et il me vient à l’esprit cette parabole de Jésus : l’homme riche qui avait eu une récolte si grande qu’il ne savait pas où mettre son grain. Et il dit : « Je vais faire des greniers plus grands et je serai en sécurité ». La sécurité pour toute sa vie. Et Jésus dit que cette histoire se termine comme ceci : « Tu es fou ; cette nuit-même, tu vas mourir » (cf. Lc 12,16-21).

La culture de la compétition ne regarde jamais la fin ; elle regarde le but qu’elle s’est proposé dans son cœur : arriver, grimper, à tout prix, mais toujours en marchant sur des têtes. En revanche, la culture de la coexistence, de la fraternité est une culture du service, une culture qui s’ouvre et se salit les mains. Voilà le geste. Je ne sais pas, je ne veux pas me répéter mais je crois que c’est la réponse essentielle à ta question. Tu veux être sauvée de cette culture qui te fait sentir une ratée, de cette culture de la compétition, de la culture du déchet, vivre une vie heureuse ? Ouvre : le geste de la main toujours tendue comme cela, le sourire, en marche, jamais assise, toujours en marche, salis-toi les mains. Et tu seras heureuse. Je ne sais pas, c’est ce qui me vient à l’esprit.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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