Missionnaires de la miséricorde 10/04/2018 © Vatican Media

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Les consignes du pape François aux Missionnaires de la Miséricorde (2ème partie)

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La miséricorde prend par la main celui qui se sent seul et abandonné

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« Le péché est d’abandonner Dieu, de lui tourner le dos pour ne regarder que soi-même », a rappelé le pape. « Une dramatique confiance en soi, qui fait des fissures de tous côtés et qui n’est pas en mesure d’apporter stabilité et consistance à la vie. Nous savons que c’est l’expérience quotidienne que nous vivons les premiers. »
Le pape François a reçu plus de 550 Missionnaires de la Miséricorde, venant des cinq continents, ce mardi 10 avril 2018, dans la Salle Regia du Palais apostolique du Vatican (cf. Discours du pape François, 1ère partie). Les Missionnaires de la Miséricorde sont plus de 1000 dans le monde et ils ont été choisis par le pape, sur la base du volontariat, pour le Jubilé de la miséricorde.
La certitude que Dieu ne nous abandonnera jamais, a poursuivi le pape, « est typique de l’amour que nous sommes appelés à soutenir chez ceux qui s’approchent du confessionnal, pour leur donner la force de croire et d’espérer ». Et de conclure : « Chaque fois Dieu prend par la main et pousse à regarder devant soi. La miséricorde prend par la main et donne la certitude que l’amour par lequel Dieu aime est vainqueur de toute forme de solitude et d’abandon ».
Voici notre traduction de la 2ème partie du discours du pape François, prononcé en italien.
HG
Discours du pape François (2ème partie)
Je reviens aux paroles d’Isaïe. Nous y trouvons aussi les sentiments de Jérusalem qui se sent abandonnée et oubliée par Dieu. « Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée. » Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas » (49, 13-15). D’un côté, ce reproche adressé au Seigneur, d’avoir abandonné Jérusalem et son peuple, semble étrange. Bien plus fréquemment, on lit dans les prophètes que c’est le peuple qui a abandonné le Seigneur. Jérémie est très clair à ce sujet quand il dit : « Oui, mon peuple a commis un double méfait : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! » (2,13) Le péché est d’abandonner Dieu, de lui tourner le dos pour ne regarder que soi-même. Une dramatique confiance en soi, qui fait des fissures de tous côtés et qui n’est pas en mesure d’apporter stabilité et consistance à la vie. Nous savons que c’est l’expérience quotidienne que nous vivons les premiers. Et pourtant, il y a des moments où l’on sent réellement le silence et l’abandon de Dieu. Pas seulement dans les grandes heures obscures de l’humanité de toutes les époques, qui font jaillir chez beaucoup la question sur l’abandon de Dieu. Je pense maintenant à la Syrie d’aujourd’hui, par exemple. Il arrive qu’aussi dans les événements personnels, même chez les saints, on puisse faire l’expérience de l’abandon.
Quelle triste expérience que celle de l’abandon ! Elle a différents degrés, jusqu’au détachement définitif en raison de l’approche de la mort. Se sentir abandonné pousse à la déception, à la tristesse, parfois au désespoir et aux différentes formes de dépression dont tant de personnes souffrent aujourd’hui. Et pourtant, toute forme d’abandon, aussi paradoxale qu’elle puisse paraître, est insérée à l’intérieur de l’expérience de l’amour. Quand on aime et qu’on fait l’expérience de l’abandon, alors l’épreuve devient dramatique et la souffrance possède des traits de violence inhumaine. S’il n’est pas inséré dans l’amour, l’abandon devient privé de sens et tragique, parce qu’il ne trouve pas d’espérance.  Il est donc nécessaire que ces expressions du prophète sur l’abandon de Jérusalem par Dieu soient situées dans la lumière du Golgotha. Le cri de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34) donne la parole à l’abîme de l’abandon. Mais le Père ne lui répond pas. Les paroles du Crucifié semblent résonner dans le vide, parce que ce silence du Père à l’égard de son Fils est le prix à payer pour que personne ne se sente plus abandonné par Dieu. Le Dieu qui a aimé le monde au point de donner son Fils (cf. Jn 3,16), au point de l’abandonner sur la croix, ne pourra jamais abandonner personne : son amour sera toujours là, proche, plus grand et plus fidèle que tout abandon.
Après avoir répété que Dieu n’oubliera pas son peuple, Isaïe conclut en affirmant : « Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains » (49,16). Incroyable : Dieu a « tatoué » mon nom sur sa main. C’est comme un sceau qui me donne la certitude, avec lequel il me promet qu’il ne s’éloignera jamais de moi. Je suis toujours devant lui ; chaque fois que Dieu regarde sa main, il se souvient de moi, parce qu’il y a gravé mon nom ! Et nous n’oublions pas que, pendant que le prophète écrit, Jérusalem est réellement détruite ; le temple n’existe plus ; le peuple est esclave en exil. Et pourtant, le Seigneur dit : « j’ai toujours tes remparts devant les yeux » (ibid.). Sur la paume de la main de Dieu, les remparts de Jérusalem sont solides, comme une forteresse imprenable. L’image vaut aussi pour nous : tandis que la vie se détruit sous l’illusion du péché, Dieu maintient vivant son salut et vient à notre rencontre par son aide. Sur sa main paternelle, je retrouve ma vie renouvelée et projetée vers l’avenir, comblée de l’amour que lui seul peut réaliser. Il nous revient aussi en mémoire le livre de l’amour, le Cantique des Cantiques, où nous trouvons une expression semblable à celle rappelée par le prophète : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras » (8,6). Comme on le sait, la fonction du sceau était d’empêcher que quelque chose d’intime puisse être violé ; dans la culture antique, c’était une image pour indiquer que l’amour entre deux personnes était tellement solide et stable qu’il continuait au-delà de la mort. Continuité et pérennité sont à la base de l’image du sceau que Dieu a mis sur lui-même pour empêcher que quelqu’un puisse penser être abandonné par lui : « Je ne t’oublierai jamais » (Is 49,15). Sceau. Tatouage.
Et je termine. Cette certitude est typique de l’amour que nous sommes appelés à soutenir chez ceux qui s’approchent du confessionnal, pour leur donner la force de croire et d’espérer. La capacité de savoir recommencer à zéro, malgré tout, parce que chaque fois Dieu prend par la main et pousse à regarder devant soi. La miséricorde prend par la main et donne la certitude que l’amour par lequel Dieu aime est vainqueur de toute forme de solitude et d’abandon. De cette expérience, qui insère dans une communauté qui accueille tout le monde et toujours sans aucune distinction, qui soutient celui qui est dans le besoin et dans les difficultés, qui vit la communion comme source de vie, les Missionnaires de la Miséricorde sont appelés à être les interprètes et les témoins.
Pendant ces dernières semaines, j’ai été particulièrement frappé par une prière du temps de carême (Mercredi de la IVème semaine) qui, d’une certaine manière, semble faire la synthèse de ces réflexions. Je la partage avec vous, pour que nous puissions en faire notre prière et notre style de vie :
O Père, qui donne la récompense aux justes
et ne refuse pas le pardon aux pécheurs repentis,
écoute notre prière :
que l’humble confession de nos fautes
nous obtienne ta miséricorde.
Amen.
Et je voudrais terminer par deux anecdotes de deux grands confesseurs, tous deux à Buenos Aires. L’un deux, un père du Saint-Sacrement qui avait eu des travaux importants dans sa congrégation, a été provincial, mais il trouvait toujours du temps pour aller au confessionnal. Je ne sais pas combien ils étaient mais la majorité du clergé de Buenos Aires allait se confesser à lui. Et même quand saint Jean-Paul II était à Buenos Aies et qu’il a demandé un confesseur, c’est lui que la nonciature a appelé. C’était un homme qui te donnait le courage d’aller de l’avant. J’en ai fait l’expérience parce que je me suis confessé à lui à l’époque où j’étais provincial, pour ne pas le faire avec mon directeur jésuite… Quand il commençait : « bien, bien, porte-toi bien » et il t’encourageait : « Va, va ! ». Comme il était bon. Il est mort à 94 as et a confessé jusqu’à un an avant et quand il n’était pas dans le confessionnal, on sonnait et il descendait. Et un jour, j’étais vicaire général et je suis sorti de ma pièce, là où il y avait le fax – je le faisais tous les matins tôt pour voir les nouvelles urgentes – c’était le dimanche de Pâques et il y avait un fax : « Hier, une demi-heure avant la vigile pascale, le père Aristi est mort », c’est ainsi qu’il s’appelait… Je suis allé déjeuner à la maison de retraite des prêtres pour fêter Pâques avec eux et au retour je suis allé dans l’église qui était dans le centre de la ville, là où il y avait la veillée funèbre. Il y avait le cercueil et deux petites vieilles qui priaient le chapelet. Je me suis approché et il n’y avait aucune fleur, rien. J’ai pensé : mais c’était notre confesseur à tous ! Cela m’a frappé. J’ai ressenti combien la mort est terrible. Je suis sorti et je suis allé à 200 mètres, où il y avait un marchand de fleurs, ceux qui sont dans les rues, j’ai acheté quelques fleurs et je suis revenu. Et pendant que je mettais les fleurs là, près du cercueil, j’ai vue qu’il avait son chapelet entre les mains… Le septième commandement dit : « Tu ne voleras pas ». Le chapelet est resté là mais pendant que je faisais semblant d’arranger les fleurs, j’ai fait comme ceci et j’ai pris la croix. Et les petites vieilles regardaient, ces petites vieilles. Cette croix, je la porte ici sur moi depuis ce moment et je lui demande la grâce d’être miséricordieux, je la porte toujours sur moi. Cela se passait en 1996, plus ou moins. Je lui demande cette grâce. Les témoignages de ces hommes sont grands.
Ensuite l’autre cas. Celui-ci est vivant, 92 ans. C’est un pénitent qui a toujours des pénitents qui font la queue, de toutes les couleurs, pauvres, riches, laïcs, prêtres, quelques évêques, des sœurs… tous, c’est sans fin. C’est un grand « pardonneur », mais pas complaisant, un grand « pardonneur », un grand miséricordieux. Et je savais cela, je le connaissais, je suis allé deux fois au sanctuaire de Pompéi où il confessait à Buenos Aires et je l’ai salué. Il a maintenant 92 ans. À cette époque, quand il est venu chez moi, il devait en avoir 85. Et il m’a dit : « Je veux parler avec toi parce que j’ai un problème. J’ai un grand scrupule : parfois, il m’arrive de trop pardonner ». Et il m’expliquait : « Je ne peux pas pardonner une personne qui vient demander le pardon et qui dit qu’elle voudrait changer, qu’elle fera tout son possible mais qu’elle ne sait pas si elle y arrivera… Et pourtant je pardonne ! Et parfois, il me vient une angoisse, un scrupule… » Et je lui ai dit : « Que fais-tu quand il te vient ce scrupule ? » Et il m’a répondu ceci : « Je vais dans la chapelle, dans la chapelle intérieure du couvent, devant le tabernacle et je demande sincèrement pardon au Seigneur : « Seigneur, pardonne-moi, aujourd’hui j’ai trop pardonné. Pardonne-moi… Mais écoute, c’est toi qui m’a donné le mauvais exemple ! ». Cet homme priait ainsi.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
 
 

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Hélène Ginabat

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