Si les sacrifices « nous parlent tant », ce sera parce qu’ils « révèlent un fonds commun qui est le sol sur lequel on s’appuie », affirme le philosophe catholique français Martin Steffens : « Puisqu’on s’appuie sur le sol, on ne le voit pas et pourtant il est bien là. »
Interrogé par Olivier Bonnel sur Vatican News, il réfléchit sur le sacrifice du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame qui, pour sauver des vies, s’est offert en otage au terroriste lors des attaques perpétrées dans l’Aude, en France, le 23 mars 2018. Dans un télégramme de condoléances pour les victimes, le pape François a loué en particulier « le geste généreux et héroïque du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui a donné sa vie pour protéger les personnes ».
« Le sacrifice est le symétrique inverse du meurtre, souligne Martin Steffens. D’un côté, quelqu’un enlève des vies et de l’autre quelqu’un donne sa vie. Et en ce sens, on pourrait presque parler … d’une violence du bien’, ‘violence de l’amour’ qu’on oppose à la bêtise crasse du mal. »
Le philosophe estime que le sacrifice « naît de la Passion » : dans la Passion, explique-t-il, « le mal se déchaîne sur le Fils de Dieu qui semble être livré à ses coups ; et pourtant, chaque coup vient témoigner de l’amour que Dieu exprime pour l’humanité ». C’est « un peu la même chose avec Arnaud Beltrame, poursuit-il : finalement, ce que nous allons retenir, c’est évidemment la bêtise du mal, mais par surcroît, encore plus, et c’est ça la ruse du bien : c’est de renchérir sur le mal en inventant une issue qui n’appartient pas au mal, c’est-à-dire qu’on retiendra évidemment l’acte héroïque et saint d’Arnaud Beltrame ».
Le philosophe souhaite que le sacrifice du lieutenant-colonel français soit une occasion « de repenser cette façon de comment le bien peut répondre au mal sans devenir ce mal ». Et tous ces personnages qui ont effectué un sacrifice, poursuit Martin Steffens, « sont, finalement, source d’inspiration pour nous reconduire à ce bien qui invente, sur les lieux de la violence, quelque chose qui ressemble à la vie. »
Selon Martin Steffens, « le monde ne peut tenir que grâce à tous ces sacrifices discrets, secrets, intimes que nous faisons ». Il cite un exemple d’une mère qui attend un enfant : « Une mère qui porte un enfant, dit-il, évidemment doit tout le temps de la grossesse sacrifier une bonne part de son confort. Pour qu’il y ait des enfants qui naissent, il faut qu’il y ait ce don fou de soi. Si le monde accueille de nos jours encore des enfants, c’est bien que le sacrifice est comme la base continue, discrète qui soutient le monde. »
« Le sacrifice force le respect », ajoute le philosophe : « Le sacrifice est à la fois quelque chose qu’on ne peut prescrire moralement, commander moralement, et … c’est quelque chose qui est éminemment moral, qui suscite l’admiration et qui est – j’ai envie de le dire – la source même de toute morale, qui est un amour débordant pour la vie, un amour tel que l’on est prêt à donner sa vie pour celle d’un autre. »
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Sacrifice d’Arnaud Beltrame : réflexion de Martin Steffens sur Vatican News
Les sacrifices, « le fondement sur lequel nous nous appuyons »