« Trouver l’original de la vie, pas la copie », c’est le défi que lance le pape François. « Jésus n’offre pas de succédané, mais la vraie vie, le vrai amour, la vraie richesse », explique-t-il en poursuivant : « Comment les jeunes pourront-ils nous suivre dans la foi s’ils ne nous voient pas choisir l’original, s’ils nous voient habitués aux demi-mesures ? C’est triste de trouver des chrétiens de la demi-mesure ».
Le pape François a lancé un nouveau cycle de catéchèses sur le thème des Commandements, lors de l’audience générale qui s’est déroulée ce mercredi 13 juin 2018, sur la Place Saint-Pierre, devant une grande foule de pèlerins et de fidèles venus de toute l’Italie et du monde entier. Il a centré cette première catéchèse sur « le désir d’une vie pleine ».
Le pape s’est en particulier tourné vers les jeunes : « Combien de jeunes cherchent à « vivre » et puis se détruisent en allant derrière des choses éphémères ! », a-t-il déploré. C’est pourquoi « il faut demander à notre Père céleste pour les jeunes d’aujourd’hui le don d’une saine inquiétude », car « la vie du jeune consiste à avancer, à être inquiet, la saine inquiétude, la capacité de ne pas se contenter d’une vie sans beauté, sans couleur ».
Voici notre traduction de la catéchèse du pape François.
HG
Catéchèse en italien du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, c’est la fête de saint Antoine de Padoue. Qui parmi vous s’appelle Antoine ? On applaudit tous les Antoine ! Nous commençons aujourd’hui un nouvel itinéraire de catéchèses sur le thème des commandements. Les commandements de la loi de Dieu. Pour l’introduire, nous partons du passage que nous venons d’écouter : la rencontre entre Jésus et un homme – c’est un jeune – qui, à genoux, lui demande comment pouvoir hériter de la vie éternelle (cf. Mc 10, 17-21). Et dans cette question, se trouve le défi de toute existence, et donc la nôtre : le désir d’une vie pleine, infinie. Mais comment faire pour y arriver ? Quel sentier parcourir ? Vivre pour de vrai, vivre une existence noble… Combien de jeunes cherchent à « vivre » et puis se détruisent en allant derrière des choses éphémères !
Certains pensent qu’il vaut mieux éteindre cette impulsion – l’impulsion pour vivre – parce que c’est dangereux. Je voudrais dire, surtout aux jeunes : notre pire ennemi, ce ne sont pas les problèmes concrets, aussi sérieux et dramatiques soient-ils : le plus grand danger de notre vie est un mauvais esprit d’adaptation qui n’est ni douceur ni humilité, mais médiocrité, pusillanimité.1 Un jeune médiocre est-il un jeune avec un avenir ou non ? Non ! Il reste là, il ne grandit pas, il n’aura pas de succès. La médiocrité ou la pusillanimité. Ces jeunes qui ont peur de tout : « Non, je suis comme cela… » Ces jeunes n’avanceront pas. Douceur, force et pas de pusillanimité, pas de médiocrité. Le bienheureux Pier Giorgio Frassati – qui était un jeune – disait qu’il faut vivre et ne pas vivoter.2 Les médiocres vivotent. Vivre avec la force de la vie. Il faut demander à notre Père céleste pour les jeunes d’aujourd’hui le don d’une saine inquiétude. Mais à la maison, dans vos maisons, dans chaque famille, quand on voit un jeune qui reste assis toute la journée, parfois maman et papa pensent : « Mais il est malade, il a quelque chose » et ils l’emmènent chez le médecin. La vie du jeune consiste à avancer, à être inquiet, la saine inquiétude, la capacité de ne pas se contenter d’une vie sans beauté, sans couleur. Si les jeunes ne sont pas affamés d’une vie authentique, je m’interroge, où ira l’humanité ? Où ira l’humanité avec des jeunes tranquilles au lieu d’être inquiets ?
La question de l’homme de l’Évangile, que nous avons entendue, est à l’intérieur de chacun de nous : comment se trouve la vie, la vie en abondance, le bonheur ? Jésus répond : « Tu connais les commandements » (v.19) et il cite une partie du Décalogue. C’est un processus pédagogique, par lequel Jésus veut guider vers un lieu précis ; en effet, il est déjà clair, à partir de sa question, que cet homme n’a pas une vie pleine, il cherche davantage, il est inquiet. Que doit-il donc comprendre ? Il dit : « Maître, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse » (v.20).
Comment passe-t-on de la jeunesse à la maturité ? Quand on commence à accepter ses limites. On devient adulte quand on relativise et que l’on prend conscience de « ce qui manque » (cf. v.21). Cet homme est contraint à reconnaître que tout ce qu’il peut « faire » ne dépasse pas le plafond, ne pas pas au-delà d’une certaine limite.
Comme il est beau d’être des hommes et des femmes ! Comme notre existence est précieuse. Et pourtant, il y a une vérité que l’homme a souvent refusée, dans l’histoire de ces derniers siècles, avec des conséquences tragiques : la vérité de ses limites.
Dans l’Évangile, Jésus dit quelque chose qui peut nous aider : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir » (Mt 5, 17). Le Seigneur Jésus offre l’accomplissement, il est venu pour cela. Cet homme devait arriver au seuil d’un saut, où s’ouvre la possibilité d’arrêter de vivre de soi, de ses œuvres, de ses biens et – justement parce qu’il manque une vie pleine – de laisser tout pour suivre le Seigneur.3 À bien regarder, dans l’invitation finale de Jésus – immense, merveilleuse – il n’y a pas la proposition de la pauvreté, mais de la richesse, la vraie : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » (v.21).
Qui, pouvant choisir entre un original et une copie, choisirait la copie ? Voilà le défi : trouver l’original de la vie, pas la copie. Jésus n’offre pas de succédané, mais la vraie vie, le vrai amour, la vraie richesse ! Comment les jeunes pourront-ils nous suivre dans la foi s’ils ne nous voient pas choisir l’original, s’ils nous voient habitués aux demi-mesures ? C’est triste de trouver des chrétiens de la demi-mesure, des chrétiens – je me permets la parole – « nains » ; ils grandissent jusqu’à une certaine stature et puis non ; des chrétiens au cœur rabougri, fermé. C’est triste quand on trouve cela. Il faut l’exemple de quelqu’un qui m’invite à un « au-delà », à un « plus », à grandir un peu. Saint Ignace l’appelait le « magis », « le feu, la ferveur de l’action, qui secoue ceux qui sont endormis ».4
La voie de ce qui manque passe par ce qu’il y a. Jésus n’est pas venu abolir la loi ou les prophètes mais pour les accomplir. Nous devons partir de la réalité pour faire le saut dans « ce qui manque ». Nous devons scruter l’ordinaire pour nous ouvrir à l’extraordinaire.
Dans ces catéchèses, nous prendrons les deux tables de Moïse en chrétiens, en nous tenant à Jésus par la main, pour passer des illusions de la jeunesse au trésor qui est au ciel, en marchant derrière lui. Nous découvrirons, dans chacune de ces lois, anciennes et sages, la porte ouverte du Père qui est dans les cieux pour que le Seigneur Jésus, qui l’a franchie, nous conduise à la vraie vie. Sa vie. La vie des enfants de Dieu.
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[1] Les Pères parlent de pusillanimité (oligopsychìa). Saint Jean Damascène la définit comme « la peur d’accomplir une action » (Exposition exacte de la foi orthodoxe, II,15) et saint Jean Climaque ajoute « que la pusillanimité est une disposition puérile dans une âme qui n’est plus jeune » (L’échelle, XX, 1,2).
[2] Cf. Lettera à Isidoro Bonini, 27 février 1925.
[3] « L’œil a été créé pour la lumière, l’oreille pour les sons, chaque chose pour sa fin et le désir de l’âme pour s’élancer vers le Christ » (Nicola Cabasilas, La vie dans le Christ, II, 90).
[4] Discours à la XXXVI Congrégation générale de la Compagnie de Jésus, 24 octobre 2016 : « Il s’agit de ‘magis’, de ce ‘plus’ qui pousse Ignace à initier des processus, à les accompagner et à évaluer leur réelle incidence dans la vie des personnes, en matière de foi, ou de justice, ou de miséricorde et de charité ».
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Audience 13/6/2018 © Vatican News
Audience: "Trouver l’original" de la vie, pas une copie (traduction complète)
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